Dans son palais, Garm et Ser regardaient Xanthie danser.

Elle portait une exomide de soie rouge légère, bordée de fils d’or, transparente flottant sous la brise. Au travers de l'étoffe, sa nudité ne pouvait que consumer les regards.

Elle ressemblait, tantôt à quelque papillon nocturne aux ailes déployées, tantôt à un roseau prisonnier de la caresse du vent, tantôt, c'était un lierre qui enlaçait une des colonnes du jardin.

Mais, plus que roseau ou papillon, Xanthie était presqu’une femme et éveillait en Garm de sauvages désirs.

Ses longs cheveux roux défaits, flamboyaient comme un soleil mourant, pleine de vie elle dansait frémissantes d'ardeur juvénile au son d’un petit orchestre caché sous une des arcades. Elle avait des yeux d’un vert émeraude, qui riaient sous des sourcils d’un roux très clair, un cou gracieux, un buste haut dont les seins fermes pointaient sous le tissu diaphane, des jambes fuselées mises en valeur par des bas de soie noirs. Elle ondulait comme un cobra, sous l'étoffe flottante et vaporeuse attachée à son épaule ronde,

Xanthie, sur les quais d’Aquilata, dans tous les bouges le long du Tibre avait beaucoup dansé pour amuser les pécheurs et les clients de Lucius. Elle était son esclave et il la prostitua aussi souvent qu’elle dansa. Un jour, après une embuscade, Garm l'avait recueillie près de Caestrum-Heltary, parce qu'elle était belle dans sa simplicité de schoeniculae* affinée par les contacts. Depuis, elle le suivait partout, errait dans son palais à sa fantaisie, n’ayant pour horizon que de faire le bonheur de son nouveau maitre. Quand il dormait, il sentait souvent ses belles mains effleurer son front, son torse, et même sans vergogne son sexe. Et il la désirait souvent sans qu’elle ne s’en émeuve.

Tout en dansant elle chanta :

• Je suis la fille triste des lacs.

Mes yeux nourris des feux des hommes

Et je les prends, sans qu'ils me prennent,

Parce que jetée une fois baisée.

Je suis la fille dont la lampe est éteinte ;

Celle dont le rouet est en vrac.

Les Vierges m'évitent, je me venge d'elles, leur enlevant leurs fiancés aux fiançailles.

Garm souriait. Un lourd volumen écrit serpentait à ses pieds. Ser couché sur le triclinium, regardait distraitement la courtisane. Alors que le Hors-Loi eut voulu la presser farouchement sur sa couche.

• Sais-tu qu'à Domina, avec pareille fille, on pourrait rendre fou pas mal de sénateurs ? S’ils jetaient leurs regards sur elle...
• Peut-être, répondit Garm. Si j'en crois l’Oracle, Xanthie serait la fille d’Igfride. Au livre du Probabilité, elle est inscrite comme une pièce importante. Mais les statistiques sont si aléatoires que j’ai pu mal lire. En attendant, Xanthie commencera par danser devant ta sœur Honorata et ses royaux invités. Les gens comme moi doivent servir la destinée. Il ne faut jamais contrarier les astres ni la volonté d’Avalon. Vous passez, ils restent, car ils sont faits de choses que tu ne pourrais pas comprendre. Mais c’est avec plaisir que je te prête ma demeure.

En effet, les préparatifs d'une grande fête commençaient.

Le Palais de Garm à Aquilata avait été entièrement nettoyé. Cent esclaves s'y attelaient en permanence, parfumeuses des voilages, porteurs de hauts chandeliers de bronze, monteurs de tricliniums en forme de cygne, remplisseurs de brûle-parfums. Les salles qui devaient recevoir les familles d’Honorius, étaient splendidement décorées.

L’Empereur était encore un jeune homme plein de feu et d'énergie. Il donnait sa vie et son temps au redressement de Domina. Certains le croyaient débauché. Un prince qui s'amusait n'était pas dangereux aux yeux de ses ennemis.

Xanthie, épuisée, en nage, s'était étendue au pied de son maitre.

• Petite, va remercier les musiciens et fais-toi belle pour ce soir. Au fait, Ser, je sais que ton frère fait tout ce qu’il peut pour supprimer l’esclavage.
• Oui, c’est une de ses lubies.
• Dans ce cas tu dois savoir que pour ton confort, je veux dire que pour un homme de ton rang, il faut au moins cinq cents esclaves.
• Tant que cela ?
• Oui, il ne s’en rend pas compte, mais votre richesse, votre pouvoir, est à ce prix.
• Mais tu le connais, une fois qu’il a une idée…
• Dans l’absolu elle n’est pas mauvaise, mais dans ce cas, et pour une fois je serai d’accord avec Teixó, il faudra faire évoluer votre technologie et votre industrie. Le tout est de savoir comment va réagir la Guilde Souveraine et surtout Avalon.
• Oui je sais.
• Tu sais aussi, que nous, les Hors-Loi, nous vous avons aidé sur ordre de la Guilde. Elle voulait de la stabilité pour ravitailler plus facilement Avalon.
• Tu parles souvent d’Avalon. Tu sais que pour nous c’est en sorte la demeure des Dieux. Mais qu’en est-il vraiment ?
• Un jour je t’en parlerai volontiers mais pas maintenant. Tout ce que je puis te dire c’est qu’il ne faut pas plaisanter avec ceux d’Avalon et que peut-être Xanthie y jouera un rôle… Si elle vit. Car, vois-tu, les probabilités ne jouent pas vraiment en sa faveur. En fait cela tient à peu de chose. A la volonté ou pas d’une variable. Mais je pense qu’il ne me faut pas m’y attacher.
• Alors, vends-la moi ! tu sais que comme toi je joue aussi les lenos. Je lui trouverai bien de quoi s’occuper.
• Non ! cela je ne le peux pas, je m’y suis attaché. Elle danse, elle chante, elle baise bien. Vois-tu, je pense qu’elle a droit à un peu de bonheur.

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Schoeniculae*: prostituées courtisane de bas étage qui se parfumaient avec le [schoenum], parfum de basse qualité obtenu par le jonc odorant (herbe à chameau) qui donnait une huile poisseuse.

Le volumen*: (mot latin signifiant « chose enroulée ») est un livre à base de feuilles de papyrus collées les unes aux autres et qui s'enroule sur lui-même.