Chapitre 24 : Le Retour du Highlander

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Maintenant nous marchions calmement dans les rues de la ville. Il n’y avait pas cette fumée ou ces nuages que nous avions tant redouté, nous étions passés à travers, sans le moindre problème, sans même nous en rendre compte. Tout était désert. Plus personne dans les rues, pas non plus de présence animale, pas de pigeons par exemple. Même les boutiques étaient fermées, alors qu’à cette heure-ci, elles auraient dû s’ouvrir.

Après l’épisode du barrage, l’Émir ne nous avait pas adressé la parole. Le fait que cette ville soit en train de mourir ne semblait pas le choquer plus que ça. Pourtant, s’il savait quelque chose, il ne nous expliquait rien.

– Pourquoi vous avez dit que nos parents ont disparu ?

L’Émir se tourna vers moi, et comme toujours, il me répondit avec le sourire :

– Mon cher, tes parents ne sont plus dans cette ville, on les a emportés et tu ne les reverras plus jamais.

– Ah…, eus-je pour seule réaction.

Ils ne manquaient pas. C’était un fait et, dans son sourire, l’Émir montrait qu’il avait compris la chose.

– Et donc, c’est pour ça qu’on doit fuir ? Parce que les gens qui ont emporté nos parents vont aussi nous emporter ?

– Non mon cher. Ce n’est pas ça. Vous ne risquez rien, personne ne vous fera du mal.

J’écarquilla les yeux.

– Et pourquoi on fuit alors ?

– Parce que vous ne pouvez pas rester tout seuls, parce qu’une autre personne doit s’occuper de vous.

– C’est autre personne, c’est….,

– Vous le saurez quand vous la verrez.

L’Émir détourna le regard : il n’en dira pas plus. Ma sœur, elle, penchait la tête de mon côté. Je lui fis un sourire pour la rassurer. Pourvu que nous ne soyons pas séparés par les évènements ! Nous le serions forcément un jour mais je fis le souhait que sur le temps court, ce ne soit pas le cas.

Tout à coup, il eut du mouvement dans le lointain. Deux silhouettes apparurent au bout de la rue. Enfin des êtres vivants !, pensai-je. Personne ne voulait du mal, avait dit l’Émir, alors autant se réjouir que ces rues ne soient pas tout à fait mortes.

Une des figures était plus hautes que l’autre. Avant qu’on ne comprenne quoi que ce soit, il nous appela depuis la distance :

– Par Jésus et la Vierge Marie ! Dieu soit loué, des survivants !

Aussitôt dit, un homme de forte carrure couru à notre rencontre. On le reconnut d’office à sa tenue excentrique : c’était le highlander qui nous avait guidé dans la manifestation. Que diable faisait-il ici ? Et avant même que les salutations ne se fassent, un grognement me fit sursauter comme un ressort. La fameuse truie était là aussi.

– Bonne Apocalypse, les amis ! Ça se fête, pas vrai ? Allez, venez les gens, je vous ai ramené de bons trucs à manger.

Sur le “Bonne Apocalypse”, le Highlander commença à déballer des sacs remplis de gâteaux. Il en sortit des grosses madeleines, aussi grosses que mon poing, mais aussi des dragées, puis d’autres friandises salées et sucrées. Il prit en au passage une belle poignée qu’il donna à son compagnon animal.

– Content de vous avoir mes amis. Franchement, on commençait à délirer tous les deux. Alors ça va les p’tits ? Et toi, ô chevalier, par quel nom a-t-on coutume de t’appeler ?

Par la dernière phrase, il s’adressait ainsi à notre guide qui n’avait que sourit mais pas dit un mot jusqu’à lors.

– Cher ami, si je te disai que beaucoup me prénomme l’Émir, me croirais-tu ?

Le Highlander resta estomaqué et regarda de haut en bas les habits du prince, comme s’il ne les avait pas vu.

– Ça alors ! Un Émir, un vrai de vrai ?

Sur ce, l’Émir lui raconta sa vie dans le palais. Les jardins, les fontaines, les senteurs, les fruits. Il évoqua aussi les souterrains qui étaient devenus son lieu de vie. Puis il nous mentionna avec ma sœur, comment lors d’un voyage d’affaire, il avait fait notre rencontre. Ce qui, et il insista, était devenu le plus beau jour de sa vie. Le Highlander lui posa mille questions, il voulait tout savoir, comment se passaient les journées, s’il pouvait voir le désert depuis ses appartements, s’il avait des serviteurs. Les deux discutèrent ainsi de long en large pendant un bout de temps : l’Émir tout souriant et son interlocuteur époustouflé par chaque détail de cette vie qu’il croyait libre.

