Chapitre 16 : Retour au calme ?
Cela faisait un mois que Van et Anna était enfin rentrés à la forteresse, et comme ils devaient attendre que touts les binômes partis en mission de reconnaissance soient de retour, ils n'avaient rien d'autre à faire que de patienter en attendant que tous soient de retour et aient fait leurs rapports respectifs. Combien de temps cela prendrait, ils n'en n'avaient aucune idée. Rien d'autre à faire ? Cela était vite dit car ils n'avaient certes pas de mission à remplir mais, ils étaient tout de même plus occupés qu'il n'y paraissait. Élever Fara n'était pas la même chose que de la prendre temporairement sous leur protection. Van s'occupait surtout d'enseigner la lecture et les règles à suivre en société, mais laissait tout le reste à Anna. C'est elle qui s'occupait d'apprendre à la fillette comment se prendre en charge : toilette, habillage, cheveux. Elle lui enseignait aussi comment s'exprimer poliment et aussi comment manger proprement ainsi que les règles d'hygiène, suite au passage aux latrines et celles concernant les repas. Il leur fallut beaucoup de temps pour avoir un minimum d'impact et d'autorité sur Fara car, si celle-ci commençait à accepter de vivre avec eux, elle continuait de faire la forte de tête et d'ignorer ce qu'ils lui disaient.
Cela, le jeune homme arrivait à faire avec car il trouvait normal que la fillette ne reconnaisse pas leur présence et leur autorité car après tout, il était vrai qu'ils n'étaient pas ses parents et qu'ils n'avaient jamais abordés la question de l'adopter officiellement, cela aurait impliqué l'obligation du mariage pour Van et Anna. Cela, ils n'y avaient même pas songé un seul instant car bien qu'ils aient eu une aventure à Worms, il n'y avait jamais rien eu de plus entre eux qu'une relation physique à quelques reprises entre leur première fois et l'arrivée de la fillette dans leur vie. Malgré qu'ils ne soient plus en mission et qu'ils n'aient plus besoin de jouer sur les apparences, c'était uniquement pour Fara qu'ils continuaient à vivre ensemble et bien qu'ils partagent le même lit, ils ne s'étaient pas touchés une seule fois depuis leur maison à Worms, bien que ces derniers temps Anna était souvent prise de bouffées de chaleur la nuit, commençant à se montrer insistante envers Van depuis une semaine. Ce fut ce changement de comportement qui donnait le plus de soucis au jeune homme car, bien qu'il n'ait rien contre le fait de recommencer ces genres de nuits torrides avec la jeune femme, son comportement, en plus des vomissements et des changements d'humeurs soudains commençaient à l'inquiéter.
Cela faisait trois semaines que la jeune femme était dans cet état, et Van ne pouvait plus considérer que cela n'était que passager et commençait à croire qu'Anna était bien plus malade qu'il n'y paraissait. De plus, les jours suivants, la jeune femme commençait à perdre le contrôle de ses pouvoirs, bien qu'ils ne fassent aucun dégât mais devenaient quand même gênants. Van ne pouvant plus ignorer et accepter la situation, un matin après qu'Anna ait fini de vomir, il la tira par le bras et l'emmena alors de force jusqu'à l'infirmerie tout en étant suivis par Fara, la fillette inquiète ne comprenant pas la situation avait décidé de les accompagner. Devant la porte de l'infirmerie, Anna refusait d'y entrer et Van commença alors à expliquer la situation de la jeune femme aux guérisseuses. Alors que le jeune s'attendait à être reçu à l'intérieur avec Anna et Fara, il fut surpris par la réaction du personnel de l'infirmerie : les guérisseuses emmenèrent la jeune femme dans l'infirmerie, mais claquèrent immédiatement après la porte au nez de Van et Fara. Le jeune homme se senti alors insulté par le comportement des guérisseuses car après tout, il restait un membre de la famille Krutz, l'un des maîtres de la forteresse et donc du donjon où se situait l'infirmerie. Il aurait volontiers enfoncé la porte et fait un scandale, s'il n'avait eût peur d'effrayer et de choquer la fillette présente également dans le couloir.
