15 : Retour au bercail.
Cela faisait désormais deux jours que Van et Anna avaient réussi à quitter la ville de Worms emmenant Fara avec eux. Ils avaient fait une grande partie du chemin en charrette mais celle-ci laissant des traces de roues derrière elle, il leur fallait s'en séparer pour ne pas se faire pister. Cependant, quitte à se séparer du véhicule, Van eût l'idée de s'en servir une dernière fois pour faire diversion. Il chargea la charrette de morceau de bois bien lourd, la faisant passer pour une charrette de bûcheron volé, puis fit galoper les chevaux vers l'Est tandis que les trois fuyards partaient vers le Sud. Bien que la charrette leur fit gagner du temps sur leurs poursuivants et quelques jours de voyage sur la première moitié du trajet, ils eurent beaucoup de mal à parcourir la seconde moitié restante du chemin jusqu'à la forteresse. Pourtant, ils avaient fait le chemin facilement la première fois quand ils s'étaient rendus à Worms, mais cette fois-ci la situation était radicalement différente. Ils peinaient à faire le chemin retour pour deux raisons importantes qui changeaient complètement leur condition de voyage.
Premièrement, bien qu'ils aient semé leurs poursuivants et qu'ils n'aient plus à s'en inquiéter, ils ne pouvaient pas se permettre pour autant d'utiliser les routes et les auberges car le risque d'être recherché et rattrapé restait présent. L'autre raison n'était ni plus, ni moins que Fara. Van pensait qu'il serait juste difficile de quitter la ville avec elle, mais lui et Anna apprirent rapidement cette leçon : voyager avec un enfant n'était pas vraiment de tout repos, et posait certaines contraintes. Déjà, ses jambes d'enfant fatiguaient bien plus vite que celle de Van et d'Anna, les obligeant à faire des pauses plus régulièrement. Puis, pour ne rien arranger, faire manger et dormir une fillette de sept ans dans des conditions de fuite et de vie précaires en pleine nature n'était pas aussi simple que lorsqu'ils n'étaient que tous les deux. Ils devaient adapter nourriture, eau et lieux de campement à Fara qui peinait plus qu'eux à affronter les aléas de la nature. Enfin, bien que Van ait arbitrairement laissé ce dernier point à Anna, refusant de s'en mêler, il fallait s'occuper des besoins de la fillette. Certes, à Worms elle avait appris à utiliser des latrines et elle était autonome pour ses besoins, mais les faire en pleine nature était nouveau et plus difficile pour la fillette, ce qui obligeait Anna à l'aider à chaque fois qu'elle avait une envie.
Ils mirent presque une semaine entière à atteindre la forteresse, et s'étonnèrent même d'y être parvenus sans incidents mais seulement avec des contraintes les retardant. Entrant dans la forteresse des Krutz, Fara fut impressionné de voir un tel endroit si bien bâti et sculpté dans le roc, tout en restant si bien caché du reste du monde. Ils marchèrent tous les trois un long moment jusqu'à atteindre le quartier des sorcières, où Anna fit un arrêt pour se changer et se décrasser de son long voyage, en faisant faire de même à la fillette tandis que Van suivit leur exemple mais dans ses quartiers personnels dans le donjon. Une fois laver, Anna demanda à Fara de l'attendre quelques minutes devant la maison avant de se rendre au donjon pour y rejoindre Van. Une fois seule dans sa demeure, Anna ne mit alors à vomir à plusieurs reprises durant dix bonnes minutes. Ce n'était pas la première fois que cela lui arrivait car depuis leur départ de Worms, Anna avait déjà vécue plusieurs fois cet état nauséeux deux jours avant leur arrivée à la forteresse, mais elle avait tout fait pour le cacher à Van et Fara, ne voulant pas qu'ils s'inquiètent pour elle inutilement. Bien que cet état soit bien différent de la fois où elle avait vomie sur les vêtements de Van, dégoûté par l'odeur des cadavres carbonisés à Worms, elle pensait que cela était dû à leurs conditions de voyage sur le retour, et que cela passerait avec du repos.
