Chapitre 1
Les hommes se sont crus supérieurs, infaillibles. Ils ont cru que leurs erreurs pouvaient s'effacer en un claquement de doigts, qu'ils pouvaient reconstruire tout ce qu'ils détruisaient, qu'ils pouvaient jouer avec la vie et la mort. Pourtant c'est cette fausse supériorité qui causa leur perte.
À vouloir prolonger leur vie, les hommes ont créé un cauchemar. Les morts se sont réveillés et sont partis chasser la vie. Les médias appellent ces créatures Zombies, ils disent que c'est un champignon capable de se développer dans le cerveau et d'en prendre le contrôle qui transforme les êtres humains en monstres. Pourtant il n'y a pour responsable de cette épidémie que les hommes.
Ça, Eden l'a bien compris. Du haut de ses dix huit ans, elle a déjà vu bien des choses plus horribles et dérangeantes les unes que les autres. Notamment le sinistre laboratoire où elle est née. Ses parents ont payé des sommes astronomiques pour qu'elle puisse vivre une belle et longue vie d'après eux. Son ADN à été modifié très tôt, quand elle n'était encore qu'un embryon. Son corps à été modifié pour faire d’elle une parfaite poupée de cire, sa peau, ses cheveux, son corps tout entier sont parfaits. Pas magnifiques, non, mais sans défauts visibles. Elle n‘est pas faite pour attirer le regard mais pour s’intégrer dans la haute société. Ses expressions faciales ont été le plus visées par les scientifiques en charge de sa création. Son incapacité à exprimer ses émotions par des mouvements faciaux involontaires fait d’elle une incroyable négociatrice dont il est impossible de prévoir les réactions, un atout pour ses parents qui dirigent l’une des plus grandes industries du monde mais, en contrepartie, il lui est impossible de se lier aux autres. Personne ne veut d’une poupée inexpressive comme amie. Enfin son vieillissement cellulaire à été ralenti. S'il ne lui arrive rien, elle vivra plus de 160 ans, disent les médecins payés par ses parents. Mais Eden, elle, trouve que ça ressemble à une malédiction. Le monde lui semble gris et terne. Elle n’est même pas sûre de pouvoir être encore considérée comme humaine. D'un autre côté ce n’est pas plus mal, l’humanité la dégoûte, quels parents vendraient leur enfants à la science pour des objectifs personnels, quel scientifique crée un champignon capable de détruire l’humanité ? Chaque jour, elle regarde aux infos où en est l'épidémie, s'il existe un vaccin ou un antidote. Chaque jour les journalistes lui annoncent que les scientifiques avancent sur la question. Pourtant il n’y à toujours pas de remède.
Ce matin encore la réponse est la même alors Eden attrape la télécommande sur la table basse de son petit salon et éteint le vieux téléviseur qui se tient devant elle. La jeune femme se lève et traverse son petit appartement à grand pas pour se rendre à sa chambre. Elle attrape des vêtements dans l'armoire en bois gris qui attend au fond de la pièce et par vers la minuscule salle de bain de son appartement. Quand elle se voit dans le miroir fissuré accroché au mur, elle grommelle.
Ses cheveux sont de nouveau trop longs. En effet, ses cheveux qui d'habitude ne font que frôler ses épaules lui arrivent maintenant au milieu des omoplates. Pour éviter une horreur capillaire comme la dernière fois qu'elle a essayée de se couper les cheveux elle devra aller chez un "coiffeur" ou ce qui s'en rapproche le plus et dépenser ses maigres revenus pour quelques coups de ciseaux.
Si elle était encore chez ses parents pleins aux as, ça n'aurait pas été un problème mais la jeune fille ne leur demandera rien. Elle a fui sa maison et ce n'est pas quelques cheveux qui la ramèneront chez ses géniteurs.
Les obligations d'une noble jeune fille sont encore plus ennuyantes qu'un documentaire sur les doigts de pieds. Mais pire que tout, elle avait l'impression d'être une simple poupée de chiffons que ses parents traînait dans ces galas huppés où l'on ne croisait que des hypocrites et des idiots.
