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Il était une fois un monde de géants. Vivre avec eux était difficile : chez eux une pensée chasse l’autre et après quelques minutes tout le reste est oublié. Ils ne peuvent pas, comme nous, rester concentrés sur de petites choses et leur esprit est comme les vagues de la mer, toujours recommencées et toujours les mêmes. Nous vivions, avec eux, comme nous vivions avec la pluie, la neige, le beau temps ou le froid et l’idée d’accuser l’un de ces grands d’un quelconque forfait, d’un préjudice qu'il aurait pu causer, ne nous venait pas à l'esprit. Dire que nous les aimions serait trop dire. Nous les aimions, oui, mais nous les redoutions, aussi. Car pour mieux les aimer et moins les redouter, il nous aurait fallu mieux les comprendre.

Le seul d’entre nous qui les comprenne, était Gen. Il avait remarqué que nos braves géants étaient sensibles à sa musique, et longtemps nous n’avons su où il allait, parti à la nuit en secret, revenu plusieurs jours après, sans dire un mot. En ces occasions les géants faisaient moins de dégâts. Alors Gen dû avouer qu’il jouait du violon, pour les géants. Gen fut le premier. Le premier qui eut compris le chemin qui menait à leur cœur.

Depuis, nous avons progressé. Je dirais même que nous sommes devenus des experts. Aujourd’hui, voir passer des géants dans nos rues est chose fréquente. Comme je le disais, les géants savent rendre de grands services. Gen nous a appris.

La musique tout d’abord. Comme des vagues, mais plus doux, plus harmonique, avec un début rythmique simple, puis une mélodie qui monte de plus en plus complexe. Il faut voir alors les géants ouvrir de grands yeux et sourire, des yeux remplis de larmes et des sourires de dents belles et brillantes et des rires, parfois, des rires de géants.

Si la musique est belle, réussie, envoutante, alors le géant s’assoit ou se met à genoux et nous laisse grimper sur son épaule, pour nous emmener aussi loin qu’il plaira, dans des lieux que nous n’aurions pas imaginé auparavant, des lieux ordinaires de pins, de montagnes, mais que nous ne connaissions pas, et des lieux secret aussi, des lieux magiques. Mais de cela, nous parlons peu. Car les géants considèrent que nous montrer ces lieux est une faveur qu’ils nous font, une chose que les mots ne peuvent toucher et sacrée.

Chaque géant a un instrument préféré. Le trouver est difficile. Pour certains, ce sera le violon comme je l’ai dit. Mais c’est loin d’être le cas pour tous. Tout dépend du géant. Un jeune géant sera charmé par une mélodie simple, allègre, de celles que nous utilisons pour les comptines. Un géant plus âgé sera sensible aux mélodies complexes, et sera peu porté sur la rythmique, alors qu’un géant adolescent ne voudra presque que du rythme autour d’une mélodie tonique. Autant vous dire que nos jeunes vont avec des géants de cette espèce, et c’est tant mieux, car ils s’en vont explorer les confins du monde connu, nous laissant en paix, nous les plus âgés, avec nos géants plus tranquilles, que nous utilisons à divers travaux.

Nous étions heureux. Ce monde aurait pu durer. Il aurait pu.

Jusqu’au jour où les lutins sont arrivés parmi nous.

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