Chapitre 25 : Le Sacrifice
Le pont était gardé. Ça on nous l’avait expliqué. Mais qu’une armée y était stationnée, ça non. On les vit du premier coup d'œil car nous descendions d’une hauteur. Sur le pont, il y avait un attroupement dans lequel on distinguait des casques, des matraques, du fer et des choses qui étincelaient à la lumière. Pas d’uniformes, des personnes vêtus comme Monsieur, Madame tout le monde mais équipées comme des troubles fêtes de manifestations. Les armes à feu mais on ne savait pas à quoi s’attendre.
Pas le temps de trembler comme une fois, pas le temps de rebrousser chemin, même pas le temps de faire une dernière volonté, car l’instant d’après la masse nous avait repéré.
La bouche de métro n’était pas loin. Je n’attendis même pas le “cours” que m’intima l’Émir une seconde plus tard. Je filai déjà.
Même lorsque ma sœur se déchaînait au badminton, je n’avais pas à courir aussi vite. Je vis tout défiler, les poteaux sur la rive, les arbres desséchés, les immeubles, ma vie. Pas un bruit non plus. Pas de voitures, pas de javelots, de haches ou de balles.
Et les autres ? Où était ma sœur ?
Malheurs sur moi, je m’arrêtai.
C’est à ce moment que le moteur se remit en marche : j’entendis hurler. Devant mes yeux, c’était la bataille d’Azincourt. La masse de gens se déversait du pont pour foncer sur nous. Les fous furieux ne savaient même pas qui on était, leur but était de nous refaire le visage. Un projectile alla cogner un arbre à mes cognés, un autre fit tinter un poteau métallique. Moi je tentais de tous mes efforts de bouger : mon corps ne répondait plus. Je ne criais même pas, la peur me paralysait tout entier.
Soudain, comme à Azincourt, il eût les archers anglais.
– Hé vous là-bas !, héla une forte voix par-dessus le tumulte.
C’était le Highlander.
Un objet lourd heurta la masse de fouet, ricocha plusieurs fois et ressortis une dizaine de mètres plus loin. J’entendis des cris, des hurlements. Des gens tombèrent dans le fleuve et d’autres répliquaient par des tirs. Puis au même moment, je tournai la tête, vis le Highlander sortir une épée de son fourreau, et même seule pensée fut : ce n’était pas un jouet ?
Cri de guerre puis charge tête baissée sur le groupe de défenseurs.
– Bah, tu ne cours pas ?, me cria une voix aiguë et enfantine.
Ma sœur ! C’était ma sœur qui était apparue comme une ombre juste devant mes yeux. Je ne regardais plus le massacre, je reprenais peu à peu mes esprits. Si j’étais là avec ma sœur, si le Highlander se sacrifiait dans la bataille, c’était pour fuir et rien d’autre. Ce fut le moment opportun pour que la machine rédemarra, et en deux temps, trois mouvements, j’atteignai la bouche de métro.
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