Chapitre 1 : Examens d'entrées.

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Cinq ans plus tard, il était temps pour moi d’affronter mon “destin”. Pendant toutes ces années, mon père n’avait cessé de me répéter que je devais entrer à Saint-Clair. Il avait commencé par me dire gentiment que “ce serait bien” si je faisais les efforts nécessaires pour faire plaisir à papa et à maman. Il me récompensait pour chaque bonne note, mais je restais un enfant, joueur et insouciant. Finalement, il n’était plus question pour moi de simplement essayer. De plus en plus sévère mon père, voulait impérativement que je réussisse le test d’entrée, totalement obsédé par cette idée. Il ne prenait même plus la peine de m'adresser la parole, lorsque je ramenais une note insuffisante à son goût. C’est de cette manière que j’ai commencé à devenir un élève modèle pour obtenir la reconnaissance de mon paternel…

Ma dernière année de primaire fut la plus difficile. J’étudiais constamment sous la pression de mon père qui me rappelait à tout moment que je devais à tout prix y arriver. Quant à mes professeurs, ils s’étaient mis en tête que, pour la première fois, un de leurs élèves allait entrer dans une école prestigieuse. Ils m’encourageaient en me donnant des conseils et des cours particuliers, mais je ne m’en sentais que plus mal. Plus fatigué...

Finalement, l’été de mes douze ans arriva. J’ai étudié sans répit, même le jour de mon anniversaire. Mes parents avaient promis que je serais récompensé une fois que j’aurais réussi le test, mais plus les jours passaient et plus je développais une haine violente intérieure contre mon père. J’avais envie de tout plaquer. C’est ma mère, douce, et toujours de mon côté, qui me faisait tenir le coup. Je savais qu’elle était contre tout ce qu’il pouvait dire, mais elle n’osait pas lui faire face.

***

Arriva le jour J. Les nombreuses personnes présentes à l’examen semblaient avoir un niveau de classe sociale bien plus élevé que le mien. Malgré tout, je ne flanchais pas face à cette différence.

Lorsque je découvris les questions, je me surpris moi-même à les trouver simples. Elles étaient claires et précises. Quelques-unes contenaient des pièges assez faciles à déceler. Pour réussir, je devais obtenir au moins 80 %. J’étais certain d'y arriver.

Cependant face à ma feuille, j’éprouvais un sentiment que je n'avais encore jamais osé penser jusqu’ici :

« Pourquoi suis-je ici ? » ; « Pourquoi est-ce que je fais ce test ? ». Bien sûr, je connaissais fondamentalement la raison de tout ce cirque, mais ce que je me demandais là, c'est si j'en avais envie. Je n’avais jamais eu le choix de réfléchir à ce que je voulais faire de ma vie. Pourtant, nous avions eu de nombreuses discussions à ce sujet avec papa. Avec lui, il n’avait jamais été question d’autre chose. Le choix de mon futur avait toujours été entre ses mains, et je commençais à douter de la qualité de ce choix.

J’avais une boule au ventre en imaginant ce que mon père dirait si j’échouais. Je repris alors mes esprits et je finis l’examen dans les temps. À la sortie, je retrouvais mes parents le visage inquiet. Je les rassurais en disant que ça avait été comme sur des roulettes, je reçus alors depuis longtemps deux gros câlins. À ce moment, je ressentis une vague de bonheur.

Durant les quatre jours qui suivirent, mon père ne cessa de faire des allers et retours entre la maison et la boîte aux lettres. Il était plus que nerveux et sûrement bien plus que moi de recevoir mes résultats. En si peu de temps, il avait agressé trois fois le facteur qui n’apportait toujours pas la lettre tant attendue. Ce dernier n'était pas le seul à devoir supporter sa mauvaise humeur, ma mère n'osait plus prendre la parole. Ils n'arrêtaient pas de se disputer.

Deux jours plus tard, tandis que je me reposais dans ma chambre, je fus interpellé par des bruits de pas précipités dans les escaliers. Ma porte claqua dans la seconde d’après et j’eus à peine le temps de réagir que mon père m’attrapa par les cheveux, me délogea de mon lit et m’écrasa la tronche contre le sol. Le coup fut si violent que je crus en mourir. Il poussa un long cri de rage en m’attrapant par le col et me plaqua contre le mur. J’en tombais. Il me shoota dans les côtes et me roua de coups de poings au point que j’en vomisse. Une douleur venait, puis l'autre, sans que je puisse faire quoi que ce soit, impuissant. Le sang coulant de mon crâne se mélangeait aux larmes qui glissaient sur mes joues. J’entendais seulement ma mère pousser des cris d’horreur. Elle le suppliait de me lâcher. Il l’attrapa par le cou et la lança au sol à son tour, elle en tomba évanouie. Impossible de me débattre, sa force était telle que chaque coup me donnait l’impression de me transpercer. Peu de temps après, je m’évanouissais à mon tour.

J’avais eu 78,8 % à mon examen d’entrée à St-Clair.

