Chapitre 8 : Bataille d'eau.

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L’après-midi battait son plein à St-Clair, quand le claquement d’une porte se faisait entendre dans les bureaux de la direction. Le visage des secrétaires et des éducateurs changèrent au son des hauts talons qui se rapprochaient d’eux à toute vitesse. Personne n’osa arrêter la dame au chignon serré, qui portait un tailleur droit et dont les lèvres se pinçaient lorsqu’elle s’introduit de force dans le bureau du directeur.

  • C’est INACCEPTABLE ! Cria-t-elle, en entrant sauvagement dans le bureau.
  • Madame Makes ??! Que faites-vous là ? répondit monsieur Xavier pris par surprise.
  • Je vous fais confiance depuis des années ! Comment avez-vous pu faire ça ? MA FILLE, dans la même classe que ces …
  • Madame Makes ! Avec tout le respect que je vous dois, comme vous pouvez le voir, présentement, je suis occupé, répondit-il plus calmement en se levant de sa chaise.

Monsieur Xavier la défia du regard, tout en lui montrant d’un geste l’élève assis sur la chaise devant lui : Alicia. Les filles avec qui elle s’était battue, l’avaient dénoncée. C’est pourquoi, il l’avait convoqué dans son bureau.

  • En quoi est ce plus important que ma fille ? Dépêchez-vous, on a des choses à se dire ! fit-elle en sortant du bureau.

Le directeur soupira et rigola, lorsqu’il vit les gros yeux d’Alicia, choquée par l’entrée de Madame Makes.

  • Je comprends ta réaction, un vrai tourbillon !
  • C’est la mère de Blear ? Elle ne manque pas de culot d’entrer comme ça !
  • … Parlons plutôt de toi et de ton comportement si tu veux bien, détourna-t-il le sujet.
  • Je sais ce que vous allez me dire, et je comprends mais.. Ces filles se sont moquées de Katherina alors qu’elle venait de se faire très mal et personne ne leur disait rien, c’est injuste !
  • Certes, tu as agi en noble cause et je te félicite pour avoir pris la défense d’une personne comme Katherina, mais tu aurais dû t’arrêter au verbal. La violence est proscrite au sein de l’établissement, j’espère que tu comprends et que tu ne le referas plus d’accord ?
  • Oui m’sieur… répondit-elle d’une mine ennuyée.

Sur cette réponse, il l’invita à rejoindre sa classe et la guida jusque la porte. Avant d’ouvrir celle-ci, il marqua un temps.

  • Une dernière chose avant que tu rejoignes ta classe, commença-t-il. Je crois que tu ne penses pas à mal, mais je ne suis pas certain que ce que tu fais avec les Richess soit une bonne idée.
  • Comment ça “ce que je fais “ ? Ce sont mes amis, c’est tout ! s’exclama-t-elle d’un ton affirmé.
  • Tu le vois peut-être ainsi, mais il s'agit d'un jeu dangereux et...
  • Si vous pensez de cette manière, c'est vous qui êtes dangereux ! lui coupa-t-elle la parole.
  • Je ! ... Nous aurons cette discussion une autre fois, je t'en prie, répondit-il en lui ouvrant la porte.

Il lui sourit en guise d'au revoir. Un sourire auquel Alicia refusa de répondre. Monsieur Xavier blanchit lorsqu’il vit les yeux foudroyants de Madame Makes. Blear l’avait rejoint, elle eut un léger sursaut lorsqu’elle vit Alicia sortir du bureau. Les deux filles se défièrent longuement du regard.

  • Pouvons-nous commencer ?! Je n’ai pas que ça à faire de ma journée ! Savez-vous combien de rendez-vous j’ai dû décaler pour me présenter ici ?!
  • Mère, calmez-vous..
  • Blear ! C’est entre moi et monsieur Xavier !
  • Je vous en prie, allons nous installer, répondit-il courtoisement.

Blear baissa la tête quelques instants sous les brimades de sa mère. Avant d’entrer dans le bureau, elle aperçut le regard d’Alicia. Celle-ci avait la bouche entrouverte et les yeux écarquillé. C’est le mot “mère” qui l'avait choquée. Qui appelait encore ses parents de la sorte à notre époque ? Blear lui jeta un regard noir et claqua sa langue contre son palais. Après avoir rejeté ses cheveux derrière son épaule, elle referma la porte derrière elle, laissant entendre : “c’est mon intimité”.

***

Les cours de sports se déroulaient les trois dernières heures du lundi, ainsi nous n’avions pas encore eu l’occasion de rencontrer nos professeurs.

