Le Cas Hannah Fletcher
de Aruego
Cela va faire des semaines. Des semaines qu'il reste enfermé chez lui, sans même ouvrir les fenêtres. Il a peur au moindre bruit. Dieu sait que sa maison grince. Elle est en mauvais état, il devait la faire réparer il y a plus d'une semaine. Il comptait sur son travail de photographe pour lui apporter l'argent nécessaire. Jamais il n'aurait pensé que photographier une femme soi-disant hantée serait si terrible. Après tout, cela ne ressemble qu'à ces fameuses histoires pour faire peur, n'est-ce pas?
- Cela va bien se passer, se rassure-t-il. Cela fait plusieurs jours, déjà. Tu as envoyé la photo, tout va bien, il ne s'est rien passé.
Amaigri, cerné, l'apparence de cet homme en dit long sur sa santé. Il se nourrit de moins en moins et ne parvient plus à dormir. Il voit quelque chose dans ses rêves. Ses cauchemars. Un homme au visage flou qui le tue à petit feu.
- Tout va bien se passer, continue-t-il. Tu dois sûrement être malade...
Soudain, un courant d'air. Une tasse se brise sur le sol, le photographe hurle de peur ! Il prend un lanterne et l'agite devant lui. Il sait que ce n'est pas qu'un courant d'air. Un râle se fait entendre... Suivi par un bruit métallique. Ce bruit venait de la cuisine. Le photographe panique ! Il prépare son appareil, comme si sa vie en dépendait. Un bruit se rapproche. Lentement, les murs se mettent à pourrir... Un vent froid se lève. Il active son appareil, le flash lumineux ressort, la photo est prise ! L'espace d'un instant, l'homme aperçoit une SILHOUETTE. La peur s'empare de lui ! Il se dirige vers sa chambre, laisse sa lanterne devant la porte et essaye de l'ouvrir ! Il glisse et tombe ! Il se relève au plus vite puis s'enferme, place son lit devant la porte, y rajoute quelques meubles et en garde d'autres pour bloquer la fenêtre. Le râle s'atténue. Plus aucun bruit.
- Ce n'était rien, alors ! Se rassure-t-il. Il ne se passe rien, hein ?
Il sent quelque chose dans sa main. En regardant, il s'aperçoit qu'il détient un couteau. Quand l'a-t-il prit ? Le Photographe n'aura jamais la réponse, sa main dirige d'elle même le couteau vers sa gorge. Il se poignarde de lui-même a de multiples reprises, jusqu'à se planter l'arme dans l'œil. Il meurt, mais ne s'arrête pas. Au bout de plusieurs dizaines de coups de couteau, sa main lâche l'arme. Cette dernière se glisse lentement sous la porte... Puis retourne, propre, se ranger dans la cuisine. Soudain, l'appareil photo est renversé avec une brutalité inouïe. Il brûle spontanément, effaçant toute preuve.
Ce n'est que quelques semaines plus tard que notre brave groupe arrive dans cette même maison. Théodore, Iris et moi explorons les lieux pendant que Noémie et Marie-Anne discutent avec les forces de l'ordre. Nous arrivons bien après les faits, le corps a déjà été examiné et déplacé. Cela n'empêche pas de rester mal à l'aise en voyant l'immense tâche rouge sur le parquet de sa chambre.
- Environ 70 coups de couteau, parait-il, rappelais-je en observant la tâche.
- Puuutain, réplique Théodore en observant la même chose. Comment on peut en venir à une chose pareille?
- Ils ont. . . Ils ont parlé d'un Fantôme?
- Ouais. . . Tu sais si. . . Tu sais si les fantômes peuvent faire ce genre de choses?
- . . . . . . . Nan. . .
- Putain, je suis aussi perdu qu'au premier jour.
- Et comment peut-on être sûr que c'est bien un fantôme qui a fait ça? Il suffit que cela soit un psychopathe.
- Cela avait quand même l'air personnel.
