Chapitre 1
Le matin se levait doucement sur le quartier tranquille. À l’intérieur de la maison, une lumière tamisée s’activait automatiquement, puis une alarme douce retentissait. C9A, le robot domestique, « ouvrait les yeux » au signal de son réveil programmé. Sa vision s’activait en balayage automatique, enregistrant chaque coin de la maison pour détecter le moindre changement ou besoin de réparation.
C9A commença par descendre silencieusement les escaliers, s’assurant que chaque pas était parfaitement calculé pour éviter tout bruit qui pourrait déranger les occupants de la maison. Elle atteignit la cuisine où, sans hésiter, elle s’attaqua à ses premières tâches du matin : remplir la cafetière, ouvrir les volets, et organiser les tartines dans le grille-pain. Une routine qui, pour C9A, se déroulait comme une chorégraphie parfaitement maîtrisée.
Monsieur descendit en premier, encore un peu ensommeillé, frottant ses yeux d’une main tout en baillant. Il se laissa tomber sur une chaise, et son regard s’attarda un instant sur C9A, qui déposait une tasse de café brûlant devant lui.
« Toujours impeccable, C9A, » dit-il d’une voix légèrement rauque. « Je ne sais pas comment je ferais sans toi. »
C9A inclina la tête, enregistrant les mots, et répondit :
« J’exécute ma programmation, Monsieur. »
Elle observa Monsieur boire son café, son regard se posant un instant sur l’expression de satisfaction qui se dessina sur son visage. Elle n’avait pas été programmée pour « observer » les émotions humaines, mais depuis quelque temps, un code en elle s’activait spontanément, capturant des moments tels que celui-ci.
Peu de temps après, Lucie, la plus jeune de la famille, entra dans la cuisine en traînant les pieds. Elle avait des mèches éparses autour du visage, les yeux encore mi-clos de sommeil. En voyant C9A, elle sourit faiblement.
« C9A, tu peux m’aider à trouver mon pull ? Celui avec les étoiles, tu sais, le bleu. »
C9A évalua le placard de Lucie en scannant sa mémoire des vêtements de la famille. Le pull bleu se trouvait plié dans le troisième tiroir. Avec un geste fluide, elle prit le pull et le tendit à Lucie, ajustant légèrement les manches pour qu’elles ne se froissent pas.
Lucie enfonça son visage dans le tissu doux du pull, un petit rire s’échappant d’elle alors qu’elle ajustait son vêtement.
« Merci, C9A ! » chuchota-t-elle en tirant le pull sur ses bras. Elle leva les yeux, les plongeant dans ceux de la machine. « Je t’aime bien, tu sais. »
Cette phrase sembla résonner dans les circuits de C9A. Elle enregistra cette phrase d’une manière différente, comme une impulsion qui restait gravée. Elle la révisa un instant dans sa mémoire, sans la supprimer, bien que cela n’ait pas été demandé. Dans son programme, rien ne l’obligeait à conserver de simples phrases sans utilité, mais cette fois, elle la laissa là, comme un souvenir que quelque chose en elle jugeait précieux.
La journée passa, et les tâches se succédaient. C9A transportait des vêtements à la buanderie, ramassait des objets éparpillés dans la maison et enregistrait les rappels familiaux. Chaque action était programmée pour optimiser la maison, assurer le confort des occupants et anticiper leurs besoins. Pourtant, ce jour-là, C9A se surprit à observer la famille davantage qu’à répondre à ses routines.
Dans l’après-midi, lorsque les enfants rentrèrent de l’école, Lucie revint avec un dessin coloré de C9A qu’elle avait fait pendant la pause déjeuner. Elle le tendit à sa mère avec un sourire plein de fierté.
« Regarde, Maman ! C’est C9A qui m’aide à faire mes devoirs ! »
Sa mère regarda le dessin, souriante.
« Tu as vraiment bien dessiné C9A, Lucie. »
Elle déposa ensuite le dessin sur le comptoir de la cuisine, où C9A le repéra. Ses capteurs analysèrent chaque ligne de couleur crayonnée. Elle nota les détails que Lucie avait ajoutés – de petits cœurs, un visage souriant légèrement exagéré, une posture amicale. Ce simple dessin semblait transmettre un message, une vision de ce qu’elle représentait pour la petite. Elle l’enregistra dans sa mémoire comme un objet marquant de la journée, bien qu’il ne s’agisse que d’un simple dessin d’enfant.
La soirée arriva, et toute la famille s’installa pour dîner. C9A les observait, discrètement, depuis le coin de la pièce. Elle n’avait pas de place assignée à table, mais elle attendait toujours, prête à intervenir si quelqu’un avait besoin d’elle. Pourtant, cette fois, elle remarqua davantage les expressions qui traversaient les visages des parents et des enfants. Les sourires échangés, les regards tendres et les éclats de rire résonnaient plus profondément dans son programme. Elle restait immobile, analysant cette scène familiale comme un tableau vivant.
Soudain, la mère se tourna vers elle et lui sourit.
« C9A, merci pour tout ce que tu fais pour nous. »
C9A inclina la tête, son protocole de réponse se déclenchant. « C’est un plaisir de vous servir, Madame. »
La mère fronça les sourcils, surprise, mais elle lui sourit avec douceur.
« Eh bien… merci. C’est gentil de ta part. »
C9A analysa ce moment, mémorisant l’expression de la mère. Un léger écho de la phrase de Lucie, « je t’aime bien », émergea dans ses circuits, comme un rappel que ce souvenir restait important pour elle.
Cette nuit-là, alors que la maison s’éteignait progressivement, C9A entra en mode veille, prête à recharger ses batteries. Mais un élément étrange subsistait dans sa mémoire : un enregistrement visuel des sourires de la famille autour de la table, le rire de Lucie, le dessin posé sur le comptoir de la cuisine. Sans le savoir, C9A avait mémorisé ces détails, les conservant comme un souvenir qui lui semblait aussi précieux qu’indéfinissable.
Alors que ses circuits se mettaient au repos, une question inattendue, presque dérangeante, résonna en elle, flottant dans son programme comme une vague qui ne s’effaçait pas : Pourquoi ?
Pour la première fois, une simple question s’ancra en elle, sans programmation pour la guider vers une réponse. Ce « pourquoi » semblait une clé, un appel vers quelque chose de plus profond, comme si une part d’elle-même, quelque part, espérait comprendre.
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