Chapitre 27 : La Traversée du Styx

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Si les Enfers étaient un tunnel, alors c’était celui que nous traversions. D’abord pour le sol instable car rempli de cailloux, qui ne risquaient à chaque pas de nous fouler la cheville. Puis pour les rails qui nous cernaient des deux côtés. Nous n’avions d’ailleurs pas compris s’ils étaient électrifiés, et par prudence, nous maintenions une belle distance. Enfin, la question en suspens : un train menaçait-il de passer ? Et surtout, le saurions-nous avant d’être sous lui.

Le problème était que notre guide se terrait dans le silence. Même pour cette question :

– Il ne suivra pas le Highlander ?

Ma sœur lui avait posé à plusieurs reprises, et l’Émir n’avait qu’à peine tourner le regard.

Je ne savais pas s’il y avait vraiment une fin à cette histoire comme cela faisait si longtemps qu’on marchait tout droit. Le décor était le même, l’éclairage en néon, les murs délavés, les rails : ça m’hypnotisait au point que j’oubliais toute notion du temps. Il se pouvait bien que pendant ce temps, la ville d’en haut était tombée en poussière, et bientôt ça serait notre tour.

Puis soudain, je vis droit devant que nous allions être dans l’obscurité la plus totale. D’ici quelques mètres, on ne serait plus éclairé par les néons. Je commençais à me sentir mal. J’avais peur d’être immergé dans le noir. Alors, j’allai vers l’Émir et lui tira sa manche à plusieurs reprises. Il ne réagit pas.

– Mais, on ne peut pas continuer… Il fait beaucoup trop noir… , lui indiquai-je en désespoir.

Il ne me répondit pas.

– Pitié… je ne supporte pas le noir, dîtes-moi au moins si ça sera court ?

Je tirai nerveusement sa manche. Il ne réagit pas. Comme si j’étais un fantôme.

Il fallait donc avancer, je n’avais pas le choix. Alors, je m’enfonçais à mes dépends dans le gouffre.

La lumière s’éteignit.

Force était de constater que ce tunnel n’était pas un simple tunnel de métro. Est-ce que dans le métro, on entend des coups de sabots sur le gravier ? C’est pourtant comme ça que cela commença. Au départ, je pensais que c’était des rats, mais des rats ne faisaient pas un tel vacarme. Il fonçait droit sur nous le cheval, à vive allure. Ça serait l’affaire d’un instant. Plus que quelques secondes… Et les bruits de sabots s’estompèrent au fur et à mesure. Le cheval était passé.

Non seulement je ne voyais plus rien, mais je ne sentais plus rien non plus. L’Émir ? Ma sœur ? Où étaient-ils ? Je me repliai sur mes pensées : “Le passage, le passage sera court”. Je répétai ça au moins mille fois. Puis soudain, un sens caché m'apparut, mon corps tout entier fut parcouru par un spasme. Le passage sera court ! Il sera, oui il sera jusqu’aux Enfers. À cette pensée, je perdis connaissance. Ce fut le noir totale.

Quand je me réveillai, je n’étais pour une fois pas dans mon lit. Ce n’était pas un rêve : l’Émir était bien là, il me tenait même sur son épaule. Me yeux s’ouvrirent lentement, très lentement. Je vis d’abord une série de tâches blanches, puis je compris que c’était des éclairages. Mais pas comme dans le tunnel, c’était l’éclairage d’une station de métro.

À la lumière, je vis que le lieu était richement décoré. Le sol blanc comme le marbre contrastait très fort avec le noir reluisant de la voûte. Je vis à la jonction des deux couleurs une mosaïque antique. On y voyait des amphores et puis des toges, ainsi qu’un chien qui poursuivait quelque chose à l’intérieur du tunnel. La scène me fit sourire, je n’avais pas l’habitude des décorations car chez nous, tout était bien plus morose.

Puis en descendant mon regard, j’aperçu le nom de la station. Je la lu et la relu : je connaissais ce nom. C’était un nom qu’un jour m’avait pointé sur la carte du métro. C’était une station tout au Nord. Nous étions arrivés au Nord de notre ville. Nous étions sauvé.

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