5 - Centre pénitenciaire GC
Les barreaux de ma cellule grincèrent et Paul, le surveillant héla : "T'as de la visite, met ton uniforme." Je me dirigeai alors vers le placard de ma cellule, un membre très privilégié du trio des meubles de la pièce, avec le lit et les toilettes. Je l'ouvris. Il contenait sept uniformes différents, tous étiquetés avec mon matricule et le jour de la semaine durant lequel je devais le porter. Ca évitait les récidives selon eux.
Je revêtis alors l'uniforme violet du vendredi et remontai la fermeture éclair de mon entrejambe jusqu'au cou. Ensuite je m'enquis auprès de Paul: "Qui est-ce ?" Il se tenait droit comme un I, ses yeux me scrutant avec dégoût, les muscles de sa machoire sérrés. "Un psy pour toi, putain de taré" cracha-t-il.
- Je ne veux pas voir un psy, les psys c'est pour les malades, m'expliquai-je.
- Parce que t'en es pas un peut-être ? Y a qu'un cerveau détraqué qui peut t'avoir donner l'idée de faire ce que t'as fait, même le barriolé est là pour moins que ça."
Le barriolé, un quinqua qui déambulait dans la rue revêtant un assortiment de couleurs à vous en cramer les rétines. Il portait pas moins de quinze accessoires et chacun avait sa propre fluorescence, une vision cauchemardesque qui a coûté beaucoup d'encre aux éditeurs de journaux. "Qu'il aille voir le barriolé alors, moi je n'ai fait que suivre les lois de la nature.
- J'en ai assez entendu, porc !" il frappa les barreaux avec sa matraque ornée "GC", acronyme du centre pénitenciaire.
J'ai jugé nécessaire de fermer mon clapet. J'attendrai la venue de ce psychiatre, il fera sûrement meilleure oreille que Paul.
Les claquements des mocassins retentirent. Le psychiatre s'avança devant ma cellule. Il portait son costume trois pièces bleu marine taillé sur mesure et brodés des initiales de l'institut JPG en lettres d'or. Son regard était camouflé derrière de larges lunettes aux verres miroirs mais je le sentis s'apesantir sur moi. "Bonjour, doc, le saluai-je
- Monsieur, répondit-il en sortant son stylo de sa poche de soie.
Paul lui ouvrit les barreaux de ma cellule, le psychiatre entra, emplissant la pièce de son parfum puissant aux odeurs boisées. J'étais à la limite de l'évanouissement.
Le spécialiste alluma son dictaphone et fit claquer son stylo. "Nous sommes le 2 mai 2054, je suis le psychiatre Jean-Paul Gauthier XXVII. Je suis au centre pénitentiaire Gucci en présence du prisonnier immatriculé 456980, pour grave atteinte à l'hygiène et torture de textile.
- Torture, toujours plus, protestai-je.
- Le prisonnier a, en effet, porter le même t-shirt deux jours de suite."
Les prisonniers voisins hoquetèrent sous le choc et Paul souilla de son déjeuner, ses chaussures cirées.
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