Il n’y avait pas de cours mixte, mais les garçons de notre classe étaient jumelés aux 3ème G, idem pour les filles. Je me retrouvais alors avec Chuck, Elliot et Michael. Notre prof avait décidé qu’on ferait du foot, soi-disant parce que ça mettait toujours tout le monde d’accord. On commença par un entraînement, puis on se divisa en deux équipes. J’étais avec Michael et les deux autres ensemble. Je savais qu’on gagnerait car nous étions plus stratégique que ces deux têtes de mules.

Alicia avait rejoint le reste des filles qui faisaient des tours de terrain. Leur prof l’avait réprimandé pour son retard alors qu’elle avait un motif. Elle retrouva vite Katherina et suivit le groupe. Au programme pour elles, c’était du parcours.

  • Est-ce que ça a été avec Mr. Xavier ? lui demanda Katherina.
  • Plutôt oui, il m’a juste donné un avertissement, expliqua-t-elle.
  • Je suis soulagée, je me sentais coupable...
  • Il ne fallait pas ! Ce sont ces filles qui sont tarées !
  • D’accord, mais tu es sûr que ça va ? Tu fais une drôle de tête ? s’inquiéta-t-elle.
  • En fait …. Je crois que je suis constipée, répondit-elle, en faisant une grimace.
  • Ahahahaha, si je m’attendais à ça !

Mais pour dire vrai, la scène entre Blear et sa mère l’avait marqué. Elle ne cessait de la rejouer dans son esprit, fronçant les sourcils en désapprobation.

***

Ça faisait déjà plus d’une heure qu’on jouait sous le soleil. En ce début d’année, les chaleurs pouvaient atteindre les 30 degrés. Tout le monde crevait de chaud. Lorsque le prof siffla la pause, on se rua comme des animaux sur nos bouteilles d’eau.

Avec les gars, on s’effondra au sol dans un carré d’herbe qui longeait le grillage nous séparant du terrain des filles. Elles s’étaient toutes réfugiés de notre côté pour profiter de l’ombre.

  • Alors la délinquante on arrive en retard ? S’exclama Elliot taquinant Alicia.
  • S’t’une conne cette prof ! Je lui ai remis le motif du dirlo pourtant !
  • Crie le plus fort, répondis-je.
  • Sinon, est ce que ça a été ? demanda Michael.
  • Seulement un avertissement, je suis rassurée ! Répondit Katherina à sa place.
  • Yep, c’est un soulagement !
  • Je ne voudrais pas dire, mais vous ne trouvez pas que Mary Stein agit de manière un peu louche ? demanda Chuck qui fixait la blonde.

Celle-ci était entourée de ses sous-fifres et des filles qui lui servaient soi-disant d’amies. Il était évident qu’elle préparait un mauvais coup lorsqu’on voyait leurs sourires sournois et leurs yeux vicieux, tous fixés sur Eglantine Akitorishi. Cette dernière était assise seule dans l’ombre, un rocher pour siège. Elle semblait passer un mauvais moment, fort en sueur et les pommettes toutes rouges d’avoir couru sous cette chaleur. Tandis qu’elle passait une main sur son front et décrochait l’élastique autour de son poignet pour attacher ses beaux cheveux argentés, les pestes de Mary s’approchèrent à petit pas. Elles se mirent alors à courir dans tous les sens, débutant une bataille d’eau.

Eglantine souriait devant la scène et portait sa bouteille à sa bouche quand l’une d’entre elles fit exprès de la bousculer. À la vue de toute son eau renversée, Eglantine afficha une mine dépitée, ce qui fit bien rire ses agresseuses qui revenaient à Marry, plus que satisfaite.

  • C’est quoi leur problème, sérieux ?! s’écria Alicia.
  • Ce ne sont pas les mêmes filles qui se sont moquées de toi Kat ? demanda Elliot.
  • Ka.. s’interloqua Katherina à ce surnom. Hum, se reprit-elle, je crois bien oui.
  • Je vais aller leur toucher un mot moi...
  • Non ! Alicia ne te mêle pas de ça ! intervint Katherina en la retenant.
  • Elle a raison, tu vas encore t’attirer des ennuis, approuvais-je.
  • Mais ce sont vraiment des teignes, il faut bien…

Alicia fut coupée par le coup de sifflet annonçant la fin de la pause. Katherina s’occupa de calmer la bête et la garda à l’écart des autres filles. Quant à nous, on rejoignit notre prof. Eglantine était toujours assise dans son coin, broyant du noir. Elle portait le poids de sa tête sur une seule de ses deux mains tremblantes. Une tentative vaine pour cacher son visage dont les traits étaient avachis et rongés par la peine. Elle semblait épuisée, prête à lâcher prise.

