PAS DE PUCES
- Bon allez zou ! À la douche et allez ranger vos chambres si vous voulez jouer avec Raven.
Non mais ça va pas ? Je suis quoi moi ? Un trophée ? Si on joue ce sera avec MES règles et ça va saigner.
Mon « Amie » pousse ses morpions hors de la pièce. Va falloir que je trouve un moyen de gérer tout ça.
Je sais que la solution se trouve là tout près, mais je sais pas si c’est le choc ou quoi je n’arrive pas à remettre mes idées en place.
Peu après elle revient en parlant encore toute seule. Sauf que là elle se parle pas à elle-même.
- Tu es sûre que ça ne te dérange pas ? Tu es un amour ! Je prépare des sablés et un fondant au chocolat pour le thé.
C’est bien ce que je pensais. Elle opère toujours ses contrôles par la bouffe. Même pour ses amis imaginaires.
Portant sa main à son oreille, elle en retire un petit truc en plastique.
Ok, elle parlait pas à un ami imaginaire. Elle n’est pas complètement folle.
La télépathie, par contre, elle ne semble pas connaître ? Ah non, c’est vrai, c’est qu’une humaine.
Quoi qu’il en soit, si j’ai bien compris, elle attend quelqu’un et j’ai comme l’intuition que cela me concerne.
L’entendant rejoindre ses morpions, je redescends de mon perchoir et explore les pièces de la maison.
La cuisine, deux chambres de poux en désordre : une rose, une bleu, bravo l’originalité, une pièce fermée où je sens particulièrement l’odeur de l’adulte, ça doit être son dortoir et une autre qui pue la pisse. Le gnome doit pas encore savoir viser. Rapidement je passe en catimini devant la porte entrouverte d’où jaillissent cris et bruits d’eau et rejoins le salon et mon nid d’aigle.
Donc maison de plein pied, peu de cachettes. Le haut de l’armoire va devenir mon refuge.
M’installant en boule, je tente de prendre un peu de repos. D’une oreille distraite mais vigilante, je surveille les humains.
Les mioches semblent déjà m'avoir oublié. Tant mieux.
Leur génitrice les a envoyés jouer dehors, dans le jardin, puis est revenue dans la pièce avec un bol d’eau et une tranche de saumon coupée en petits morceaux dans une soucoupe. Après avoir grimpé sur une chaise elle a déposé le tout en face de moi, à l’opposé du haut de l’armoire, en murmurant.
- Tu vas voir, on va bien s’occuper de toi.
Brave esclave. Elle tente de m’amadouer mais je ne suis pas dupe.
Mais bon, je lui accorde un bon point pour le saumon.
Pour lui montrer ma bienveillance, je lui adresse un grand bâillement, histoire qu’elle comprenne que je veux qu’elle se tire.
- Ne t'inquiète pas, cet après-midi nous saurons qui est ton maître.
MON MAITRE ?
Non mais elle hallucine elle ? Moi ? Un maître ?
- Tu as vraiment des yeux magnifiques douce Raven.
Là, elle m’achève ! C’est sûr qu’elle a dû les voir en grand mes yeux vu ma surprise !
Mais pourquoi ce foutu nom ! De mémoire les corbeaux sont des médiateurs entre la vie et la mort.
Voudrait-elle mourir ?
Dans ce cas je peux l’aider.
Une pulsion de haine me fait plisser les paupières. Mes griffes sortent. Mon corps se tend.
- MAMAAAAANNNNN !!!!
Sauvée par son chiard.
Elle chancelle sur sa chaise avant de redescendre vite fait.
- Zoé m’a pris mon ballooonnn !!!!
Le pou chouine et attend droit comme un i que sa génitrice vienne le prendre dans ses bras et le consoler.
Ce qui ne manque pas. Ingénieuse tactique.
Sa frangine apparaît sur le seuil de la pièce et observe la scène. Une onde de colère émane d’elle et son regard s’assombrit. Dans une de ses mains son doudou, dans l’autre le fil d’un ballon bleu qui flotte à hauteur de sa tête.
Tirant dessus elle fait descendre le ballon et le coince entre son dos et l’arrête du chambranle de la porte.
Le morpion continuer à se lamenter alors que sa mère lui caresse la tête posée contre son épaule et lui murmure des paroles réconfortantes.
La petite plisse les yeux et recule. Va-t-elle vraiment faire ce que je crois qu’elle va faire ?
PAF !
