Chapitre 7 : Une amie
Chuck, Elliot, Michael et moi-même étions couchés par terre dans un coin reclus de l’école. Il y avait à ras du sol une fenêtre, pleine vue sur les vestiaires des filles. Ça devait être d’anciennes caves, d’où la petite lucarne. Les collants noirs sur la vitre prouvaient que nous n’étions pas les premiers à découvrir l’endroit. Les écarts permettaient d’y glisser un œil.
- Vous devriez vous voir, se moqua Alicia.
- Un joli spectacle, ajouta Michael.
- Tu ne te rends pas compte de la valeur de cet endroit ! répondit violemment Chuck.
- Qu’est-ce que je disais, alors c'est qui le meilleur ? se vanta Elliot amusé.
- Je n’irais pas jusque-là, répondit amèrement son rival.
- En ce jour particulier, je vous annonce, Mr.Chuck, que vous n’aurez le droit de fréquenter ce havre de paix seulement qu’en mon humble compagnie, décida-t-il en plaisantant.
- Hors de question, se révolta ce dernier.
- Comme si tu avais le choix, et puis ça nous permettra de nous rapprocher ! s’exclama-t-il en lui faisant un clin d’œil.
- Jamais de la vie…
Qui aurait cru que Chuck, se montrant toujours sous son plus beau jour, pouvait être aussi ronchon. Fier de lui-même, ce n’était pas une découverte. Et qu’Elliot soit aussi taquin ne m’étonnait pas. Sur le plan mental, je ressemblais plus à Michael. Du moins, c'est ce que j'avais déduit au bout d'une journée.
Dix minutes avant que la cloche ne sonne la reprise des cours, nous regagnions la cour. Quelques garçons finissaient un match de foot. Chuck et Elliot s’improvisaient commentateurs et bien sur, défendaient tout deux une équipe différente. Pour ma part, nous discutions avec Alicia et Michael.
- C’est vrai que tu es arrivée en retard à la cérémonie, Alicia ? demanda Michael.
- Elle l'a complétement loupé, oui, ris-je.
- Te moques pas de moi, fit-elle en le poussant gentiment.
- Désolé, ahah mais c’est vrai ! Nous parlions de ta mère tout à l’heure, comment se fait-il qu’elle ne t’ait pas parlé du fait d’entrer à St-Clair ?
- Tu ne savais pas ? s'étonna Michael.
- Parce qu’on ne discutait pas beaucoup, c’est mon père qui m’en a fait part et me voilà aujourd’hui.
- Vous n’en avez pas parlé depuis ? Si ce n’est pas trop indiscret, demanda Michael.
- Non, fit-elle, arborant un visage triste.
Au même moment, Elliot et Chuck s’arrêtèrent de parler lorsque Katherina Hodaibi passa devant eux. Elle avait aussi attiré mon attention, tandis que Michael regardait tristement Alicia.
Quelques filles s’avancèrent timidement vers la mystérieuse jeune fille, sans doute pour se présenter à elle. Elle répondit par politesse.
- C’est vraiment une belle plante, lâcha Elliot, étonné lui-même de ses paroles.
- Qu’est-ce que tu racontes ? répondit Chuck dubitatif.
- C’est vrai, elle est très belle, ajoutais-je.
Michael n'avait pas envie d'écouter nos préférences, mais demanda à Alicia ce qu'elle en pensait. Tandis qu'elle l'analysait, elle se releva d'une traite à la vue du ballon de foot qui s'envolait à toute vitesse en direction de Katerina. Le choc sur son crâne l'expulsa violemment au sol. Instantanément, Alicia courut la rejoindre, à l'instar des spectateurs et de ceux dont venait la faute, sans doute choquée de la destinatrice. Katerina saisit la main qu'elle lui proposa d'un air complètement déboussolé. Elle porta sa main égratignée à l'endroit où avait frappé la balle. Celle-ci, l'avait décoiffé et son genou aussi était écorché, apparent dans le nouveau trou à son luxueux pantalon.
Quelques filles qui passaient à côté gloussèrent en voyant son accoutrement. Les traits blessés de Katherina n'échappèrent pas à notre blondasse qui démarra au quart de tour.
- Eh toi ! Ouais, la petite blonde ! Je peux savoir pourquoi tu rigoles ??! hurla-t-elle au travers de la cours, pointant du doigt sa victime.