Sa vie dans le quartier pauvre de Skid Row à Los Angeles bien que moins confortable et plus dangereuse lui permet d'échapper aux yeux de faucons de ses parents qui la cherchent sans arrêt depuis qu’elle est partie deux ans plus tôt. Dealer des drogues en tous genres et vendre des armes lui permettent de louer le petit appartement qu'elle a meublé en récupérant ce qu'elle pouvait dans la rue et font d'elle une riche parmi les pauvres.
Depuis qu'elle a quitté ses parents, elle a beaucoup changé. C'est dans sa salle de bain piteuse, devant ce vieux miroir qu'elle s'en rend compte. Elle est passé d'une jeune fille squelettique, toujours emmitouflée d'épaisses robes de grands couturiers avec les cheveux toujours attachés dans des coiffures compliquée et aux yeux vides et ternes à une jeune femme au épaule légèrement carré, habillé pour se fondre dans la masse, les cheveux relâcher sur ses épaules. Avec son air renfrogné, les mèches violettes qui se mélangent à sa tignasse noire et ses piercings aux oreilles et aux nez, elle ressemblait enfin à autre chose qu'une poupée.
Chaque fois que la jeune femme se change elle observe ses cicatrices et les blessures qui n'ont pas encore guéris. Elle les inspecte pour s'assurer qu'elles ne s'infectent pas. Son actuel "médecin" et meilleur ami Francis lui à appris à redouter les infections plus que tout. Même s'il n'a jamais fait d'études, il connaît le corps humain sur le bout des doigts. En même temps il n'y a plus beaucoup d'universités, l'éducation n'est pas une priorité quand des monstres assoiffés de sang viennent toquer à vos portes.
Quand elle est enfin prête, la jeune femme sort de chez elle et ferme à clé la porte de son appartement. Elle rabat la capuche de son sweat sur ses cheveux et plonge ses mains dans la poche ventrale de son vêtement. Le poids du canif qu'elle a toujours sûr elle la rassure. Elle ne l'a utilisé que trois fois, jamais pour tuer. Deux sur des hommes soûl qu'elle avait à peine regarder avant qu'ils ne l'attaquent et la dernière lorsque une femme avait tenté de voler la drogue qu'elle transportait ce jour là. Ses pas l'amènent automatiquement au lieu de rendez-vous qu'elle et son client ont convenu. Les badauds se traînent autour d'elle. L'odeur d'alcool qui colle à leur peau envahit les narines de la jeune femme. Un léger sourire se dessine sur ses lèvres quand elle pense à son premier jour à Skid Row. À cause de l'épidémie, toutes les villes se retrouvent défigurées par la pauvreté mais Skid Row se différencie des autres grâce à l'horrible odeur qui hante constamment ses rues. La première fois que la jeune femme à senti cette odeur, elle avait rendu son déjeuner sur les pavés sous les regards intrigués des passants. Maintenant elle marche tranquillement ou presque dans les rues sales. Quand le cul-de-sac qu'elle cherche apparaît devant ses yeux, elle ralentit le pas et inspecte les alentours. Il n'y a personne et c'est très bien comme ça. Elle s'adosse au mur décrépi derrière elle et attend.
Une petite dizaine de minutes plus tard, un jeune garçon entre dans la ruelle. C'est étrange, on envoi rarement un gamin acheter de la drogue, question de sûreté. Il s'approche d'Eden à petit pas.
- Deux cent vingt-six. murmure-t-il quand il est assez près. C'est le code qu'elle a convenu avec son client pour valider la transaction et ne pas se tromper d'acheteur ou de clients parmi les nombreux toxicomanes qui hantent Skid Row. La jeune femme hoche la tête et tend sa main droite. Le jeune homme y dépose une liasse de billets maintenus par une petite ficelle. À son tour il tend la main et Eden dépose un sachet de poudre blanche. Avant de partir, il s'incline légèrement. En un éclair, il a disparu dans la foule.