Tandis que Van fulminait et faisait les cent pas dans le couloir, Anna elle, était en train de patienter dans l'infirmerie car les guérisseuses semblaient hésiter à lui parler de ses symptômes. Avant de lui donner leur verdict, elles lui posèrent deux questions. La première fut de savoir à quand remontait ses derniers saignements : la jeune femme n'avait pas eût le temps d'y prêter attention, trop occupée à penser aux événements de Worms et sa nouvelle situation dans le donjon. Quand elle y réfléchit, elle s'aperçut que les derniers remontaient à son arrivée à Worms, il y a environ deux mois. L'une des guérisseuses posa alors à Anna une question un peu plus intime, concernant sa vie avec Van ou tout autre homme qu'elle aurait pu rencontrer à Worms. La jeune femme se leva d'un coups, le visage rouge partagé entre la gêne et la colère. Après avoir passé ce moment, elle n'hésita pas à faire part de son indignation à la guérisseuse :
- Comment osez-vous vous mêler de ma vie privée ! Je ne vois pas en quoi cela vous regarde !
- Pardonnez-moi mademoiselle, mais au contraire cette information nous est nécessaire car cela peut justement expliquer votre état, répondit la guérisseuse avec diplomatie. Enfin, je dirais plutôt qu'on vous demande de confirmer cette information car on a déjà une idée de la réponse vu vos symptômes.
La jeune femme ne comprenait pas comment la guérisseuse pouvait savoir quoique ce soit sur ses aventures avec Van, mais dans le doute elle se décida quand même à confirmer les faits. Suite à cela, la guérisseuse se mit à lui adresser un sourire radieux, et la jeune femme en concluait ce qu'elle se disait depuis le début :
- Si vous souriez, c'est que tout vas bien, il n'était pas nécessaire de me forcer à venir ici puisqu'il ne s'agit de rien de grave. Je vous garantis que cela va passer d'ici quelques jours.
- Rien de grave en effet, confirma la guérisseuse. Sauf que ne vous attendez pas à ce que cela se termine rapidement.
- Pourquoi ça ? Demanda Anna. Je suis vraiment si malade que ça ?
- Non, vous n'êtes pas malade, vous êtes enceinte mademoiselle ! Lui annonça la guérisseuse. Mes félicitations, il ne vous reste plus qu'à annoncer la nouvelle à l'heureux élu.
La jeune femme resta abasourdie par la nouvelle, s'asseyant sur une chaise le temps de digérer l'information. Bien que la guérisseuse était formelle concernant sa situation, elle n'arrivait toujours pas à admettre la réalité, se demandant comment les choses avaient pu tourner ainsi alors qu'ils ne l'avaient fait que quelques fois, sur des intervalles pourtant court et rapprochés. Et puis, comment elle allait faire par la suite pour ses futurs missions avec Van ? Et déjà, comment elle allait le lui annoncer ? Lui qui aurait voulu éviter d'avoir un enfant et de lui infliger le malheur de naître avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, comment allait-il réagir en apprenant la nouvelle ? Qu'allait-il se passer lorsqu'il saurait la vérité ? Et s'il prenait peur et se mettait à la fuir ? Après tout, la situation était différente de celle avec Fara, car la fillette était déjà là, et on la leur avait juste confié. Ils avaient abordé le fait que pour le bien de la fillette, ils essayeraient de ressembler à des parents, mais jamais ils n'avaient évoqué le fait de fonder réellement une famille. Mais là, l'enfant qu'attendait Anna était le leur, celui qu'ils avaient conçu ensemble. Cela remettait toute leur vie en question.
