#8 Baraka fait ses valises

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Dieu voit tout, certes, mais les voisins ne loupent rien ! Les nouvelles vont vite et bientôt, toute la ville parle de son projet. Il faut dire que ce potin tombe à pic, vue la pénurie de match des diables rouges, de taxe sur les crottes de chiens ou d’aventures extraconjugales du coiffeur volage du quartier Bon-Air. Alors quand le petit congolais des braves Ongeluk décide d’aller recruter des réfugiés volontaires pour faire tourner sa ferme, ça jase dans les chaumières !

Mais le problème avec les bouches trop ouvertes, c’est qu’elles s’accompagnent souvent de mentalités trop fermées. Et que son projet prend une teinte différente qu’elle aurait dû initialement avoir. Là où il ne devait y avoir que trois ou quatre « ouvriéfugés », comme Baraka les appelle, les bruits de couloirs ou de bistrot font état d’une horde de terroristes affamés qui viendra bientôt envahir la ville à coups de fourches et de piques.

Tant pis pour eux. Baraka est déterminé. Son manifeste en poche, il se sent comme le prédicateur qui annonce l’avènement d’un monde nouveau. Après tout, bien que les prophètes furent eux aussi des gens incompris, cela n’empêcha pas que leur nom reste célèbre deux-mille ans plus tard.

En cadenassant la clôture de la ferme, Baraka surprend le regard perçant de la voisine, Ariane Dumoulin, tapie derrière la haie de buis de son jardinet. La taupe. Elle n’a pas manqué de vendre la mèche à son neveu, qui en a parlé à son boucher, qui en a parlé à sa dentiste, qui en a parlé au bourgmestre… Et voilà toute la ville au courant de son projet censé être confidentiel… Pour déposer le brevet, on repassera !

Voyant Baraka et sa valise, la mégère se met à balbutier :

Mais tous ces étrangers… Enfin je parle pas de toi, toi c’est différent… Reviens gamin ! J’ai fait des gaufres, t’en veux?…

Ariane n’a pas le temps d’ouvrir davantage son clapet que Baraka élève son majeur dans sa direction, lui tourne le dos - et les talons - et file d’un pas décidé vers la gare. C’en est trop. Il est grand temps que Baraka leur montre, à tous ces nazes, que le monde ne se résume ni aux contours cette ville, ni aux quatre coins de leur poste de télévision. Eux qui n’ont jamais quitté leur patelin, si ce n’est pour aller mastiquer des churros à Lloret de Mar en voyage organisé !

Tant pis pour ses chicons: c’est pas encore la saison pour les replanter et il sera revenu à temps pour le faire, et bien accompagné!

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