Ayant enfin fini de vomir, elle rejoignit Fara hors de la maison et l'emmena alors au donjon pour y rejoindre Van qui les y attendait. Ils partirent en direction de la grande salle, après s'être assurée que Siegfried et Konrad y seraient présents. Lorsqu'ils franchirent les portes et se retrouvèrent face au chef de la forteresse, Fara fut immédiatement effrayée et intimidée par l'apparence de Konrad, se cachant instinctivement derrière Anna. Cependant, bien que la fillette ne soit pas passée inaperçue, Konrad et Siegfried ne posèrent aucune question à son sujet. En revanche, ils exigèrent qu'elle quitte la grande salle estimant que ce n'était pas la place d'une enfant. Élis, qui devait s'entretenir avec la doyenne dans les jardins ce jour-là, proposa d'emmener Fara avec elle mais la fillette refusait de lâcher le bas de la robe d'Anna, à la quelle elle était obstinément collée. Il fallut plusieurs minutes à Anna pour convaincre Fara d'accepter de rester avec Aélis, lui certifiant que cette dernière était comme elle et ne lui voulait aucun mal. Fara partie, Van et Anna racontèrent tout ce qui leur était arrivé à Worms, l'exception de tout ce qui était en rapport avec leur vie privée. Konrad les écouta attentivement, tout en affichant un visage inquiet qui n'avait rien de rassurant pour la suite des événements.
Puis, ils abordèrent le cas de la fillette et expliquèrent sa situation ainsi que les conditions qui l'avaient amenées à se retrouver seule et orpheline. Tout comme Anna et Van lorsqu'ils avaient rencontré la fillette et appris son malheur, Konrad et Siegfried affichèrent de la tristesse et de la compassion pour l'enfant. Aborder le cas de Fara était inévitable car ce n'était pas seulement parce qu'ils l'avaient amené avec eux jusqu'à la forteresse, mais aussi car elle était la cause directe qui avait conduit Van et Anna à découvrir l'escroquerie derrière l'inquisition. Quand Konrad appris l'histoire des deux répurgateurs qui étaient en réalités des démons, ce dernier afficha un visage déformé par la rage plutôt que par la peur, et prit la parole pour s'assurer que Van et Anna ne lui racontaient pas des sottises :
- Je veux que vous me répétiez encore une fois ce que vous avez constatés ! Vous avez vraiment eût à faire à des démons quand vous avez combattus les répurgateurs ?
- C'est exact, confirma Van. Mais on n'arrive pas à savoir si ce n'était qu'un cas isolé ou non.
- Je doute que ce soit le cas ! Répondit Konrad. S'ils n'étaient que deux au sein de l'inquisition, cela nous aurait enlevé une épine du pied. Je pense qu'ils doivent avoir la main sur toute l'inquisition entière, ce qui expliquerait pourquoi l'inquisition cherche à éliminer tout ce qui touche à la magie et pourquoi les répurgateurs connaissent si bien la magie. Ils savent que seule la magie peut les détruire, et ils se servent de l'inquisition pour éliminer les sorcières.
- Mais maintenant qu'on a découvert la vérité, tout devrait s'arranger, non ? Demanda Anna.
- Je crois que tu rêves ! Répliqua Konrad. Premièrement, vous n'avez aucune preuve à présenter à l’Église ni aux seigneurs et rois de ce monde pour faire tomber l'inquisition. De plus, même si vous aviez pu prouver vos dires, certains auraient peut-être acceptés de vous croire, mais l'inquisition s'est tellement implanté dans les esprits en quelques siècles, comme des héros et des protecteurs au service de dieu, que la plupart vous auraient juste ris au nez ou carrément fait arrêter pour hérésie.
- Mais on a quand même fait quelque chose de mal, qu'on regrettera sûrement longtemps, déclara Anna avec tristesse et dégoût.