Anna, toujours déboussolée par la nouvelle, se leva et s’apprêtait à quitter l'infirmerie quand la guérisseuse l'arrêta pour lui donner un dernier conseil. Elle avait déjà vue des sorcières comme elle, enceinte, et conseilla à la jeune femme de faire attention car durant cette période il était fréquent, que la magie des sorcières se manifeste aléatoirement. Sortant dans le couloir, elle tomba nez à nez avec Van, ce dernier attendant impatiemment de savoir quel mal la jeune femme avait contracté. Cependant, Anna n'arrivait pas à regarder le jeune homme dans les yeux, et encore moins à lui répondre. Elle se contenta de lui dire qu'elle n'avait rien de grave, et qu'elle irait mieux d'ici quelques semaines. Van resta perplexe face à cette réponse car il ne connaissait aucune maladie qui ne soit pas grave, quand une personne vomissait autant et pendant autant de temps que la jeune femme. Ils retournèrent aux appartements de Van n'ayant rien d'autre à faire il était difficile pour eux de s'entraîner avec Anna dont la magie était instable. Van se contenta seulement d'y conduire Fara, à la demande de la doyenne qui exigeait qu'elle participe aux leçons avec la dizaine de jeunes filles ayant des pouvoirs comme elle. Pendant ce temps, Anna en profita pour retourner vomir pendant que Van ne pouvait la voir, puis fit la chambre de Fara comme si rien avait changé en elle et ne rien montrer au jeune homme.
Deux semaines s'écoulèrent, mais les vomissements et les bouffés de chaleurs d'Anna persistait. La jeune femme savait que cela allait continuer encore un certain temps, mais elle n'arrivait toujours pas à aborder le sujet avec Van. Pourtant, ce dernier avait bien remarqué que les choses ne s'arrangeaient pas, et qu'Anna cherchait à lui cacher quelque chose. Cependant, le jeune homme connaissait parfaitement le caractère d'Anna avec le temps, et il savait bien qu'elle ne dirait rien s'il ne la mettait pas devant le fait accompli. Il attendit le bon moment pendant deux jours, et eût enfin l'occasion parfaite lors d'un incident peu réjouissant pour lui. Lors d'une de ses nausées matinales, la jeune femme en perdant le contrôle de sa magie quand elle vomissait, avait accidentellement congeler les latrines. Celles-ci, devenues inutilisable le temps la glace fonde, Van qui était pris d'une envie qu'il ne pouvait retenir dût à son grand regret utiliser la baignoire. Il n'avait pas vraiment le choix, mais son geste dégoûtait particulièrement Anna qui s'attendait à devoir réparer les dégâts : la jeune femme eût alors envie de lui envoyer des reproches à la figure. Cependant, elle se ravisa à temps avant de déclencher une dispute, qui la forcerait à s'expliquer avec Van sur son état. Cependant, le jeune homme lui, ne se gêna pas pour mettre les pieds dans le plat :
- Il va falloir m'expliquer ce qui t'arrive réellement. Ça ne peut pas continuer ainsi sans une bonne explication. Tu m'as l'air bien plus malade que tu ne me le dis, mais si tu ne m'expliques rien je ne peux pas t'aider.
Anna restait silencieuse, hésitant à lui répondre. Malgré tout, elle savait qu'un moment ou un autre, elle devrait tout lui dire, car quand son ventre allait gonfler, il s'en rendrait bien compte par lui-même. Elle savait aussi que plus elle attendrait, plus le jeune homme lui en voudrait de n'avoir rien dit dès qu'elle avait appris la nouvelle. La jeune femme prit une longue inspiration, et malgré sa voix timide dû au moment fatidique d'avouer la vérité, elle arriva tout de même à lui parler :
- Si j'étais malade, je crois que tu m'en voudrais beaucoup moins que pour ce que je vais te dire. Je ne suis pas souffrante, si je suis dans cet été c'est juste que j'attends un enfant. Et comme aucun homme ne m'a jamais touché à part toi, tu comprendras donc qu'il est de toi.
La nouvelle eût l'effet d'un coup de massue sur Van lorsqu'il entendit la nouvelle. Il tomba alors en arrière et se figea assis au sol, les yeux écarquillés. Il s'attendait à beaucoup de chose, mais certainement pas à ça. Certes, il était conscient que cela pouvait arriver s'il couchait avec Anna, mais cela était arrivé si peu de fois qu'il ne pensait pas que cela suffirait à mettre la jeune femme enceinte. Tout comme Anna quand elle eût appris la nouvelle, Van mit beaucoup de temps à accepter la situation. Il avait du mal à concevoir qu'il serait le père d'un enfant, et tout comme la jeune femme, le fait de fonder une famille ne lui avait jamais traversé l'esprit, l'un comme l'autre sachant bien qu'ils ne pouvaient garantir combien de temps ils pourraient encore vivre. Cependant, le jeune homme avait aussi autre chose à penser : même si Anna ne disait rien, Van voyait bien que cette dernière attendait une réponse de sa part. Mais quelle réponse pouvait-il bien lui donner ? Et quelle réponse elle-même pouvait bien attendre de lui ? Lui-même n'avait aucune idée de quoi dire ou faire.
