Chapitre 15 : Proximité.

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Je vivais tant de premières fois avec Alicia. Parler de tout et de rien jusque tard, enroulés chacun dans un bout de couverture. Avoir une amie avec qui je m'entendais si bien, au point de passer la nuit ensemble. C'est avec elle que je m'entendais le mieux, dont je me sentais le plus proche. Elle me faisait rire et c'était rare à l'époque d'obtenir un franc sourire de ma part. Je regrettais seulement qu'elle parle si peu de sa personne.

La nuit avait donc été longue, et la fatigue me guettant, je peinais à garder les yeux ouverts. Déjà à moitié endormie sous la couverture, elle me souhaita bonne nuit, tout simplement. J'eus une hésitation, puis je me laissais tomber sur l'oreiller. Voilà comment nous en étions arrivés à dormir ensemble.

Le matin fut mouvementé avec Alicia qui bougeait dans tous les sens. Elle dormait allongée sur le dos, un bras sur son visage, l'autre sur son ventre et ses jambes relevées. Je l'entendis marmonner des bouts de phrases incompréhensibles et la secouai pris d'un fou rire.


  • Dossan ? T’es encore là ? dit-elle dans le gaz. Huum… Yo ! me salua-t-elle d’une voix rauque.
  • Ce n'était pas ok pour dormir ici ?
  • Ah si, si ! répondit-elle rapidement en se relevant, j’ai cru que tu te lèverais plus tôt, c’est tout…

Tandis qu'elle se battait avec les draps pour sortir du lit, un mot me vint à l'esprit : simple. Voilà ce que j'aimais chez elle, sa simplicité, le fait que tout était facile et sans ambiguïté. Ces traits de sa personnalité apaisaient les plus anxieux des miens.


***

  • Alors comme ça tu dors avec Alicia ? me demanda un Chuck amusé à la première pause du matin.
  • Je suis sûr que tu te fais des idées, mais c’était juste normal.
  • Bien sûr, je te crois, se moqua-t-il.

La deuxième personne dont je me sentais le plus proche était bien plus compliquée à gérer. Je ne pouvais la comparer à Alicia, la relation était totalement différente. Il aimait les non-dits et parlait toujours en sous-entendu. Un pro de l'ironie. Je n'arrivais jamais à savoir ce qu'il pensait, tout ce dont j'étais sûr, c'est que je l'adorais.


  • Je te taquine ! Je sais que ce n’est pas le genre d’Alicia !
  • Parce que c’est mon genre peut-être ? répondis-je du tac au tac.
  • Ne sois pas si tendu petit Dossan, dit-il en m’agrippant les épaules.
  • Je ne veux pas que tu penses qu’il y ai…
  • Il n’y a rien, je le sais, répondit-il plus sérieux, mais je suis curieux : de quoi avez-vous parlé ?

Le semblant de massage qu'il me faisait se transforma en une étreinte. Nous étions proches. J'aimais cette proximité, son affection particulière. À la manière dont Elliot était tactile avec Michael, Chuck et moi étions indissociable. Notre relation faisait plus d'un jaloux, voir même plus d'une. Je lui expliquais nos discussions sur l'école, à propos de la musique, de si peu de choses finalement.

  • Tu sembles déçu ?
  • Non, mais c'est vrai qu'elle parle peu d'elle...
  • Ce n'est pas la seule à ne pas s'étaler sur sa vie privée, dit-il en m’adressant un regard rieur.
  • Tu parles de moi ? m’étonnais-je.
  • Tu trouves que tu parles beaucoup de toi ? Tu sais, à par le fait que tu sois un élève boursier et que tu as une bouille adorable, je ne sais pas grand-chose, plaisanta-t-il.

Je fus surpris, bien qu'il eût raison. Je me concentrais plus sur la vie d'Alicia, et sur le mystère d’Alicia, que sur moi-même. Qu'est-ce que j'aurais pu leur dire de toute façon ? Il n'y avait rien de trépidant à raconter, à part l'enfer que me faisait vivre mon père.