En entendant les paroles d'Anna, Konrad afficha un air surprit et déconcerté. Il ne comprenait pas ce qui avait pu se passer sur place car ils avaient évoqué les exécutions, mais pas la façon dont ils avaient traité l'affaire. Anna raconta alors le cas des femmes exécutées, ainsi que la décision qu'elle avait prise ce soir-là et qu'elle avait imposé à son équipier. Puis, elle aborda dans quelles conditions ils avaient quitté Worms et ce que cela avait impliqué pour les enfants de sorcières qui étaient traqués par l'inquisition. Bien qu'ils aient suivis les consignes de Konrad, ils ne pouvaient s'empêcher de se demander si leur choix de ne pas intervenir fut légitime, surtout après être intervenu pour sauver Fara. Ils pensaient avoir fait preuve d’hypocrisie en sauvant juste une enfant, quand tant d'autres risquaient le bûcher par simple volonté de l'inquisition. Quand, à la fin du récit d'Anna, Konrad afficha un air sombre, Van et elle étaient persuadés de subir des reproches, mais ce fut Siegfried qui prit la parole pour faire un bilan de la situation à Worms :
- Vous n'auriez rien pu faire ou plutôt, vous auriez pu agir mais vous n'auriez aidé personne en vérité. À seulement deux, vous auriez fini par y laisser votre peau, les femmes auraient été quand même retrouvées et brûlées, et leurs descendants auraient était traités de la même façon.
- Ça on ne le saura jamais, répondit Van. Après tout, on a réussi à quitter la ville plus facilement que je ne l'aurais imaginé.
- Fuir et combattre sont deux choses différentes, répliqua Konrad. Rappelez-vous la mission de Prague. De plus, si vous étiez morts en essayant de sauver les personnes sur place, non seulement vous n'auriez pas eu la garantie d'éviter des morts, mais en plus il y aurait eu plus de victime que vous ne le pensez.
- Plus ? S'étonna Van. On aurait fait attention à ne pas blesser des innocents, juste l'inquisition.
- Si vous étiez morts, on n’aurait jamais su ce qui se cachait derrière l'inquisition, et les victimes à venir auraient été bien plus nombreuses que celles de Worms, expliqua Konrad. Et surtout, une certaine fillette ne serait pas en vie à l'heure qu'il est.
- D'ailleurs, la concernant que va-t-on faire pour elle ? Demanda Anna. Elle n'a plus personne et vu ses pouvoirs il vaudrait mieux la confier à une sorcière, non ?
- Justement, nous allons bien la faire élever par une sorcière, tu vas t'occuper d'elle avec Van, déclara Siegfried à Anna.
À ce moment-là, Van et Anna restèrent stupéfaits. Alors qu'il y avait dans la forteresse, assez de sorcières et de guerriers plus âgés qu'eux et plus à même d'élever un enfant, ils trouvèrent irrationnel qu'on leur confie à eux deux l'éducation de Fara. Surtout que contrairement à d'autres, ils n'étaient ni mariés, ni même un couple. Ils n'étaient pas vraiment prêts à adopter une enfant à l'improviste quand d'autres en avaient déjà, et pourraient faire mieux qu'eux. Afin de comprendre, Van tenta de refuser la tâche que Siegfried lui avait donnée :
- Pardonne-moi, mais je suis un guerrier et non une nourrice ! Alors pourquoi me confier la petite à moi également ?
- Parce que ça ne serait pas juste que seule Anna s'occupe d'elle, répondit Konrad. De plus, puisque c'est vous qui l'avait amené ici, il est normal qu'elle soit sous votre responsabilité à tous les deux. Mais je vous rassure, il ne s'agit pas d'une punition ou d'un moyen de vous embêter. Si on vous demande de vous occuper d'elle, c'est parce que vous êtes les deux seules personnes à qui la petite acceptera de faire confiance, après tout ce que la pauvre a dû vivre et endurer. Vous avez bien vu la difficulté pour qu'elle accepte de passer quelques minutes avec Aélis.
