Journal d'Amélia

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Je hais cet endroit.

Ces murs blancs. Ce désinfectant qui me sature l’odorat. Cette ignoble nourriture que l’on nous sert à la cantine. Je ne parle à personne. Pas même aux autres patients. Ils ne sont que le pâle reflet de leur âme déjà morte . Ignorantes. Méprisables. Stupides.

Cela fait désormais deux mois que je moisis dans cette clinique, le psychiatre ne sait plus quoi faire pour que je lui adresse la parole. Les minutes sont interminables dans son bureau. Le tic-tac de l’horloge derrière moi rythme les battements de mon cœur et me donne quelques fois la nausée, alors je fixe toute mon attention sur l’arbre que je peux apercevoir depuis la fenêtre. Je donnerais si cher pour retrouver mon beau saule pleureur. Celui qui pleurait avec moi lors de ces nuits sans lune.

La séance se finit toujours par la même menace vicieuse : « Tu ne sortiras pas d’ici tant que je ne serai pas sûr que tu vas mieux. Mais pour t’aider, j’ai besoin de ton aide. Nous sommes une équipe. »

Équipe. Menteur !

Dans la salle commune où je suis forcée de me rendre, j’écoute parfois les conversations des autres femmes qui se racontent comment se sont passées leurs visites chez le grand manitou.

« Je sais qu’il va m’aider » est ce que j’entends le plus souvent. Si j’étais aussi naïve qu’elles, j’y croirais aussi. De nombreuses insultes aussi. Si le docteur entendait tout ce qui se disait sur lui, l’ascenseur émotionnel serait vertigineux, et je ne pense pas que son ego y survivrait.

Moi, je les trouve pitoyables.

Les aider ? Elles sont là depuis plus longtemps que moi, et tout ce qu’elles ont gagné à lui lécher les bottes, c'est d’avoir accès à la salle audiovisuelle.

En dehors de cet hôpital, elles avaient Dieu, mais ici, il n’existe plus. Le docteur s’apparente à la divinité, et les médicaments vous font converser avec les anges. Le Paradis en somme.

La chose qui me manque le plus de ma vie d’avant est mon oreiller. Je maudis chaque nuit le créateur de ces oreillers hospitaliers. Pure illusion optique, de loin, ils paraissent moelleux, épais et confortables, mais une fois la tête posée dessus, ils se dégonflent tels des ballons de baudruche. J’ai beau les retourner dans tous les sens, il m’est impossible de trouver une position satisfaisante, autant pour moi que pour mes cervicales. À cause de cela, je souffre de maux de tête dûs à des nœuds musculaires. Cela va sans dire que mon humeur, déjà désastreuse, en prend un coup.

Quand l’infirmière vient me réveiller et me demande avec son sourire niais si j’ai bien dormi, je n'ai qu’une envie, le lui arracher. Oui. Je crois que je pourrais commettre un meurtre pour un bon oreiller. Avant de me retrouver ici, je ne pouvais tuer que par instinct de survie, désormais, je pourrais commettre un meurtre pour n’importe quelle raison.

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