Le ballon vient d’exploser. C’est à peine si elle a sourcillé.
- MAMAANNNN ! Elle l’a fait exprès !!!! hurle le gnome en chialant de nouveau.
- ZOE ! Va dans ta chambre !
La gamine se met à crier et court rejoindre son dortoir avant d’en claquer la porte.
- C’est toujours moi qu’on punit !!! C’est même pas ma faute !
J’avoue être impressionnée par cette peste. Il va falloir que je m’en méfie.
- Viens mon chou, je vais te donner des chips en attendant le déjeuner.
- OUIIIIiiiii des chips !!!
Et voilà, encore la bouffe. À croire que c’est ce qui mène le monde à faire ses quatre volontés.
Elle entraîne le pleureur vers la cuisine et je retrouve enfin ma tranquillité.
Me levant, je m’étire et m’approche du saumon.
Il ne faudrait pas oublier les choses essentielles.
J’ai dû m’assoupir car soudain je sursaute aux piaillements du morpion.
- DES PUCES ! DES PUCES ! RAVEN A DES PUCES !!!!
Le voilà qui déboule dans la pièce en courant.
- Pas DES puces ! Une puce. Et on en est même pas sûr. C’est pour ça que Magali est venue avec son matériel.
La voix de sa génitrice me parvient de la cuisine.
Du haut de l’armoire, je suis sur mes quatre pattes feulant et prête à me carapater.
- Raven a des puces ! Raven a des puces ! continue le chiard en courant en rond dans le salon.
Un coup de patte à la soucoupe où se trouvait le saumon et boum, le gnome la reçoit sur la tête.
- OUAIIINNNNN ! MAMMAANNN !
- Qu’est-ce que tu as encore ?
La voilà qui paraît avec une autre humaine aux longs cheveux roux. Qui tient un boitier noir dans sa main.
- Raven m’a zeté un truc à la tête.
Les deux adultes se regardent puis portent leurs regards sur moi. Je m’assois sur mon séant et leur adresse un mielleux « miaou ». Y mettant le ton plaintif parfaitement adapté à l’innocence même.
Une moue sceptique sur leurs visages prouve que j’ai atteint mon but.
- Allons Hugo. Un chat ne peut pas jeter quoi que ce soit. Il n’a pas de main.
L’autre humaine lui caresse la tête avant de le pousser dehors.
- Laisse nous quelques instants, on doit vérifier quelque chose.
La porte fermée. Plus d’échappatoire.
- Ne t'inquiète pas, cela ne te fera pas mal. Lance la nouvelle venue.
- Elle ne peut pas te comprendre Magali.
Piquée au vif. Je saute sur la table à côté de l’autre humaine. Je vais lui montrer que je n’ai pas de maître.
Je m’assois sur mon séant et lève la tête en un port royal. En attente.
- Tu sais Alexandra, de nombreuses études montrent que les chats sont beaucoup plus intuitifs que les humains. Tu as travaillé suffisamment de temps avec nous pour te rendre compte que les animaux sont très intelligents.
Tout en parlant, la rouquine allume son appareil et le passe au-dessus de mon cou, puis scanne tout mon corps sans qu’aucun son ne sorte du boitier.
- Tu vois, reprend-t-elle, on dirait qu’elle sait exactement ce que nous faisons. Elle a peut-être déjà subi une authentification. Tu me permets de regarder tes oreilles ?
C’est à moi qu’elle parle ? Sérieux ? Elle me demande la permission ?
La jaugeant de mes grands yeux or, je baisse les paupières comme pour un accord muet.
- C’est dingue ! On dirait qu’elle comprend. Glapit la mère des monstres.
Avec délicatesse, la rousse, après avoir posé son appareil regarde l’intérieur de mes oreilles.
Je me crispe au contact humain mais sa douceur et sa chaleur me sont presque agréables.
- Je confirme. Pas de tatouage ni de puce. Il sera impossible de dire si elle a un maître ou pas.
La voilà qui dégringole dans mon estime. JE N’AI PAS DE MAITRE !
Estimant que le jeu a assez duré, je saute sur le dossier d’une chaise et rejoins mon perchoir.
- On dirait qu’elle a adopté le haut de l’armoire. Je te conseille d’y mettre une couverture. Elle sera à l’abri des jumeaux.
Comme elle me comprend. C’est vraiment la moins stupide des deux.
- MAMAN ! Hugo mange tous les gâteaux !
Et voilà c’est reparti !
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