- Le problème c'est que je n'ai pas vraiment la place chez moi d'accueillir et d'élever un enfant, même en l'élevant seule, rappela Anna. Alors à trois avec Van vous imaginez bien le problème ?
- Chez toi peut-être, mais les appartements de Van sont suffisamment grands et spacieux pour que vous puissiez y vivre à trois, et même y avoir votre intimité tous les deux en ayant chacun une couche séparée ce celle des autres, expliqua Siegfried. N’oublie pas que même si nous mettons presque l'ensemble de la forteresse à disposition de ceux que nous recueillons et protégeons, elle reste notre et nous sommes largement privilégiés comparé à vous, côté cadre de vie.
Bien que Van n'appréciait pas qu'on prenne ce genre de décision à sa place, il n'insista pas car il savait bien que lorsque Siegfried et Konrad prenaient une décision, il était impossible de les contredire et encore moins de les faire changer d'avis. Par chance, il avait légèrement prit l'habitude de vivre avec Anna à Worms et arrivait plus facilement à se faire à cette idée. Il y a encore quelques mois, jamais il n'aurait accepté de voir la jeune femme débarquer dans ses appartements, et partager sa vie de façon si forcée. Anna elle, fut stupéfaite quand elle entra dans les appartements de Van. Les appartements des Krutz étaient répartis dans les deux ailes du donjon, mais ceux du jeune homme semblait les plus éloignés et isolés des autres, et Anna se demanda alors s'il n'y avait pas une forme de hiérarchie ainsi que d'importance dans l'ordre d'attribution des appartements. Si c'était le cas, cela signifiait que le jeune homme n'était pas le mieux placé des Krutz, mais aussi pourquoi il ne pouvait s'imposer devant les autres membres de la famille. Une fois à l'intérieur, elle pouvait quand même constater que si le jeune homme était l'un des biens moins lotis des Krutz, il l'était bien mieux que tous les autres résidents de la forteresse y compris les habitantes du quartier des sorcières.
Anna comprit rapidement ce que voulait dire Siegfried en parlant de différence de privilège entre les Krutz et le reste des habitants de la forteresse. Les appartements de Van faisait à eux seuls trois fois la taille de la demeure occupée par Anna, et il était même possible d'aménager une chambre pour Fara en utilisant la pièce que le jeune homme utilisait comme débarras. Quant à elle, Anna en ayant déjà fait l'expérience à Worms, cela ne la dérangeait pas de partager le même lit que Van pour économiser de la place, et donner une chambre à Fara en priorité. Van et Anna passèrent la journée à réaménager les appartements de Van, profitant que Fara soit sous la garde d'Aélis encore quelques heures pour lui préparer le meilleur accueil possible : bien que la fillette ait bien compris que son avenir soit lié à Van et Anna, ils n'avaient aucune idée de la réaction de la petite fille lorsque celle-ci, allait officiellement vivre avec eux désormais. De plus, Anna et Van étaient un peu angoissés par le fait de devoir élever Fara, car s'ils savaient se faire passer pour un couple pour les missions sans en être un, ils n'avaient cependant aucune idée de comment élever un enfant et se demandaient même durant le réaménagement de l'appartement, s'il ne serait pas plus facile pour eux de combattre des démons que d'être parents sans même qu'on leur ait demandé leur avis. Et pour Anna, il restait une question à la quelle elle n'avait guère de réponse, celle de trouver le temps de participer aux corvées de son quartier si elle devait élever Fara.