Noémie nous rejoint, Marie-Anne reste à l'extérieur. Iris, elle, commence à gratter sa cicatrice à la main droite.
- Quelque chose ne va pas, Iris? demandais-je.
- Non, ce n'est rien, c'est juste. . . Une impression de déjà vu, réplique-t-elle.
- Ne t'en fais pas, cela n'a rien à voir avec un monstre difforme. Il s'agit probablement d'un assassin réel.
- Et bien cela va être compliqué à expliquer, riposte Noémie. La porte était barricadée de l'intérieur quand les forces de l'ordre sont arrivées. Des meubles bloquaient aussi les fenêtres.
- . . . Une minute, réfléchit Théodore. Non seulement, comment le tueur est-il entré, mais aussi comment est-il sortit? Vu le sang, ça n'a pu se passer qu'ici.
Iris se détache du groupe, observant la porte. . . L'interstice du bas permettrait bien de faire passer certains objets.
- Ils ont aussi expliqué qu'une lanterne était postée devant la chambre, continue Noémie. Qui se barricaderait en laissant sa lanterne à l'extérieur?
Elle suit son intuition. Une partie du sol est brûlée. Un vif souvenir lui saute aux yeux, son manoir en feu. Sa main la démange.
- Un appareil photo complètement brûlé a aussi été trouvé, explique Noémie. Vous pensez qu'il a prit en photo son meurtrier et que ce dernier a cherché à effacer les preuves?
- Cela coïncide avec la théorie que le Fantôme n'aime pas être pris en photo.
Son avancée continue. En arrivant près d'un couloir, elle a l'impression d'entendre un râle. C'est comme si ce couloir devenait de plus en plus long, et de plus en plus sombre. Sa main commence à lui faire mal. Elle arrive dans la cuisine, apercevant aussitôt les couteaux. Ils sont tous à leur place. C'est en allant en chercher un qu'elle remarque quelque chose d'étrange. Sa main saigne. Sa cicatrice saigne. Pire encore. . . La marque sur sa main, un pentagramme inversé, brille d'un rouge intense.
- A. . . Adam. . . ? appelle-t-elle, confuse.
En se retournant, elle remarque qu'il n'y a plus aucun bruit. Elle regarde par la fenêtre, Il fait nuit. Impossible, il faisait jour lorsqu'elle est arrivée. Le froid se fait sentir, mais ce n'est plus ce qui la perturbe. Le râle revient.
- Adam !
Soudain, les murs se mettent à pourrir. Iris panique, elle ne sait pas quoi faire. Un meuble se met à léviter, puis lui fonce dessus ! Elle l'évite de peu, mais se prend une chaise ! Sonnée, elle reste au sol. . . Tandis que les couteaux se mettent à léviter à leur tour. Ils se plantent des ses poignets et ses chevilles, la clouant ainsi au sol ! Elle hurle de douleur. Une forme immatérielle s'approche d'elle. . . Puis de la marque brillante sur sa main droite. Le râle s'intensifie tandis que la forme tente d'atteindre le pentagramme ! Iris souffre à nouveau, mais le procédé semble échouer !
Un immense flash lumineux la ramène à la réalité en hurlant. Elle est au sol, nous sommes tous autours d'elle. Théodore éloigne le journaliste qui a pris Iris en photo lorsqu'elle était au sol.
- Hey, ça va? demandais-je. Iris?
Elle a du mal à m'entendre. Son regard se tourne vers sa cicatrice. L'espace d'un instant, elle a l'impression qu'elle brille encore.
- Iris? appelle Noémie.
- M. . . Mes. . . Mes poignets. . . Mes chevilles ? s'interroge Iris.
- Elles vont bien, lançais-je. Qu'en est-il de toi ?
- Un problème ? demande le journaliste. Elle n'a pas l'air bien.
- Laissez nous un peu, vous voulez ? réplique Théodore.
- Pourquoi êtes vous ici alors que les forces de l'ordre sont déjà passées ? Êtes vous d'autres experts?