Eden à un mauvais pressentiment, ce garçon elle est persuadée de l'avoir vue quelque part mais surtout avec quelqu'un qui n'est pas un de ses "amis". Elle connaît bien la plupart de ses clients et de leurs subordonnés et entretient de bonne relation avec eux bien que ce ne soit que par intérêt. La jeune femme est sûre de ne pas avoir vue ce garçon chez son client. Elle accélère le pas pour rentrer le plus vite possible chez elle. Devant son immeuble, elle ralentit. Si il y a vraiment des ennemis autour de chez elle, mieux vaut leur faire croire qu'elle ne se méfie pas. Elle ouvre la porte piteuse du bâtiment et s'approche des escaliers au fond du petit hall qui abrite de vieilles boîtes aux lettres inutilisées. La jeune femme monte les marches quatres à quatres. Arrivée au troisième étage, elle se fait la plus discrète possible et s'approche de la porte de son appartement sans un bruit.
Il y a des intrus chez elle. Elle n'a pas besoin d'écouter à sa propre porte ou d'entrer dans le petit appartement pour le comprendre, la poignée déformée et les griffures sur le verrou sont des indices amplement suffisants pour le comprendre. Soudainement un vacarme infernal retentit de l’autre côté de la porte. Le bruit des verres et des assiettes que l’on brise et des meubles jetés au sol résonne un instant.
Quand le calme revient des bruits de pas se font entendre et la poignée de la porte s’abaisse lentement. Le corps d’Eden bouge de lui-même. La panique gèle son cerveau et ses réflexes prennent le dessus . L’intrus n’a pas le temps d’ouvrir totalement que la jeune femme est déjà dans la cage d’escalier. Les vieilles marches en bois grincent sous les pas précipités de la jeune femme et alertent son poursuivant. Les pas de ce dernier résonnent à leur tour dans la vieille bâtisse. Plus lourd, plus lent.
Le bruit d’une arme à feu résonne un court instant et Eden sent le projectile de fer frôler sa joue. Une goutte de sang coule le long de sa mâchoire comme une larme rouge. Quand elle arrive dans le petit hall de l’immeuble la jeune femme accélère encore. Elle bondit de gauche à droite pour éviter les balles. Dès qu’elle le peut, Eden ouvre la porte aussi vite que possible et la referme tout aussi vite. Elle reprend sa course effrénée à travers Skid Row. Alors qu’elle s'apprête à entrer dans une autre ruelle, une balle passe juste sous ses yeux. Dans l’allé un autre homme l’attend. La jeune femme fait demi-tour.elle pousse les gens devant elle. De temps à autre elle aperçoit ses poursuivants dont le nombre ne fait qu’augmenter. Elle continue de courir sans s'arrêter. Les balles qui ne la touchent pas transpercent la peau des passants qui courent en hurlant, terrifiés, à ses côtés. Elle change encore de rue. Celle-ci s’étend jusqu’au grand mur qui traverse Skid Row et coupe Los Angeles du monde extérieur depuis le début de la pandémie. Au bout de la rue, à une soixantaine de mètres d’elle la jeune femme aperçoit un vieux bus jaune garé devant une porte de fer. Le moteur du véhicule émet un léger bourdonnement et indique ainsi qu’il s'apprête à partir. Une file d’une dizaine de personnes attend devant la porte. La jeune femme n’a pas le choix. Même si elle a réussi à distancer ses poursuivants, elle sait que si elle ne se cache pas rapidement ils la retrouveront. Elle atteint le bus au moment ou la dernière personne de la file, une vieille femme aux cheveux emmelés, monte la marche du véhicule. Eden a juste le temps de sauter dans le bus que celui-ci ferme ses portes et démarre en trombe. La porte de fer s’ouvre et le bus s'engouffre dans le trou sombre qu’elle cache. en moins de deux secondes la porte est refermée et l’obscurité envahit le bus. La dealeuse se précipite à taton vers l’un des sièges encore libres. Une peur panique lui noue la gorge. Et si ce bus était un piège? et si il la ramenait à son point de départ? des questions sans queu ni tête tourne dans l’ésprit de la jeune femme. L’air lui manque, elle n’arrive plus à respirer. Sa vision vacille un instant, les larmes lui montent au yeux. Elle à déjà connu ça, les crises de panique, cette sensation de faiblesse, de fragilité. La jeune feùmme sans le bus freiner mais ce n'est pas suffisant pour lui permettre de reprendre ses esprits. Un grondement sourd retentit et une douce lumière illumine les murs gris autour du bus. Le véhicule reprend sa course aussi vite que possible.