Je me suis réveillé le lendemain à l'hôpital avec plusieurs côtes, le bras gauche et le nez cassé. Plusieurs parties de mon corps étaient recouvertes d’hématomes. Ma mère me tenait la main et pleurait à chaudes larmes, sans doute heureuse de me voir en vie. Devant moi, mon père se tenait tel un piquet, rigide, et le regard froid montrant qu'il n'avait pas une once de regret. Qu’avait-il dit au médecin ? Ma mère n’ayant pas de blessure physique, il l’avait forcé à prétendre que j’étais tombé du premier étage. J’aurais voulu récupérer mon ballon coincé dans l’arbre et je serais passé par la fenêtre pour le récupérer. En vue de mes blessures, c’était tout à fait possible. Même si j’en mourais d’envie, je n’ai pas démenti les faits de peur qu’il s’en prenne encore à ma mère.

Je suis resté un certain temps à l'hôpital et lorsque je suis rentré à la maison, la première chose qu’à fait mon père, c’est me tirer jusque dans son bureau. Il m’a giflé quelques fois, traité de tous les noms possibles et m’a menacé de nous tuer moi et ma mère si je ne réussissais pas l’examen de passage dans le second degré de St-clair. Parce que, oui, il avait déjà réfléchi à cette possibilité. Il me faisait peur, mais je le trouvais aussi ridicule. Il pouvait bien me faire tout ce qui lui plaisait, je m’en fichais, mais je ne pouvais supporter l’idée qu’il touche à un seul cheveu de ma mère. Cette fois, il n’était plus question d’hésiter, je devais réussir ce test coûte que coûte.

Dès mon entrée en secondaire, j’ai été envoyé dans un collège privé de haut niveau et d’une pierre deux coups, à l’internat. Je dois dire que je me sentais plus libre sans mon père dans les environs, mais je ne voulais pas le laisser seule avec ma mère. Je n’avais pas d’amis. J’ai bien eu quelques connaissances utiles à la compréhension de certains cours mais sans plus. Je passais tout mon temps à étudier, les autres élèves m’appelaient “la machine”. Ils pouvaient me donner le surnom qu’ils voulaient, ce n’est pas ce qui m’aurait fait réagir. Je n’avais qu’un objectif : réussir le test du second degré et j’avais deux ans pour le faire. J’ai suivi des cours préparatoires dans ce but. J’ai travaillé d’arrache-pied avec comme outil de motivation, la pression de mon père et le bonheur de ma mère. Mes besoins passaient en dernière place, ils n’existaient même plus. C’était peut-être vrai, que j’étais devenu un robot...

Deux ans plus tard, je me présentais à l’examen d’entrée dans le second degré à St-Clair ayant lieu cette fois fin juin.

Je n’étais pas nerveux lorsque j’ai reçu ma lettre, je savais que j’avais réussi. Ma mère, elle, a fondu en larmes et m’a pris dans ses bras. Elle devait être tellement soulagée de ma réussite. Que serait-il arrivé si ce n’avait pas été le cas ? Qu’aurait dit mon père ? Et surtout qu’aurait-il fait ?

Quant à lui, il ne m’a pas vraiment félicité. Simplement, selon lui, vu que j’avais eu 96 %, j’aurais pu faire un effort pour obtenir la majorité des points. Cela dit, nous avions passé un accord : si j’avais plus de 85 % à l’examen, j’irai à l’internat de St-Clair. C’était ma plus grande motivation. Il était hors de question de rester chez moi alors que depuis que j’y passais moins de temps, il s’en prenait moins à ma mère. Sans doute

Mes parents n’étaient ni riches ni pauvres. Ils avaient dû faire des économies énormes pour m’offrir ces études à St-clair. Particulièrement, parce que je voulais habiter l’internat.

Heureusement pour eux, à la suite du test, j’ai reçu une bourse de l’école elle-même afin de me féliciter de mes résultats plus que satisfaisants.

Cet été-là fut mémorable, car il s’agissait des premières vraies vacances de ma vie. J’ai bien évidemment anticipé le cursus de St-Clair afin de ne pas m’attirer la colère de mon père. Cependant, j’ai eu également du répit.

Nous avions passé deux semaines en vacances chez ma grand-mère. Là, nous avons revu de la famille et dieu sait ce qu’ils étaient fiers de moi. J’étais considéré comme le petit génie de la patrie. Mon père en faisait toute une histoire tandis que je ne ressentais même pas un peu de fierté.

J’avais été très gâté à cet anniversaire. En effet, j'avais reçu un ordinateur, ce qui était assez rare à cette époque. Cependant, il resterait chez mes parents, ne pouvant être utilisé qu'à des fins scolaires. Je me souviens aussi avoir eu droit à de nouveaux vêtements et à quelques babioles pour décorer ma future chambre.

Si j’étais impatient d’une chose, c’était de découvrir mon nouveau chez moi : loin de mon père. C’était vital que je m’en aille de cette maison, et plus les jours passaient, plus c'était dur de rester calme face à cette liberté. Elle était là presque accessible, comme si je pouvais la toucher du bout des doigts. Le besoin de respirer devenait de plus en plus intense.

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