  • Nous sommes simples, dis-je après un temps, je viens d’une famille modeste et…
  • Ne me racontes pas, si tu n’en as pas envie, me coupa Chuck. Par contre, je suis un peu déçu que tu aies dormi dans la chambre d’Alicia avant même de dormir dans la mienne !
  • Ahahahah, quoi ??
  • Tu voudrais qu'on se fasse une soirée entre mecs au retour du weekend ? Je connais aussi un chouette endroit où ils servent des smoothies, bon c’est un peu girly mais…
  • Chuck … ? Tu es jaloux d’Alicia ? lui demandais-je d’un sourire taquin.
  • Jaloux ?! Je l’adore ! Comment pourrais-je être jaloux d’elle ?
  • Mm tu n’es pas honnête, tu veux passer tout ton temps avec moi n’est-ce pas ? dis-je, en passant mon bras autour du sien.
  • Oh Dossan... non… quand tu me prends le bras comme ça, je suis troublé ! Tu ne dois pas ! fit-il dans un jeu d'acteur parfait.
  • Ne sois pas gêné, dis-je en rentrant dans son jeu.
  • Tu as raison, allons dans ma chambre directement ! s’exclama-t-il en me tirant vers lui.
  • Ahahah nooon, dégage ! Me touche pas avec tes sales pattes !
  • Si tu savais ce qu’elles sont capables de faire !

La pause passa trop vite à mon goût. Je manquais d'attention en classe, mordillant mon stylo frénétiquement tout en regardant par la fenêtre. Je m'estimais chanceux d'être devenu aussi proche de Chuck Ibiss, et je lui étais reconnaissant de respecter ma vie privée, mon intimité. Notre complicité s'était installée dès le premier jour, et j'avais peur qu'elle se brise en apprenant les motivations derrière notre amitié. Bien que sincère, j'avais été poussé comme tous les autres à me rapprocher de lui et des autres.


***

Elliot et Michael nous rejoignirent à la fin des cours, nous accompagnant sur le chemin jusqu'à l'internat. Chacun énonçait les affaires à ne pas oublier dans notre valise pour le weekend.


  • Pour une fois que je dois pas faire ma valise, lâcha Elliot.
  • Tu ne rentres pas non plus ? lui demanda Alicia.
  • Le match amical se déroule à l'école, donc je reste.
  • Un match que tu perdras sans doute, lança Chuck à son rival.
  • On ne perd jamais, et souvent grâce à moi d'ailleurs !

Les piques volèrent, et les deux se lancèrent dans une course poursuite dans la rue, mais Elliot était plus rapide. Le basket lui apportait un sacré avantage. C’était deux gamins qui ne cessait jamais de se provoquer.


  • Et toi Alicia, tu ne rentres pas non plus alors ? lui demanda Katerina.
  • Oh… Mon père part en voyage ce weekend, donc je reste à l’internat.
  • Et ta…

Le regard discret que je lançai à Katerina l'empêcha de lui demander des informations sur sa mère. L’occasion aurait été parfaite d'en savoir plus, mais j’avais peur qu’elle soit blessée. Ce n'était pas son genre pourtant. Le silence de Michael laissait croire qu'il comprenait la situation.

  • Ça va pas Kat ? demanda Alicia soucieuse.
  • Oh si, mais moi aussi je reste ce week-end. J’ai demandé à utiliser les locaux de danse de l’école, je dois créer une chorégraphie pour mon prochain cours.
  • C’est vrai que tu fais de la danse moderne, dit Michael pour continuer la diversion.
  • C’est génial ! Est-ce que je pourrais voir ?
  • Finis peut-être d’abord la masse de devoirs pour lundi, répondis-je en lui tapant sur l’épaule.
  • Quelle horreur, ah mais... Kat, tu pourrais m’aider ce soir ? Comme ça, on se fait une petite soirée entres filles !
  • Oh… Oui bien sûr, s'étonna-t-elle.
  • Une soirée entre filles, j’entends ? Je devrais peut-être m’y ajouter ! s’exclama Elliot revenant de loin.
  • Tu veux… commença Alicia.
  • Non, c’est une soirée entre elle et moi, la coupa Katerina.
  • Ooh dommage, répondit-il avec un sourire en coin.