Tandis qu'ils finissaient enfin leur aménagement, Van n'eût aucun mal à expliquer cette partie là de leur nouvelle vie car Anna, habitant désormais le donjon, devrait participer à la vie collective du bâtiment et n'était plus concernée par celle de son ancien quartier. Puis, ils se rendirent tous les deux dans les jardins, où les attendaient Fara et Aélis. En franchissant l'entrée des jardins, Anna ne pouvait s'empêcher de ressentir tristesse et mélancolie malgré la beauté des lieux, car depuis longtemps déjà elle trouvait l'endroit vide et sans vie alors qu'il y avait encore quelques mois, c'était tout le contraire qu'elle y voyait. Van se mit à balayer l'immense océan de verdure du regard, recherchant la fillette dont il avait désormais la charge. Quand il trouva Fara, lui comme Anna eurent la même réaction en l'observant. Ils comprirent rapidement pourquoi Siegfried et Konrad disaient qu'ils étaient les seuls à pouvoir s'occuper d'elle : bien qu'il y ait quelques enfants également présents dans les jardins, la fillette s'isolait d'elle-même , restant en retrait et semblait peureuse de se mélanger avec les autres. Pourtant, c'était l'occasion pour Fara d'essayer de reprendre une nouvelle vie et de se faire de nouveaux amis, mais la fillette semblait craindre tout ce qui l'entourait y comprit Hildegarde qui pourtant, essayait d'interagir avec elle puisque la doyenne aurait également à enseigner à Fara tout comme aux autres apprenties sorcières.
Van et Anna se dirigèrent vers la fillette pour l’emmener avec eux, préférant lui expliquer la situation plus tard, lorsqu'ils seraient dans les appartements de Van. Fara les suivit sans poser de questions mais affichait cependant un air méfiant même vis-à-vis des deux personnes l'ayant recueilli, sauvé et amené en lieu sûr dans la forteresse. Fara se sentit comme déboussolée en entrant dans la demeure de Van, celle-ci étant bien différente de celles qu'elle avait pu connaître par le passé : une chambre pour Van et Anna, une salle de bain avec des latrines, un salon et une chambre pour la fillette. Cependant, elle n'y voyait pas vraiment comment se déroulerait les repas, n'y trouvant aucune cuisine en ces lieux. Van lui expliqua alors où elle se trouvait car elle avait refusé de discuter, donc d'écouter la doyenne et Aélis qui voulurent lui apprendre les règles de la forteresse. Van lui en expliqua les règles, lui expliquant que les repas se faisaient collectivement mais surtout, la décision qui fût prise la concernant. Il expliqua donc à Fara pourquoi celle-ci avait une chambre à disposition dans ses appartements, et que celle-ci vivrait désormais avec eux jusqu'à ce qu'elle soit une adulte. Van et Anna s'attendaient à ce que la fillette soit mal à l'aise à l'idée de changer de vie du jour au lendemain, et peureuse de vivre avec des inconnus, mais ils ne s'attendaient certainement à ce qui suivit :
- Je ne veux pas vivre avec vous ! S'emporta la fillette comme si elle venait d'être insultée. Je n'ai pas demandé à ce qu'on s'occupe de moi, et je peux vivre toute seule sans votre aide !
La fillette malgré ses sept ans avait suffisamment vécu de misère pour avoir acquis une certaine maturité, s'estimant plus âgée et autonome qu'elle ne l'était en réalité. Elle n'avait ni prévu, ni envie qu'on la traite en enfant et qu'on s'occupe d'elle-même si elle était orpheline et livrée à elle-même. Cependant, Van et Anna avaient reçu l'ordre de l'élever et ils ne comptaient pas céder aux caprices de la fillette :
- Écoute Fara, on ne peut pas laisser une enfant de ton âge seule dans la forteresse, lui répondit Anna en tentant de se montrer diplomate. Tu as besoin de quelqu'un pour t'aider à t'installer et à vivre ici, et on nous a expressément demandé de nous occuper de toi. Donc, que tu le veuilles ou non, tu vivras ici avec nous.
- J'ai dit que je ne voulais pas, t'es sourde ! Insista Fara. Si j'ai bien compris, il suffit de travailler ici pour avoir un toit et à manger. Donc je n'ai pas besoin de vous, j'ai juste à travailler !