Van se mit à réfléchir à la situation un long moment, faisant attendre la jeune femme. Que devait-il faire vis-à-vis d'elle ? L'épouser ? S'il voulait l'insulter cela aurait été le meilleur moyen : la demander en mariage uniquement parce qu'elle était enceinte, un fardeau pour lui qu'il ne pouvait laisser derrière lui. Dans n'importe quelle autre famille noble, c'est pourtant ce qui aurait été fait afin de sauver les apparences. Et puis, pas moyen de trouver un prêtre à la forteresse pour cela ni aux alentours, mais qu'ils soient en bon terme avec le clergé pour pouvoir être ne serait-ce que baptisé avant de se marier dans une église. C'était peut-être le cas d'Anna, n'ayant pas toujours été une cible pour l'inquisition et l’Église, mais pour Van cela était compromis. Prendre définitivement ses distance avec la jeune femme pour éviter qu'un même scénario se reproduise ? Non seulement, cela serait lâche de sa part, et puis il s'était tout de même assez attaché à Anna pour s’inquiéter pour elle ainsi que de ne pas l'abandonner dans une situation si compliquée. Ne rien faire et continuer comme avant ? Sauf que rien ne pouvait être comme avant, avec une enfant leur étant confiée sans leur demander leur avis, ainsi qu'un autre à naître sans qu'ils puissent y changer quoique ce soit. Cependant, bien que ce ne fut qu'à moitié le cas ces derniers temps, désormais il pouvait définitivement dire adieu à sa vie de célibataire.
Le temps qui passait si lentement à la forteresse, leur semblait s'accélérer tout d'un coup. Certaines des équipes envoyées comme eux en reconnaissance commencèrent enfin à faire leur retour, bien cela se fasse au compte-goutte et que beaucoup rentraient en plus mauvais état qu'eux, ayant eût beaucoup moins de chance pour plusieurs binômes en mission. Pour le moment, si d'autres équipes avaient constaté des méthodes similaires à celle de Worms concernant les actions de l'inquisition, Anna et Van restaient les seuls à avoir vue des démons parmi les répurgateurs. Konrad et Siegfried passaient leurs journées à regrouper touts les rapports de missions et à les analyser, si bien que plus d'une fois, Alisia et Aélis durent les tirer de force de la grande salle du donjon pour pouvoir passer du temps avec eux. Anna aurait pu apprécier avec facilité cette période de calme, où elle aurait pu prendre le temps de vivre paisiblement, si la situation avait été différente. Si les nausées commençaient à se calmer, ses changements d'humeur étaient plus intense et son ventre commençait à gonfler. Dans ces cas-là, Van trouveait toujours un moyen de l'éviter et n'hésitait pas à passer le plus de temps possible, à participer à l'éducation de Fara afin d'éviter sa compagne.
Concernant la fillette, les choses avaient elles aussi fini par changer avec le temps. Fara avait atteint l'âge de huit ans après des mois dans la forteresse, anniversaire qu'elle ne fut pas prête d'oublier : Van et Anna, vivant plus en couple par la force des choses, avaient décidé d'adopter officiellement la fillette même s'ils ne pouvaient se marier. Fara s'était tant habituée à vivre avec eux qu'elle s'y était attachée au point que, la fillette essayait constamment de faire les choses à la place d'Anna tant elle s'inquiétait pour la jeune femme, enceinte depuis déjà six mois désormais. Anna n'aimait pas du tout que la fillette la considère comme impotente, et ne la laissait pas faire si facilement, la laissant seulement aider un peu pour ne pas la vexer. Elle pouvait tolérer le comportement de la fillette, mais ce qui la dérangeait le plus était le comportement de Van à son égard. Ce dernier, voulant tant la ménager et la protéger durant sa grossesse, finissait par infantiliser la jeune femme en l'empêchant de trop se lever et se déplacer. Anna n'avait qu'une hâte, que le bébé arrive enfin pour être à nouveau traité comme avant. Cependant, quelques mois plus tard la jeune femme se retrouva à regretter amèrement son souhait, quand celui-ci se retrouva alors exaucé au terme de ses neuf mois de grossesse.