- Moi ? Tu te trompes, je…
- Nan ! T’étais en train de rire-là je vous ai vues ! Ça te fait rire de voir quelqu’un tomber ? Ou c’est le ballon qui te fait marrer ?! continua-t-elle furieuse.
- Oh ça va, ses infirmiers personnels s’occuperont bien d’elle, répondit une autre fille, sur un ton sec.
- Aaah donc c’est pour ça ! C’est parce que c’est une Richess que ça te fait rire ?!
- Pour une fois que ça arrive à l’un d’eux...
Alicia vira au rouge, fonçant à toute vitesse sur la deuxième fille. Une poussée et celle-ci se retrouva à terre, choquée.
- Mais ça va pas ?! cria sa copine.
- Ah ouais, c’est carrément trop drôle de tomber ! Tu ferais mieux de te taire maintenant, la prochaine fois, c’est la balle dans ta gueule !! Quoi ? s'insurgea-t-elle en sentant une main autour de son poignet.
- Arrête ça, l'interrompa Katerina.
- Je te ferais remarquer que je prends ta défense là…
- La seule chose que tu fais, c’est m’humilier, la coupa-t-elle.
Elle défit son emprise pour jeter un regard sombre à la fille par terre, qui essayait de se relever. Nous la regardâmes ensuite s'éclipser à petit pas en se tenant la hanche. Elliot dit tout haut ce que nous pensions tous : "La classe".
Je trouvais qu'Alicia avait bien agit, mais qu'elle était insouciante. Ce ne serait pas sans représaille.
La cloche sonna enfin pour le plus grand bonheur de ces filles qui prirent leurs jambes à leur cou. Les cours de l'après-midi filèrent à toute vitesse. Ainsi, la fin de la journée arriva et le début de la visite de l'internat commença. Chuck nous guida, moi et Alicia jusqu'au vieux bâtiment, style british et recouvert de lierre. Quatre gros bâtiments reliés entre eux, laissant place à un jardin en son milieu, avec une fontaine, des bancs, et des fleurs à foison. En somme, un bel et grand endroit, pour le plus grand bonheur des élèves.
Une dame très chic nous accueillit d'un grand sourire à la réception. Elle nous donna quelques informations supplémentaires sur le fonctionnement de l'internat. La règle du couvre-feu m'étonna. Il n'y en avait pas, mais nous devions être responsables et éviter trop de bruit après vingt-deux-heures. Vint le tour des clés. Elle insista sur le dépôt chaque matin. Je regardais la grande armoire aux tiroirs numérotés derrière son dos lorsqu'elle nous l'expliquait.
Les chambres d’Alicia et Chuck se situaient dans le bâtiment voisin et la mienne dans le principal : chambre 101, au 3ème étage. Je montais alors les escaliers dont les marches s'habillaient d’une moquette bordeaux et glissa ma main le long de la rampe en chêne. C’était royal.
Au moment d'enfoncer la clé dans la serrure, un stress grandit dans ma poitrine. J'allais enfin avoir ma chambre, à l'abri de tout. Je la découvris. Ma valise m'attendait au milieu de la pièce que je jugeais trop grande pour une seule personne. Le bureau était éclairé par la lumière venant de la porte fenêtre. A côté de celui-ci, il y avait une petite bibliothèque et une garde-robe. La salle de bain, parfaite, avec douche, évier, toilettes et de l’espace pour toutes mes affaires. Tout y était, et dans la plus grande des propretés. Je m’installai ensuite sur le lit, assez large pour deux personnes, et contemplai le plafond. Ces respirations qui s'échappaient de ma gorge, me semblait être les premières. Le long soupir qui suivit s'apparentait à de la joie. Je renaissais : la chambre était belle, spacieuse, propice au travail. Je souris bêtement. Puis, je me rendis sur le balcon et m’appuyai sur la rambarde pour contempler le parc. Cette petite brise qui soufflait quelques mèches de mes cheveux, je ne l’ai jamais oublier, car à ce moment précis, je me sentais libre.
J'avais une vue sur les autres chambres. Cela aurait été drôle d'apercevoir Alicia ou Chuck, mais j'aperçus quelqu'un d'autre sur le balcon opposé au mien : Blear Makes. Elle prenait soin d'une Orchidée. L'ambiance autour de sa personne qui glissait une mèche de cheveux derrière son oreille, semblait paisible. En cet instant, où se cachait la reine des glaces ? Le spectacle prit fin lorsqu'elle m'aperçut et repartit froidement dans sa chambre. Je l'imitais pour débuter le rangement de mon nouveau foyer.
