Chapitre 10 : Rêves et tremblements
La suite était… difficile. En tout cas, difficile de s’en souvenir. Un grand mur noir quand j’essaye d’y repenser. Dans ce grand vide, mes parents, en réalité, n’arrivent qu’à la toute fin. Au moment où nous faisons nos valises, deux semaines plus tard, et nous repartons pour Paris. C’est tout pour leur intervention.
Moi ce dont je me souviens ce sont tous ces rêves. Une fois, je me sens gonfler comme un ballon de baudruche, le vent me transporte par-delà la cour aux lions, jusqu’aux souterrains. Là-bas un garçon émacié m’attend avec des yeux fluorescents, il me fait des tours de magie, frappe sur une table et me téléporte au large dans un mer inconnue. La mer est agitée mais l’on voit sans aucun doute un objet se débattre à la surface, une sorte de créature articulée à la forme humanoïde. Les visions s’enchaînent comme des cartes à jouer, sans aucun, mais sans aucun sens. Je me retrouve même à un moment dans mon triste appartement parisien où à la suite d’un tour de passe-passe raté, un arbre se met à pousser au milieu du salon. L’arbre me pourchasse de salle en salle, jusqu’à ce que je tombe, et quand je tombe, il disparaît, se transforme en un poisson pané. Le poisson pané est emporté par mon père, père qui ne me regarde pas, dans une casserole vers la cuisine. C’est là où je ressens une immense peine car le poisson pané ou arbre ou tour de magie raté me supplie de tout cœur de ne pas le manger. Mais à quoi bon, il est déjà dans la casserole.
Heureusement, ces visions sans queue ni tête n’étaient pas trop douloureuses, car je n’ai pas mémoire d’épisodes fiévreux par exemple. Non c’était seulement comme un très gros sommeil et rien d’autre. La chose est tellement confuse que je ne sais dire ce qu’il en était de mon enveloppe terrestre pendant ces deux semaines. Qui a pris soin de moi par exemple. Ou même qu’est-ce qu’il en était de ma sœur durant toute cette durée. Elle a même un grand trou quand je lui parle de ça. Trop jeune pour s’en souvenir ? A moins qu’elle même ait subis ce comas.
C’est donc tous deux dans des états végétatifs que nous sommes repartis dans notre ville. Le choc fut rude.
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