- Tu n'es qu'une enfant, lui rappela Van en essayant de ne pas brusquer davantage la fillette. Ici, ça ne marche pas comme dans ton ancienne ville. Ici on attribue un travail à chacun en fonction de ses compétences et de sa zone d'habitation. Et les enfants ont le devoir d'être des enfants ici, donc d'apprendre, de grandir pour devenir des adultes respectables, et donc de vivre avec leurs parents, ou les adultes responsables d'eux pour les orphelins.
- Mais moi je n'ai pas demandé à vivre ici, ni avec vous ! Répliqua la fillette. Alors où je travaille pour vous ici contre un lit, ou je m'en vais !
- Il n'en est pas question ! Répondit Anna avec autorité. Tu es sous notre responsabilité, et donc tu vivras ici comme une enfant si on te le demande, un point c'est tout !
Voyant que la diplomatie ne fonctionnait pas avec la fillette, Anna pensa qu'il était possible de s'imposer en tant qu'adulte en faisant preuve d'autorité. Cependant, elle obtint le résulta inverse car la fillette déjà réfractaire à l'idée d'écouter Van et Anna, décida carrément de claquer la porte de sa chambre de colère, et de s'y enfermer pour entamer un bras de fer avec eux. Van aurait très bien pu enfoncer la porte, mais ce dernier estima la méthode peu raisonnable et contre productive, pensant que s'il faisait ça la fillette risquait carrément de quitter l'appartement dans la nuit pour se venger. La seule solution que Van et Anna avaient pour l'instant, c'était la patience et le temps, espérant que cela suffise à faire changer d'avis la fillette. Il commençait à se faire tard, et la faim se faisait sentir. Ils frappèrent à la porte de la chambre de la fillette, afin d'essayer de la convaincre de les accompagner pour le repas du soir, mais celle-ci refusait catégoriquement. Cependant, Van ferma à clé ses appartements pour que la fillette n'en profite pas pour prendre la fuite. À leur retour, ils avaient réussi à négocier de remmener un repas pour la fillette, les autres résidents encore restants du donjon se montrant compréhensifs vis-à-vis de leur situation. Voulant éviter de s'imposer une nouvelle confrontation verbale avec la fillette, ils laissèrent simplement le repas devant la porte de la chambre, puis allèrent se coucher après avoir fait chacun une toilette avant. Mais, à la grande surprise d'Anna, Van avait recommencé à vouloir lui laisser le lit et à dormir de son côté. Anna refusa catégoriquement cela, car elle estimait qu'ils avaient largement dépassé ce stade là à Worms, et que la fillette s’accommoderait plus facilement à eux, s'ils se comportaient vraiment comme un couple. Le jeune homme céda facilement et revint se coucher auprès d'Anna.
Plusieurs semaines s'écoulèrent et bien que l'idée de la jeune femme n'eut pas d’influence sur leur relation avec Fara. La fillette, à force de rester enfermé et de s'ennuyer à passer ses journées dans la solitude, avait fini par céder la première et commençait enfin à partager la vie de Van et d'Anna. Cependant, bien qu'Anna tentât de le cacher, Van remarqua que quelque chose n'allait pas avec la jeune femme. Ses vomissements, causés par la pénibilité du voyage de retour avait cessé assez vite, mais depuis deux semaines la jeune femme était régulièrement prise de nausées tous les matins, et quelques fois dans la journée ou le soir. De plus, elle ne pouvait s'empêcher de coller Van la nuit tout en ayant des bouffés de chaleur, et pouvait se montrer parfois irritable sans raison. Van craignait que la jeune femme ne soit malade mais elle refusait d'en parler ou d'aller voir les guérisseuses, alors que ni elle ni Van ne comprenait quelle maladie pouvait bien frapper la jeune femme depuis deux semaines. Mais après une troisième semaine à supporter l'état d'Anna, Van ne pouvait plus rester à faire comme si tout allait bien : qu'elle soit d'accord ou non, le jeune homme avait décidé que quoi qu'il arrive il emmènerait la jeune femme chez les guérisseuses, et de force s'il le fallait
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