Lors d'une journée où Van rentrait d'une session d'entraînement avec Siegfried, il tomba sur Anna couchée au sol se tenant le ventre et transpirant comme si elle était fiévreuse. La jeune femme venait de perdre les eaux, signe que l'accouchement était imminent. Tandis que le jeune homme portait sa compagne jusque dans le lit, Fara était partie chercher une des guérisseuses en urgence pour qu'elle s'occupe de l'accouchement. La jeune femme agonisait comme jamais, ressentant une douleur atroce dans le ventre comme si on lui déchirait les entrailles, hurlant à plein poumon pour extérioriser sa souffrance. Van, complètement paniqué par la situation et ne sachant pas ce qu'il devait faire, se contenta de rester à côté de la jeune femme et de lui serrer la main. Deux guérisseuses entrèrent brusquement dans l'appartement, l'une partit directement dans la chambre tandis que l'autre repartit en arrière vers la salle commune des repas du donjon, afin d'y faire bouillir de l'eau. Elle demanda à la fillette de lui trouver des serviettes pour Anna, pendant qu'elle s'occupait d'aller dans les cuisines du donjon trouver de l'eau et du feu. Après une bonne heure, chacun revint dans la chambre et se mit à son poste, prêt à faire sortir le nourrisson du ventre de la jeune femme.
Van essaya autant que possible de rassurer la jeune femme, qui continuait de hurler sa douleur, pendant qu'une des guérisseuses regardait entre ses jambes pour évaluer la situation. Cependant, Van ignorait sur quel terrain glissant il s'aventurait car il ne pouvait qu'à peine, imaginer les souffrances d'Anna qui de son côté commençait à l'empoigner par la chemise avec une force qu'il ne lui connaissait pas. Cette dernière ne pouvait qu'essayer par tous les moyens possibles de rendre supportable la douleur, quitte à se montrer colérique envers les personnes dans la pièce. Van essaya alors maladroitement de raisonner la jeune femme, en espérant qu'elle l'écouterait :
- Calme-toi et essaye de te concentrer, tu vas avoir besoin de toutes tes forces.
- Essaye donc de rester calme quand on te déchire le ventre de l'intérieur, abruti ! Lui envoya Anna avec fureur.
- J'essaye juste de t'aider comme je peux, pas la peine de t'en prendre à moi, répondit Van avec calme pour ne pas énerver davantage la jeune femme.
- Tu veux m'aider ? Répliqua Anna en lui lançant un regard noir. Fais sortir cette chose de mon ventre au lieu de me raconter de belles paroles !
- S'il vous plaît, il va falloir tout donner maintenant et pousser de toutes vos forces, l'interrompit la guérisseuse. Je vous promets que tout sera bientôt fini.
Tout en continuant à empoigner avec force le jeune homme par la chemise, Anna attrapa sans prévenir un de ses bras et mordit férocement dans son brassard de cuir. Puis, tandis que ses dents serraient l'avant-bras du jeune homme comme un étau, elle poussa avec force et détermination. Bien que le scénario soit hautement improbable, le jeune homme aurait juré qu'elle lui aurait arraché le bras s'il n'avait pas eût ses protections en cuir aux avant-bras. Le visage d'une bête enragée mordant avec fureur, Anna poussa pendant une bonne heure, ce qu'il lui avait paru une éternité à ce moment-là. Puis, un petit être sortit enfin d'entre ses jambes et se mit à pleurer quelques minutes après, indiquant à Anna que son enfer était fini et qu'elle pouvait enfin se détendre. La guérisseuse, après avoir coupé le cordon, déposa alors le bébé dans les bras de la jeune femme dont la colère s'étant transformer en larmes de joie. La jeune femme était si émue qu'elle ne pouvait s'empêcher de pleurer. Van lui aussi était sous le coup de l'émotion : lui qui se sentait coupable de faire naître un enfant, tout en lui plaçant une épée de Damoclès au-dessus de la tête, il ne pouvait s'empêcher de se sentir heureux et fier de ce qu'il voyait. Il avait un fils, et il en était bouleversé de joie.