Je me tins à l’écoute car je pensais que l’Émir allait forcément parler du moment où il est arrivé ici dans notre ville. Le fameux où il faisait silence pour une raison que j'ignorais. Là-dessus le Highlander nous interpella.

– Et alors mes p’tits, et si je comprends bien vous vous êtes enfui ? Moi aussi quand j’étais gamin, je m’étais tiré de chez mes parents à la sauvette. Mais regardez-moi, ça a plutôt bien fini, pas vrai ?, dit-il en montrant ses dents jaunes.

Je ne voulais pas lui dire qu’il se trompait, et qu’à mon avis, dans son cas, ça ne semblait pas avoir été profitable. Il prit notre hésitation comme oui et continua.

– Je parie que vous non plus, vous ne savez pas ce qui se passe.

– Non qu’est-ce qu’il se passe ?, demanda ma sœur.

– Ah bah justement ! Si seulement je savais. Avec ma truie, on était posté sur le pont là-bas, et puis boum ! Il y a tout ce raffut, comme un tremblement de terre, et en même temps des panaches de fumée sont sortis de partout comme si le monde brûlait. Nous on pense que c’est de l’autre côté du pont, mais maintenant c’est gardé par un bataillon, donc pas question.

– Cher ami, tu nous parle d’un pont ?

L’Émir avait repris la parole, d’un ton sérieux qui ne lui ressemblait pas.

– Oui oui, un pont mais c’est un bataillon de je ne sais pas quoi qu’il le garde. C’est pas la police, ça c'est sûr. Ça doit être des fous furieux qui attendent l'Armageddon vu comment ils sont équipés !, dit-il en riant sur la fin.

– Amène-nous là-bas mon ami, répondit-il d’un coup.

Le Highlander le dévisagea un long moment, d’abord sourire sur les livres, un sourire qui peu à peu se décomposa.

– Ah vous voulez donc sortir de la ville… Je… enfin mon gars, te mets pas cette idée en tête. C’est gardé comme pas possible. C’est des fous furieux, ils tirent à vue s’il voit quelqu’un, même les gosses, ils les laisseront pas passer.

Ma sœur entra dans la danse.

– L’Émir, c’est le plus fort ! Il sait hypnotiser les gendarmes !

Cela fit provoqua un petit ricanement chez le Highlander.

– Ah oui ? Qu’est-ce qui te dit qu’il sait hypnotisé les gendarmes ma p’tite ?

– Bah, il la fait avec les gendarmes juste derrière ?

– Derrière ? Derrière du côté de l’avenue ?

Ma sœur lui pointa là où nous étions arrivés et son interlocuteur regarda fixement.

– Là-bas ! Il y a des policiers là-bas ! Par tous les dieux, mais moi c’est là-bas où je vais !

Personne ne lui répondit et il resta ainsi à répéter des “comment je vais faire” et des “je faire me flinguer”. Je regardai l’Émir : il fixait le bitume. Je le regardai intensément en espérant qu’il trouve une solution à notre pauvre Highlander : il ne se tourna pas vers moi et semblait plongé dans ses pensées. Un autre miracle pour un ami était-ce possible ?

Alors, en l’absence de réactions, ce fut moi qui parla :

– Le métro qui passe sous le pont, il n’est pas gardé ?

Le Highlander s’arrêta doucement de marmonner.

– Le pont ? Ah le pont que vous voulez franchir à tout prix… Pour le métro sous le pont, je sais pas, je n’ai vu personne mais ils ont dû le verrouiller s’il y a de la fumée dans l’air.

Il fronça les sourcils :

– Pourquoi tu poses cette question, mon pt’it ?

– Parce que s’il n’est pas gardé, alors on pourrait passer en dessous.

Nouveau temps de réflexion. Le Highlander avait l’air cette fois-ci bien sérieux. Il nous regardait successivement moi, ma sœur puis son regard se tournait vers le grand Émir. Le temps passait en silence.

Moi je voulais fuir, et si on passait par une route, il fallait que l’Émir nous garantisse le passage, sans quoi c’était perdu. C’est alors que le Highlander :

  • Le petit dit vrai, il faut que vous passiez par le métro.

Il respira un grand coup, dévisagea sa truie, lui gratta l’arrière des oreilles.

  • Je vais vous accompagner.

L’Émir ne dit rien. Il se contenta d’un regard grave en direction du Highlander. Même la magie avait ses limites. Le prince, sans un mot, mit les mains sur nos épaules et nous fit signe de marcher.

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