-Bienvenue dans le vrai monde! s’exclame joyeusement le chauffeur, un homme d’environ quarante ans dont la barbe grisonnante repose sur son ventre, quand la ville commence à rétrécir à l’horizon.
Eden écarquille les yeux. Elle vient de réaliser qu’elle est montée dans un bus clandestin qui l’amène vers une ville inconnue si tant est que des Zombies ou encore les militaires ne les attrapent pas avant.
-Oh putain… dans quoi est-ce que je me suis embarquée encore. soupire la jeune femme en se massant les tempes. La fatigue la rattrape, ses jambes sont douloureuses et une migraine commence à poindre, alors pour ne pas s'encombrer de douleur futiles Eden pose sa tête contre la vitre froide du bus et se laisse tomber dans les bras de Morphée.
*
* *
Eden est réveillée par une brusque secousse. Il lui faut quelques secondes pour se repérer. Elle sent les gens paniquer autour d’elle puis elle entend le claquement sec des balles qui percutent le bitume fissuré sur lequel roule le bus. La jeune femme se redresse brusquement et se précipite vers la vitre teintée à l’arrière du bus. Trois Jeep militaires roulent derrière le bus. Une vingtaine de soldats en tout.
Soudainement l’une des voitures accélère et vient se placer à gauche du bus, à côté du chauffeur. Eden se rapproche de ce dernier afin d’entendre ce qui va se dire. La fenêtre côté passager se baisse et laisse apparaître deux yeux noirs coincés entre un casque et un masque à oxygène.
-Veuillez arrêter votre véhicule ou nous vous y forcerons! clame la voix du soldat qui les interpelle.
-Allez vous faire enculer! lui répond en hurlant le chauffeur en appuyant sur l'accélérateur.
Eden a juste le temps de voir l’éclat sombre d’un fusil avant que le bus ne devienne incontrôlable. L’une des roues à éclaté, percée par un des tirs des militaires. La jeune femme s’agrippe tant bien que mal au siège à sa droite. Des cris de terreur résonnent dans le bus et Eden sent sa propre panique l’étrangler. Dans un sursaut le bus sort de la route et tombe sur le côté dans un grand fracas. La tête d’Eden tape contre l’une des parois du véhicule et des taches noires apparaissent devant ses yeux. La jeune femme à l’impression d’étre sous l’eau.Elle entend à peine les gémissements et les pleurs des autres passagers. Son corps se redresse par automatisme, son inconscient lui hurle de ne pas rester ici et que sa rencontre avec les militaires ne lui apportera que du malheur. Eden trouve cette voix dans son crâne trop bruyante. Elle secoue la tête pour la chasser, la faire taire. Quelque chose coule dans son cou, c’est désagréable. Machinalement son bras se lève et sa main percute l’arrière de son crâne. Une douleur aigue transperce la jeune femme qui ramène sa main en face d’elle. Ses doigts sont rouges, trempés par le sang qui coule dans son cou. Une paire de bottes marron-vert s’approche d’elle, une main se pose sur son épaule et la secoue pour la faire sortir de sa torpeur. Eden lève les yeux vers le propriétaire des bottes et de la main, les taches noires devant ses yeux l’empêche de bien voir. Sa vue se trouble une dernière fois avant que son corps ne s’écroule sur le sol. Elle n'essaye pas de rester éveillée, elle est trop fatiguée. Eden veut juste dormir.
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