Ce moment passé avec mes amis me paraissait être un délice, comparé à ce qui m’attendait par la suite. Je finissais de boucler ma valise, la gorge nouée. J’étais plus anxieux que d’habitude à l’idée de rentrer chez moi. Je ne voulais vraiment pas voir mon père ou plutôt mon géniteur.

Je descendis les escaliers sans trop de peine, mon sac à bout de bras. Lorsque je m’avançai vers mon point de rendez-vous, je fus surpris de voir Chuck et Alicia en train de discuter dans la rue

  • -Vous êtes là ? Alicia, tu n’es pas déjà avec Kat ?
  • J'ai acheté des snacks pour ce soir, me répondit-elle en brandissant un sac provenant d’une supérette du coin.
  • Et moi j’attends mon chauffeur, tu attends aussi quelqu’un ? demanda-t-il alors qu'il vérifiait sa montre.

Un klaxon répondit à ma place, je vis la voiture de mon père se garer en deux trois mouvements saccadés. Je n'arrivais pas à prendre un visage heureux, parce que je redoutais qu'il sorte de la voiture et qu'il le voit. Mais il l’avait forcément repéré, Chuck était reconnaissable entre mille. Et j'avais raison, car son regard en sortant de la voiture s'apparentait à celui d'une bête en chasse. Je tentais de faire barrage en venant à sa rencontre.

  • Tu es prêt ? me demanda mon père alors qu'il ne le faisait jamais. Ce sont tes amis ? Bonjour ! Je pense reconnaître Chuck Ibiss, je me trompe ? fit-il en lançant un sourire à ce dernier.
  • En effet, enchanté, répondit-il sérieusement en lui tendant sa main. Je suis un ami de Dossan, enchaina-t-il, surpris par la poigne de mon père qui était un peu trop ferme à mon goût.
  • Et vous êtes ? demanda-t-il à Alicia en la regardant de haut.
  • J’suis Alicia Polswerd ! Enchanté Monsieur !
  • Un nom sans importance, marmonna-t-il. Allons-y Dossan.

Chuck serra si fort le bras d’Alicia, prête à bondir, qu’elle lâcha un cri de douleur. J'eus mal au cœur, mais je me contentai de récupérer mon sac à mes pieds, et de leur adresser un signe de main. Alicia pestait, mais il ne défit son emprise que lorsque je fus dans la voiture. Je m'y installai tête baissée, subissant le silence de mon père. Lorsqu'il démarra, je levai les yeux du dessous de mes mèches noires pour oser un regard vers mes amis et je vis le regard de Chuck. Un regard qui ne voulait pas me laisser partir. L'envie de pleurer monta, mais je me l'interdis devant lui.


  • Mais lâche-moi ! Tu me fais mal Chuck !
  • Excuse-moi Alicia, fit-il surpris.
  • T’es fou ou quoi ?! Qu’est-ce qui t’as pris ?
  • Je ne voulais pas que tu interviennes…
  • Mais t'as vu comment il m'a parlé ? Ça a beau être son père…
  • C'est bien parce que c’est son père que tu ne dois pas répondre, si ça lui retombait dessus, ce serait notre faute.
  • Pourquoi tu dis ça ?? Chuck ? T’es sourd ? insista-t-elle face à son silence.
  • Il n’a pas l’air d’être le genre d’homme qu'il faut énerver, voilà pourquoi.

Leur querelle prit fin lorsque la limousine de Chuck vint le récupérer. Alicia si peu impressionnable par le luxe, lâcha tout de même un petit sifflement qui le fit bien rire.


***

Les deux copines en pyjama s’empiffraient de chips dans la chambre d’Alicia. Celle-ci avait sorti un tas de magazines tendances, mais ne feuilletait que les pages concernant un nouveau jeu pour Gameboy. Katerina parcourait les peoples en se moquant des dires du journaliste.