Deux heures plus tard, je quittais l'internat pour me rendre dans un bâtiment annexe qui faisait office de restaurant. J'y retrouvai mes deux amis, se servant déjà du plat du jour : spaghetti sauce saumon et brocoli. On s’assit ensemble et je fus étonné qu’Elliot et Michael se joignent à notre table d’eux même. Chuck ne fit même pas une remarque, il semblait de meilleure humeur.
- Les chambres sont trop cools, la bouffe est bonne, c’est le paradis ici ! déclara Alicia.
- St-Clair, c’est quelque chose, ajoutais-je.
- Et vous n’avez encore rien vu, répondit Chuck.
Un garçon s’approcha de nous timidement et semblait vouloir dire quelque chose. Marry Stein se tenait non loin de lui.
- Hum, est-ce que vous allez utiliser cette chaise ? demanda-t-il, mal à l’aise.
- Non, avons-nous répondu en cœur.
Il s’empressa de nous remercier et se rendit à une autre table remplie où il n’y avait que des garçons. Il déposa la chaise et prit la main de Mary afin de l’aider à s’asseoir. Celle-ci lança un regard satisfait.
- C’est une princesse ou quoi ? s’irrita Alicia.
- C’est Marry, souffla Michael
- Elle aime qu’on la remarque non ? demandais-je.
- Ça, tu peux le dire, répondit Elliot.
- Une fille abjecte, ajouta Chuck.
Sur cet événement, nous finissâmes nos repas en faisant plus ample connaissance et puis nous partîmes chacun dans notre chambre. Une fois installé et douché, je m'installai au bureau pour lire quelques pages et puis me glissais avec joie dans mon nouveau lit. Quelle journée de dingue, pensais-je. Entre les Richess et la rencontre d'Alicia, elle n'avait pas été de tout repos. Au moins, mes parents seraient contents. Comme mon père le souhaitait, je tenterais de me rapprocher davantage des Richess. Je m'endormis sur ces pensées. La nuit avait été réparatrice, et le petit déjeuner en compagnie de Chuck me parut délicieux. Ce fut une matinée calme, si on ne comptait pas l'arrivée en furie d'Alicia, presque en retard. Puis, la concentration s'installa, la découverte des cours. Au temps de midi, nous nous rassemblâmes tous les cinq, ce qui m'enleva toute angoisse. Ces regroupements ne seraient pas que passagés.
Les quelques jours qui suivirent se déroulèrent exactement de la même manière. Sauf que les rumeurs autours des boys Richess grandissaient. Pourquoi trainaient-ils avec deux élèves banals comme Alicia et moi. Vexé, je me rassurais de leur présence qui ne signifiait pas repos. Ils se chambraient à tout va : d’un côté Michael et Elliot, de l’autre moi-même et Chuck, avec au centre Alicia.
- Tu es bien silencieuse aujourd’hui, Alicia ? lui demanda Michael.
- C’est vrai ça, qu’est ce qui se passe ? ajouta Chuck.
- Rien, c’est juste que …
- Dis-nous ? insistais-je.
- J’aime bien être avec vous mais… j’ai pas de copines, répondit-elle en faisant la moue.
Cette révélation sonna comme une alerte pour nous quatre. Nous étions consternés et désolés. Elle avait passé ces premiers jours de rentrée exclusivement en notre compagnie et les filles avaient une tendance à la rejeter. Aucune ne voulait être son amie. Attristé, il me vint une idée.
- Pourquoi tu n’irais pas parler à Katherina là-bas ? lançais-je en montrant la belle brune d’un geste.
- La fille qui m’a rembarré l’autre jour ? Je suis pas sûr que ça l’intéresse de se faire des copines vu comment elle reste seule, bouda-t-elle.
- Personne n’aime réellement être seul, pas vrai ?
- Il a raison, m’appuya Michael.
- Vas-y, Alicia, ramène-nous cette jolie poulette ici ! s’exclama Elliot.
- Tu ne penses vraiment qu’à ça, soupira Michael.
- Je suis du même avis, répondit Chuck avec un sourire en coin.
- Ça ne m’étonne même plus, souffla-t-il d'autant plus.
- Ahahahah ! Allez, c'est une super idée ! insista Elliot.
