Chapitre 4 : Spectacle funèbre

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 Avant de m'en aller, je lève à nouveau les yeux vers cette silhouette sombre. Celle qui m'a libéré de toute cette peine. Toute cette souffrance. Celle qui effraie tant de monde. Moi ? Elle ne me fait pas peur. Elle m'inspire confiance. Et puisque personne n'ose la nommer, alors je vais le faire.

 La Mort. Voilà. C'est grâce à elle, grâce à cette lame, cette faucille étincelante, que le triste tableau d'un homme abattu par lui-même prend fin. Je l'en remercie. Mais je ne peux partir sans le revoir. Mon corps. Voir ce qui m'a fait évoluer dans ce monde. Voir ce sans quoi je n'en serais pas là.

 Je baisse la tête, me retourne lentement en lâchant cette barrière gelée et pose le regard sur ce vaisseau sans vie. Je le scrute. De la tête aux pieds. Des pieds à la tête. Je ne cesse de reproduire ces allées et venues de mes yeux qui ne peuvent plus pleurer. Et je fixe cette plaie. Mon thorax. Cette balle. Lui. Moi. Je ne sais toujours pas comment interpréter ce qui s’est déroulé cette nuit. À quoi bon. Je n'y peux plus rien. Nous y avons tous deux laissé ce qui ne peut être rendu. La Vie. Malgré tout, je n'arrive pas à être triste. C'est vrai, finalement je suis libre. Plus personne ne peut porter atteinte à mon âme, à ce que je suis intérieurement, ce que je me suis construit. Mon rêve de paix s'accomplit. Mais voilà que je porte attention à un son qui me semble familier. Un vibreur. Mon téléphone.

 Je l'entends. Faisant frissonner le bitume. Perturbant les fourmis qui passent non loin de là. Il est juste à côté de mon corps, là, sur le sol. Je m'agenouille et tends le bras en avant, dans l’espoir de pouvoir le saisir. Mes doigts s'approchent lentement de l'écran. L'effleurent. Et s'enfoncent en lui. Je réessaie. Mais mes doigts semblent passer à travers, comme s'il n'était pas réel. Comme un hologramme. Je ne peux le prendre, ni même répondre à cet appel. Je réalise alors que je ne suis plus de ce monde. Aucun retour n'est possible. Un aller simple. La Mort s'approche de moi, pose sa main sur mon épaule et m’incite à me relever, ce que je fais sans tarder. Nous reculons de quelques pas, au milieu de cette route. Je tourne la tête, face à cette étendue d'eau qui semble si calme. Je regarde ce voilier au loin, tanguer au rythme des vagues. Je regarde ces lumières. Celles du rivage. Celles de ma ville. Brillante. Tout comme les étoiles. Ce ciel voilé qui se dégage lentement. Et la lune. Sa lumière permet d'entrevoir ces petits insectes nocturnes, virevoltant, profitant du calme et de la fraîcheur de la nuit.

 Je regarde à nouveau mon corps. Mon cadavre. Il s'élève à un mètre du sol. Puis deux. Il est droit, horizontal, solide et pâle. Il est rouge de sang. Noir de terre. Je le regarde, là, lévitant telle une coquille vide, porté par la force du vent. Puis il se met à frétiller. À trembler. Il convulse, à deux mètres du sol. Il se désagrège, lentement, puis de plus en plus vite, crescendo, avant d'exploser telle une éruption volcanique. Une nuée de confettis mortuaires se dispersent dans les aires, dansant autour de nous comme la colonie d'un essaim de frelons trop secoué. Un véritable ballet auquel nous assistons aux premières loges. Comme pris dans le cœur d'une tornade, j'admire ce fabuleux spectacle. L’envol de mes reliques. La dispersion de ce qui reste de moi. Une cérémonie presque magique. Un tourbillon d'émotions. Je clos mes paupières et laisse apparaître un sourire sur mon visage soulagé.

 Nous nous retournons, La Mort et moi, puis marchons tranquillement, main dans la main, laissant derrière nous ce qui est maintenant du passé. Nous nous dirigeons lentement, mais sûrement vers cette tache blanche et vive. Qui grandit de plus en plus. Et, comme face à un projecteur, je me laisse aveugler par cette lueur qui respire le bon vivre, la paix, l'union, la tolérance, le respect et l'amour. Voici le début de mon ultime voyage. Mon voyage vers l'au-delà.

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