  • C’est vraiment n’importe quoi tous ces ragots, je veux même pas savoir ce qu'ils disent sur nous dans la presse.
  • Perso, je lis rarement ces trucs et je ne regarde jamais la télé, répondit-elle en engloutissant plusieurs chips d’une traite. Par contre, j'aime bien les ragots du genre qui parle d'Elliot ? Qu'est-ce qu'il s'est passé entre vous ?
  • Oh pas grand-chose...
  • Allez dis-moi, je suis trop curieuse, et je sais que tu lui fais la gueule !
  • Nous n'avons jamais vraiment été en bons termes, tu sais.

Il n'y avait rien à expliquer, car elle jugeait n’avoir aucun compte à lui rendre. Elle s'était intégré dans le groupe seulement grâce à Alicia et n'avait pas cherché à s'entendre avec les autres. Si ça avait marché, c'était de la chance, car elle ne parlait que lorsque c'était nécessaire. Autrement, elle restait souvent en retrait, aux côtés de notre blonde, observant tout ce qui l’entourais. Les autres Richess représentaient une limite, elle ne voyait pas l'intérêt de s'en rapprocher. Il y avait effectivement beaucoup de barrières autour de Katerina. Le problème avec Elliot, c’est qu’il sautait directement au-dessus de celles-ci, l’amenant directement au cœur de notre brune. Elle se sentait bousculée et ne supportait pas ce côté de lui qui l’attaquait de front en l’appelant « Princesse », par exemple.


  • C’est mignon pourtant !
  • Je ne trouve pas, de quel droit est-ce qu’il m’appelle comme ça ? dit-elle agacée.
  • Baaaah Elliot, c’est un dragueur, et il te taquine, c’est tout ! Faut pas le prendre au sérieux !
  • Il fait tout le temps le guignol, il n’est jamais sérieux, c’est impossible de savoir ce qu’il pense vraiment ! Ah excuse-moi, je m'énerve, mais il m'insupporte vraiment.
  • A ce point-là ? Il est pas méchant pourtant...
  • Non c’est vrai, mais je ne sais pas.
  • Il faut mettre le doigt sur ce qui te dérange, expliqua-t-elle en se réinstallant dans le lit.
  • Ses réflexions me gênent, je me sens toujours prise au dépourvu et je ne sais pas comment réagir, souffla-t-elle.
  • Je vois, tu es plus timide que je ne le pensais !
  • Je ne suis pas timide ! rétorqua-t-elle en lui lançant un oreiller.
  • Alors toi, tu cherches la bagarre !

Alicia empoigna un oreiller au hasard, et lui lança en plein visage. Katerina contra le coup avec son avant-bras et s’empressa de fuir dans un coin de la chambre. Elles se lancèrent toutes deux dans une bataille effrénée, accompagnée de rires et de cris perçants. Puis vint ce moment où elles furent trop épuisées pour continuer à se taper dessus. Alicia prit de grandes gorgées dans sa bouteille d’eau, tandis que Kat haletait au sol, les cheveux complétement ébouriffés. Elle ne s’arrêtait pas de rire, prise de spasmes tant elle s’était déchaînée.


  • Tu deviens folle ? demanda Alicia en sueur.
  • Ahahah, c’est toi qui es folle ! Tu as vu le dernier coup que tu m’as donné !
  • Tu as affaire à un maitre du polochon ! répondit-elle en mimant une position de karaté.
  • Aaah, c’était trop bien, ma première bataille de polochons !
  • Quoi ?? C’était ta première !
  • Et oui, étonnant non ?
  • Hum je vois, fit-elle en regardant l’oreiller entre ses mains. Alors commençons la DEUXIÈME !!

Alicia lui sauta dessus, et la rua de coups de coussins. Katerina criait si fort qu’elles n’entendaient pas le voisin de chambre cogner contre le mur séparant les deux chambres. Et malheureusement pour lui, elles étaient parties pour une longue nuit.

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