-Vous croyez ? demanda Alicia perplexe, c’est vrai qu’elle a l’air sympa sous ses airs. Allez, oui, pourquoi pas ! se motiva-t-elle seule.
Alicia partit vaillamment conquérir Katerina, son courage entre les mains. Elle se planta devant le banc où elle était assise, écoutant de la musique sur son baladeur. En voyant les yeux déterminés de la blonde, Katherina poussa un léger soupir. Elle retira son casque.
- Est-ce que je peux t’aider ?
- Je me demandais si on pouvait être copines ! demanda-t-elle sans tact de son plus beau sourire.
- Quoi ? s’interloqua-t-elle.
- Ta tête va mieux ? enchaîna-t-elle en prenant place à côté.
- Je... j’ai juste quelques hématomes, répondit-elle en dégageant quelques mèches de cheveux.
- Ouch, ça doit faire mal, réagit-elle face à la blessure. Tu as un walkman, qu’est-ce que tu écoutes ? demanda-t-elle en portant le casque à son oreille.
- Ah je…
- Je connais pas, c’est de qui ?
- C’est… de moi, hésita-t-elle.
- Tu rigoles ? C’est ta voix ça ? Mais tu chantes trop bien !
- Oh merci, mais je dois m’améliorer, répondit-elle, humble.
- Tu plaisantes, c’est trop cool !
Alicia se mit à chantonner et à bouger ses épaules tout en claquant des doigts, en ne cessant de complimenter sa chanson. Katherina semblait mal à l’aise.
- Tu prévois de faire un disque ? demanda Alicia.
- Non ! J’ai juste écrit ça comme ça ! À vrai dire, tu es la première personne qui l’écoute donc...
- Sérieux ?! Non, pas possible, il faut absolument que tu la fasses écouter !
- Hum écoute, ça me met mal à l’aise et d’ailleurs je préférais être seule donc ce serait mieux que tu partes.
- Menteuse ! Tu vas pas me faire croire que ça te fait pas plaisir de partager ta musique, commença Alicia. D’ailleurs, je sais à qui le faire écouter !
- Non…
Elle lui piqua son baladeur des mains et courut dans notre direction. Katherina, choquée, la poursuivit dans un élan de peur. Nous, on voyait Alicia qui venait de voler le walkman de Katherina et qui venait se réfugier en vitesse à nos côtés, toute essoufflée.
- Écoutez, un peu… ça ... les gars, dit-elle avec peine.
- Mais ! cria Katherina qui n’osa plus bouger une fois son casque dans mes mains.
- Fais voir, répondis-je en collant le casque à mon oreille puis en la passant à Elliot dont la réaction la fit déglutir.
- C’est qui la chanteuse ? demandais-je, me doutant de la réponse.
- C’est elle ! répondit-elle, en la pointant du doigt.
- Waw, m’étonnais-je de la beauté de sa voix.
- Très jolie, ajouta Elliot en lui lançant un sourire tendre et qui s'amusait de la voir virée au rouge écarlate.
- T'es trop mignonne, t’es toute gênée ! s’exclama Alicia, en touchant les joues de Katherina.
- C’est faux ! Rendez-moi ça ! cria-t-elle en reprenant son baladeur des mains de Chuck qui l'écoutait avec Michael.
- Tu es douée, la complimenta ce dernier.
- Merci, mais...
- Ça te dit pas de rester un peu avec nous ? Comme ça, si tu fais d’autres chansons on pourra, les écouter pour toi ! Proposait Alicia.
- Tu es… vraiment folle, conclut-elle tout en s’asseyant, comme essoufflée, à côté de moi.
Alicia répondit par un doux sourire lorsqu’elle vit que l’élégante jeune fille restait au prêt de nous. Ce charmant sourire qui nous désarmaient tous, il était certains qu’elle ne pouvait pas y résister non plus. Elle avait maintenant une copine, j'étais vraiment content. En les regardant l’une à côté de l’autre, puis en fixant les boys Richess, j’eu un soulagement. J’allais pouvoir retrouver mes parents le cœur léger. Il fallait que je sois entouré d’eux, ça allait simplifier ma vie. En l’occurrence, c’est Alicia qui la simplifiait.
Une idée, quelque peu troublante, mais plus qu'ingénieuse se logea alors dans mon esprit.
- Eglantine Akitorishi, c’est une fille plutôt discrète, non ? omis-je en fixant celle-ci dans la coure.
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