Chapitre 1 : Effraction
Un goutte-à-goutte. Le cliquetis de ses perles d'eau qui s'écrasent dans cette flaque, là, sous mes pieds. J'étais parti dans mes pensées et voilà que ce son, non désagréable, me fit revenir à moi. J'étais sous cette douche depuis un certain moment, mais je ne m'en souviens pas. Comme si, en fait, j'avais été posé là par hasard, sans aucune trace dans ma mémoire. J'agite alors mes mains dans mes cheveux blonds et mi-longs pour en extraire les dernières bulles de savon, avant de couper l'eau et de m'enrouler dans une serviette. Je lève la tête et aperçois au sol mon chien qui me regarde d'un air joyeux. Les yeux noirs, le poil soyeux et toujours cette langue pendante et dégoûtante. Quoi de plus étrange que d'avoir son chien comme public lorsque l'on est sous la douche. J'entame mon ascension vers un monde plus... Droit.
Me tournant face au mur, je marche lentement, puis m'incline en arrière à quatre-vingt-dix degrés pour me retrouver perpendiculaire à celui-ci. Je le gravis. Lentement. Puis je refais de même lorsque je me retrouve face au sol. Enfin, les choses retrouvent leur place. Je lève la tête vers le plafond, vérifiant que l'eau s'évacue bien vers cette toute petite trappe en inox. Les dernières gouttelettes fuient la gravité pour aller se loger pile dans cette dernière. Mon chien reste là. Paisible. Regardant mon reflet trouble dans le miroir, tout comme moi. Je frotte la vitre. Me voilà bien plus net. Mon chien aboie, puis finit par partir, certainement dans cette grande forêt qui me sert de jardin. Je réalise alors mon petit rituel.
Je passe mes mains sur mon menton, mes joues, mon nez, mon front, à la recherche d'un petit bouton qu'il faudrait faire disparaître. Mais je remarque assez vite que quelque chose ne colle pas. Je me recule et je regarde. Je regarde fixement. Mon reflet. Étrange, j'aurais juré l'avoir vu pencher la tête sur la droite. Je dois être fatigué. Je me baisse pour ramasser mon caleçon et enfiler mon jean, ainsi qu'un T-shirt très simple. Je me redresse. C'est alors que cette crispation horrifique s'empare de moi. Une frayeur d'une telle ampleur.
Il était déjà prêt, avant moi. Et ce sourire. Tant de sadisme sur son visage. La haine dans son regard. Pris d'un frisson, je hurle, seul, dans cette maison qui répond avec écho. Lui. Mon reflet. Il s'approche, frappe la glace de son point et repousse les fragments de verres qui me lacèrent les joues. Collé au mur, ne pouvant plus reculer, je le regarde enjamber ce double lavabo. Il passe à travers ce miroir brisé, avant de s'accroupir face à moi. Il ne bouge plus. Il me fixe. Son regard. D'une telle puissance. Puis il se met à hurler d'un cri trop fort pour mes tympans. Un son inhumain. Presque préhistorique. Tachycardie. Sueurs froides. Tremblements. Je panique et fuis aussi vite que je peux cette salle de bains pour me réfugier dans la cuisine, juste sur la droite. Je ne réfléchis plus. J'ouvre machinalement chaque porte de placard, chaque tiroir, à la recherche d'une arme. Je veux juste lui faire peur. Je fais le tour de l’îlot central pour trouver, sur l'une des étagères, mon porte-couteau. Je saisis rapidement cette hachette. Une hachette ? Peu importe.
Je me retourne et le voilà ! À cinq centimètres de moi. Ce sourire de psychopathe en gros plan. Je bondis et saute sur mon plan de travail, avant de me jeter dans le salon. Je regarde mon téléphone dans l'espoir de trouver du réseau, pouvoir appeler à l'aide. Mais rien. Je suis seul. Livré à moi-même. C'est le cas de le dire. Je suis entre ces deux grands fauteuils de cuir, tremblant, terrorisé, pétrifié. Je suis debout, là. Je ne peux plus rien faire. Et lui, cette chose, avance lentement vers moi. Je sens mon cœur tambouriner. J'entends mon souffle saccadé. Je sens mes joues me brûler. Et je le vois, lui, face à moi maintenant.
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