Chapitre 21 : La Fameuse attaque surprise

5 minutes de lecture

Une aube affaiblie verse par les champs, la mélancolie des soleils couchants. Je répète : Une aube affaiblie verse par les champs…

Par ces mots de Wilfried, ainsi débuta l’attaque.

Le message reçu dans leurs radios, les commandos dissimulés derrière les pans d’immeubles se mirent en direction de leurs cibles. Il était entre deux et trois heures du matin et les riverains ne les entendirent pas se faufiler. Ni même cet ivrogne qui ne vit pas la fléchette s’enfoncer dans son dos. Ce fut le premier mort. Et bientôt beaucoup d’autres auraient rejoint le palais d’Hadès.

Leurs cibles n’étaient pas que les campements, il y avait aussi les complices. Par-là, il fallait entendre les médecins, pompiers, fonctionnaires récalcitrants et toutes les personnes qui avaient un jour pris leur défense. Tous ceux qui les avaient aidés devaient payer le prix du sang.

Les premiers objectifs atteints furent les hôpitaux qui abritaient les pieds-légers. Dans le style wilfridien, l’assaut fut soudain, spectaculaire et tonitruant. La porte fut enfoncée à coup de bélier, et les fenêtres fracassées de balles et de projectiles improvisées. Les Hurons pénètrent par plusieurs brèches : les défenseurs furent bientôt mis hors du combat. Puis on appliqua le commandement de Wilfried. Tous furent passés au fil de l’épée.

Ce n’était cependant pas une tuerie. À d’autres endroits, il y avait des listes. Des listes de gens à laisser vivant. Pas que des amis de Wilfried, également des témoins à laisser parler pour la suite. En effet, il y avait un objectif : intimider les intrus, et les bouter hors du pays. Le clou du spectacle se préparait à cet effet.

En vertu des accords de Mantes-La-Jolie, beaucoup des complices étaient sous la bannière de la Grande Dame. Quand ils virent les bataillons se lâcher sur eux, certains eurent le bon sens d’en notifier Hassna. Injoignable. Idem pour quiconque de l’organisation. Tous devaient être en plein repos à cette heure-ci, ou malheureusement déjà au palais d’Hadès.

Les Hurons progressaient invariablement vers le Nord, là où se situaient le gros des campements et donc le gros de la population des pieds-légers. Cela faisait une heure que l’assaut était lancé et les fantassins n’avaient rencontré que peu de résistance. Les lieux qu’ils “visitaient” étaient à chaque reprise pris au dépourvu et liquidés sans autre forme procès. Il n’y avait donc pas dû affronter les forces policières, qui si, elles avaient été un peu mises de côté après Mantes-La-Jolie n’avaient pas moins toujours le droit de circuler, donc d’intervenir. Mais où était la police bon sang ?

Enfin, les bataillons convergeaient vers l’entrée du campement.

Le grand portail était fermé et éclairé seulement de l’intérieur par les réverbères. Dans les quelques semaines depuis son règne, la Grande Dame avait fait ériger une barrière tout autour du campement des pied-légers. Il s’agissait d’une simple enceinte en vue de protéger provisoirement les étrangers des dangers de la rue, ou du moins de leur donner un chez-soi. Les Hurons savaient bien qu’ils n’en feraient qu’une bouchée.

- Préparez les pinces coupantes et le bélier, signifia-t-on par des signes de mains.

On amena les techniciens qui s’avançèrent à pas de chat jusqu’au portail. Quant au bélier, on le fit passer de mains en mains depuis l’arrière jusqu’à qu’en première ligne.

Soudain, l’un des Hurons à qui on venait de passer l’outil se releva :

– Attendez, stop il y a du mouvement sur le grillage !, indiqua-t-il par un geste de mains.

– Allons voir, signifia son supérieur.

Mais avant que les deux ne puissent inspecter le grillage, avant même qu’on se soit assurer de l’absence de veilleurs, ce que pourtant avait confirmé les nombreux repérages, il y eut un coup de feu.

Le bélier fit un grand bruit sur le sol. Son porteur était parti chez Hadès.

– Tous au abris !

La plupart se jetèrent au sol, une partie reculèrent dos à la porte, et une minorité de vétérans se mit en position de tir. La première salve fut brève et inefficace car sans projecteurs, on ne pouvait voir le tireur. Dans le camp, il n’y avait pas qu’un tireur : des coups de feu jaillirent du grillage.

– Ils ont des armes à feu !, s’écria un commandant au téléphone.

Si certains des Hurons pouvaient faire durer l’échange de feu, la plupart étaient des bagarreurs de rue pour qui le cauchemar débutait. À ce stade, les Hurons s’étaient mis en retrait pour tirer en bougeant. Une bonne partie rampait au sol pour parvenir aux grilles. Leur avancée fut arrêtée par un grincement de ferraille. Les grilles !

Alors surgit du campement une masse humaine munie de tout ce qu’ils avaient sous la main. Ils éblouirent au passage les Hurons et fonçèrent dessus comme des chiens.

Et non, les pied-légers ne dormaient pas. Qui donc les avait prévenus ? Mais les assaillants avaient plus urgent à régler, et se jetèrent sans autre façon dans la mêlée.

Hassna était dans la voiture qui la conduisait hors de Mantes-la-Jolie. On roulait à bonne vitesse et l’air sifflait tout autour à chaque entrée dans un tunnel. C’est entre deux sifflements qu’elle profita pour parler à la diplomate de son organisation :

– Combien de temps nous reste-t-il avant d’arriver chez le préfet ?

– Près de trente minutes Hassna, mais comme je l’ai mentionné, pas sûr qu’on puisse le réveiller à cette heure-ci.

– Mais et les pied-légers alors ! Les Hurons ont déjà dû sortir de leur position à cette heure-ci. Nos gens vont tenir comme des lions mais jusqu’à combien de temps ?

– On ne peut pas aller plus vite, répondit-elle en appuyant sur chaque mot.

– Arrête la voiture.

Son interlocutrice détourna son visage et la regarda yeux dans les yeux. En passant dans un tunnel, les éclairages révélèrent son air déterminé. La diplomate n’eut pas une objection et arrêta la voiture. En plein dans le tunnel. Hassna en descendit.

– Prends-moi le téléphone, compose le numéro de la préfecture et informe-les que je veux parler au préfet, demanda la Grande Dame.

Elle s’exécuta sans rien dire, comme elle s’était exécutée lorsqu’on l’avait tiré de son repos puis demandé de guider l’équipe jusqu’au campement principal. Et quand Hassna avait mentionné ce frère Toques et qu’elle avait exigé qu’on remorque la cargaison, elle avait obéi. Puis, dans le camp, quand il fut question d’abord de réveiller chaque personne valide, puis de distribuer une arme à chacun, elle avait accepté la réalité telle qu’elle était. Hassna avait eu de l’intuition s’était-elle dit tout au plus. Et si elle prévoyait un assaut imminent et destructeur, elle avait raison et il fallait se préparer.

Elle composa le numéro une fois, et attendit. Elle attendit. Elle composa une deuxième fois et attendit une nouvelle fois.

– Que se passe-t-il, le signal est bloqué dans le tunnel ?

– Personne ne répond. Il doit dormir.

– Impossible, quelqu’un d’autre répondrait, non je pense que le signal doit être bloqué. On remonte et on essayera plus loin.

Mais comme elle dit ça, une voiture entra à leur arrière. Elles ne l’entendirent pas et ne virent pas les feux avants pointés sur elle. Puis soudain, un bruit de portière : on sortait de la voiture. Là, les deux femmes pivotèrent simultanément.

Wilfried !

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Mehdi M ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0