- Excusez moi, quel est votre nom ?
- Stephen, de The Sun.
- Ecoutez moi, Stephen, nous sommes des professionnels qui ont besoin d'être laissés tranquilles.
- Vous ne voulez pas que le public sache pourquoi un groupe possédant une personne de l'Ordre Religieux examine une scène de crime supposée hantée?
Théodore inspire, puis expire. Un officier finit par le faire sortir. Un autre nous demande si tout va bien, je leur explique que nous avons juste besoin d'un peu de tranquillité.
- Tu es sûre que ça va ? Demandais-je.
- Je crois savoir. . . Ce qu'il s'est passé, explique Iris. Le Fantôme. Il peut contrôler les objets.
Nos regards se croisent tous. Contrôler les objets. Charmant. Nous devinons tous comment le photographe s'est fait tuer : le couteau est passé par l'interstice de la porte.
- Contrôler les objets, tu es sûre ? demande Noémie.
- Noémie, je viens de me prendre une chaise et des couteaux dans les poignets, je sais ce que j'ai vu, explique Iris. Ils se sont mis à léviter avant de me foncer dessus.
- Une minute, tu viens de quoi ? demande Théodore.
- Tu l'as vu ? demandais-je à mon tour.
- J'ai vu. . . Une forme. Une silhouette, décrit Iris. Mais pas. . . Enfin. . . Pas le genre de silhouette causée par une ombre, ou un objet mal placé. C'est comme si la silhouette avait une vie propre. Et elle ne voulait pas qu'on la perturbe.
- Mais pourquoi t'avoir agressée ? Demande Noémie. Tu ne l'as pas prise en photo, cette silhouette, tu ne la connais même pas.
- Je. . . Je ne. . .
Les images lui sautent aux yeux, et la douleur qui va avec. Le regard tourné vers la marque brillante. Il essaye de l'atteindre. Le flash lumineux.
- Je ne sais pas.
- Ce qui compte, c'est que tu sois parmi nous, explique Théodore. Quittons cet endroit, Marie-Anne doit nous attendre.
Nous aidons Iris à se relever, elle essuie une légère coulée de sang avant de se remettre. Lorsque nous sortons, le journaliste essaye à nouveau d'obtenir des informations, sans succès. Nous quittons les lieux en voiture. Le journaliste peste, mais son humeur change lorsque quelqu'un se dirige vers lui en courant.
- Stephen ! lance le coureur. Stephen, ça a recommencé !
- Aaaah, Larry ! réplique le journaliste. Quelle est donc la croustillante nouvelle?
- Le tueur a recommencé !
- Erf. Encore? Mais que font les forces de l'ordre?
- Si on se dépêche on sera les premiers !
- Bah ! Bon, aller, allons-y. De toute façon, je n'ai pas eu grand chose ici. Pour l'instant.
Stephen et son assistant montent dans un taxis avant de se diriger vers la fameuse scène de crime. Il prépare un foulard, car ce n'est pas la première fois qu'il photographie une scène de ce genre. Un tueur en série rôde, pense-t-il. Arrivé sur place, il se couvre le nez et la bouche avant d'indiquer à son assistant de rester en retrait. Stephen est peut-être journaliste, mais pas complètement dénué de cœur. Encore dans une ruelle. Tout est bouclé.
- Stephen, de The Sun. Je suis Journaliste, vous permettez?
- Faites vite, explique le policier.
Il s'avance. L'odeur l'agresse déjà. Arrivé une certaine limite, il n'est plus autorisé à avancer. . . Mais il voit déjà tout ce dont il a besoin. Le jet de lumière provoqué par son appareil photo révèle quelques briques encore blanches, ainsi que certaines touffes d'herbes épargnées, leur placement en bordure étant assez protecteur. . . Mais une chose évidente sauterait aux yeux de n'importe qui. Jamais les murs n'ont été aussi rouges.
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