Ce jour-là, le jeune homme se refusait à se considérer comme un guerrier, mais se voyait uniquement comme un homme et un père. Pour lui, durant cette journée ce fut Anna la guerrière ayant affronté mille souffrances pour donner la vie. Tous les deux restèrent des heures sur le lit, regardant le bébé avec des yeux brillants de bonheur malgré les larmes qui s'en échappaient pour venir couler sur leurs joues. Fara, qui avait eût la permission de rester durant l'accouchement, était assise en face d'eux à regarder également le nourrisson dans les bras d'Anna. Elle qui les voyait fonder une vraie famille après cet accouchement, elle se voyait comme leur enfant et comme la grande sœur du bébé qui venait de naître. Bien qu'officiellement adopté par Van et Anna, elle ne s'était pourtant jamais considérée comme leur enfant jusqu'à présent mais la naissance du bébé avait tout changé dans son esprit. Cependant, il restait une question en suspens à la quelle aucun n'avait pensé à réfléchir, c'est-à-dire le prénom du bébé :
- Quel nom voudrais-tu lui donner ? Demanda timidement Van à sa compagne. C'est ton fils, c'est à toi de décider.
- C'est aussi le tien je te rappelle, alors toi aussi tu as le droit de décider de son nom, lui répondit Anna dont la voix n'était plus que douceur et tendresse.
- Je sais, mais c'est toi qui lui as donné la vie, et qui à souffert pour le mettre au monde, lui rappela Van. Je pense que la priorité te revient pour ce qui est du choix de son nom.
- Sauf que généralement, on donne souvent le prénom d'un parent ou d'une personne importante à un premier-née, mais je n'ai rien de tout cela comme exemple masculin pour lui trouver un nom, expliqua Anna. Je t'avoue ne pas avoir une seule idée de prénom pour lui. Tout ce que je voulais, c'est qu'il naisse en bonne santé et rien de plus.
- Dans ce cas, pourrais-je t'en suggérer un qui me vient à l'esprit ? Lui demanda Van. Il en est un qui me vient à l'esprit et qui serait parfait pour un garçon né dans cette forteresse.
- Lequel ? S'étonna Anna. Donne-lui ce prénom, je te fais confiance pour ça, comme ça tu auras servi à quelque chose durant cet accouchement, ajouta-t-elle avec amusement.
- Je pensais l'appeler Elric, répondit Van légèrement gêné de priver la jeune femme du plaisir de lui donner un nom, alors qu'elle le méritait plus que lui. Elric était de prénom du chef de famille des Krutz qui avait fondé la forteresse il y a deux cents ans.
- Elric Krutz, voilà un nom qui me plaît, répondit Anna en souriant. Puisse ce nom lui porter chance et en faire un garçon à la hauteur de celui qui aura inspiré ton choix.
Van et Anna restèrent le reste de la journée dans le lit, tandis qu'on leur apportait un berceau pour le nourrisson, petite surprise que leur avait réservée Konrad et Siegfried, mais aussi Faron car le berceau en question était celui qui avait bercé son propre enfant par le passé. Bien que la période soit sombre et menaçante pour les Krutz, ce soir-là dans le donjon on fêtait pourtant dans la joie et la démesure la naissance de l'enfant. Pour tous, c'était une occasion de se réjouir et de s'amuser d'une bonne nouvelle, la première pour eux depuis bien longtemps. Désormais, aucun ne savait ce qui les attendait car il leur fallait patienter dans le doute et la crainte le retour de tous leurs membres, et prier pour que leurs compagnons rentrent sains et saufs mais aussi, pour que ce moment de paix dure encore quelque temps.
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