Lorsqu’on passa devant elle, Michael s’arrêta net et déposa à ses pieds, sa bouteille d’eau encore à moitié remplie. Elle sursauta face à cet élan de gentillesse et la prit alors dans ses mains. Elle leva la tête timidement vers lui qui se retourna afin de lui adresser un sourire accompagné d’un clin d’œil. Puis, il continua son chemin.

  • Quel gentleman ! s’exclama Elliot.
  • Et dragueur à ses heures perdues apparemment, le taquina Chuck.
  • Qui aurait cru, ajoutais-je.
  • Taisez-vous, répondit-il en virant au rouge.

***

Au souper, on charriait Michael sur ce qu’il s’était passé avec Eglantine. Il était gêné face à nos remarques et quitta le réfectoire plus tôt que tout le monde parce qu’il devait “finir ses devoirs”. On se doutait qu’il les avait sûrement déjà fini et qu’il voulait tout simplement se retrouver au calme.

Michael prit le chemin le plus rapide vers son bâtiment. Il n’y avait personne à l'accueil pour le réceptionner, alors il se servit lui-même dans les clés. Il monta alors jusqu’au 3ème étage. En tournant dans le couloir, il fut surpris de voir Eglantine Akitorishi en train d’essayer d’ouvrir sa porte. Lorsqu’elle le vit, elle se raidit et ne dit rien quand il passa derrière elle. La chambre de Michael n’était qu’à quelques pas de la sienne, il jeta un coup d’œil vers elle et puis disparu à l’intérieur.

Eglantine fit quelques pas en arrière pour voir s’il était bien rentré, puis se jeta sur la clé de sa chambre qui était coincée dans sa porte. Son trousseau résonnait dans tout le couloir, à forcer de le secouer dans tous les sens. Elle s’acharnait, parce qu’elle ne voulait surtout pas qu’on la voie. Disparaître et ne croiser personne c’était son quotidien. C’est pour cette raison qu’elle quittait toujours le réfectoire plus tôt que tout le monde. Prise de rage, elle jeta un coup de pied dans sa porte.

  • Tu as besoin d’aide ? apparut alors Michael en passant sa tête dans le couloir.
  • Hu.. non.. je.. répondit Eglantine surprise de le voir.
  • La clé est coincée ? Je vais y regarder, dit-il en s’approchant de la serrure.
  • Ou..Oui.. c’est la clé..
  • Voyons voir..

Michael prit le problème délicatement, fit deux trois mouvements et réussit à sortir la clé du trou. Il l’inséra à nouveau et entrouvrit alors la porte d’Eglantine qui semblait bluffée de la facilité qu’il lui avait fallu pour se dégager de ce problème.

  • Merci, souffla t-elle.
  • Tu dois pousser vers le haut avec la clenche pour que ça fonctionne mais à long terme tu devrais en parler avec le service d’entretien, d’accord ?
  • Oui.. Je le ferais.. Merci beaucoup.
  • .. Voilà, content d’avoir pu t’aider, dit-il en partant et sans trop savoir quoi dire de plus.

Elle le regarda partir, les épaules ballantes et le cœur lourd. Elle ne l’avait pas remercié pour la bouteille d’eau en cours de sport. Elle se sentait redevable. Elle essaya de l’appeler deux fois mais sa voix n’était pas assez forte, elle prit alors son courage à deux mains.

  • Mi.. Michael ! Attend !
  • Oh.. oui? se retourna-t-il surpris.
  • Je.. je voulais aussi te remercier pour cet après midi. Pour.. la bouteille d’eau je veux dire, dit-elle en se tortillant.
  • C’était avec plaisir !
  • Et pour ma porte aussi, rougit-elle.
  • Si tu as besoin de quoi que ce soit d’autre, tu sais où toquer maintenant !
  • C’est.. c’est gentil merci !
  • De rien. Passe une bonne nuit, Eglantine, fit-il en lui souriant tendrement.
  • Toi aussi, bonne nuit, répondit-elle en s’éclipsant dans sa chambre.

Lorsqu’elle referma la porte derrière elle, Eglantine porta ses mains sur ses joues toutes chaudes. Elle se laissa tomber au sol et se mit à rigoler bêtement. Elle était heureuse d’avoir pu tenir une conversation aussi longtemps avec quelqu’un, et plus particulièrement avec un Richess. De son côté, Michael se jeta dans son lit et enfonça sa tête dans le creux que formaient ses bras croisés devant lui. Il se retourna sur le dos et se mit à sourire tout en regardant son plafond, rejouant la scène mille fois dans sa tête.

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