Chapitre 6

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L’après-midi suivant, je reçus un message de Michaël sur mon téléphone :

— Alors l’avocat ?

Je préférais l’appeler pour lui expliquer de vive voix, mais ce n'était pas franchement une bonne idée, on finit par se disputer au téléphone. Il hurla :

— Tu fais tout derrière mon dos, me dit-il, on n’avait jamais parlé d’avocat ! Tu ne prends des initiatives que pour divorcer, tu devais t’occuper des dettes mais même pas tu l’as fait ! Tu projetais tout ça, j’ai des preuves !

Je répondis qu'il connaissait parfaitement les raisons pour lesquelles j'avais demandé le divorce.

— C’est parce que je t’ai frappé c’est ça ? me dit-il

— Oui c’est pour ça ! répondis-je.

Mais mon discours était confus, je n’arrivais pas à m’exprimer quand il était à côté de moi ou quand j'entendais sa voix au téléphone. Il me réclamait également une pension pour Lara qui avait décidé de rester chez lui, et quand je lui demandais si lui m’en aurait versé une si elle serait venue chez mes parents avec moi me répondit :

— Bien sûr que je te l'aurai versé !

Il ajouta également que le fait de frapper son conjoint n’était pas motif de divorce mais une crise qu’un couple devait surmonter. Par la suite, je ne sais pas ce qu’il me prit, je lui dis que également d’après ma psychologue se quitter était la meilleure solution, car c’était allé trop loin entre nous et la situation ne ferait qu’empirer, il me rétorqua que c’était impossible.

— Va la voir ! lui criais-je, tu verras !

Il se mit en colère :

— Elle a retourné sa veste ! Alors pourquoi elle m’a dit que je n’avais rien à me reprocher, et que c’est toi qui devait faire tous les efforts dans le couple, elle te manipule ! Elle a mal pris le fait que je sois jamais allé à son rendez-vous ! Je te ferais la misère jusqu’à la fin de tes jours si tu continues !

(J'ai lu quelque part que les manipulateurs ne se présentent jamais au troisième rendez-vous avec un psy, je ne sais pas si c'est vrai. Coïncidence ou pas, c'est exactement ce qu'il s'est passé avec Michaël)

Le jour suivant, Lara me fit une requête un peu particulière. En effet quelques jours plus tôt, j’avais demandé aux filles si elles accepteraient de prendre un rendez-vous avec ma psychologue pour une consultation. Ce jour-là, elles m’avaient répondu par l’affirmative. Au téléphone elle me dit :

— J’avais pensé à quelque chose, je veux bien aller voir une psy mais pas la même que toi, quelqu’un de neutre qui ne connaît pas mon histoire.

À ces mots, je crus entendre les mots de son père, j’avais l’impression que c’était lui qui parlait derrière l’appareil.

— Pourquoi ? Elle nous a déjà rencontré papa et moi, ce serait plus simple.

Elle répondit :

— Justement, c’est pour ça, quelqu’un qui ne nous connaît pas. Et c’est papa qui choisit mais c’est toi qui paye.

Elle raccrocha. Je fermais les yeux un instant, j'essayais de trouver les mots. Michaël manipulait ma fille aussi. Après avoir réfléchi j’envoyais un message à Lara :

— Si c’est moi qui paye, alors je choisirais une psy mais d'accord, ce ne sera pas la même que moi.

La réponse que je reçus me confirma de qui venait cette idée :

— C’est bon papa paye.

Souvent Michaël m'appelait pendant que nous étions en balade avec les filles. Nous nous disputions au téléphone à chaque fois, je pense que tout ceci était sûrement fait exprès pour me déstabiliser, et pour que nous passions une mauvaise journée avec elles. Il affirmait, à qui voulait l'entendre, que nos filles ne voulaient plus me voir parce que j'avais « abandonné » ma famille. Pour prouver le contraire, j'inondais les réseaux sociaux de photos de nous trois au restaurant, en promenade ou faire des folies capillaires. Un jour de marché je vis Sophie, une de nos amies. Elle me raconta que pendant qu’elle déjeunait au bar du village, elle y croisa Michaël qui se pavanait et criait à tous que je ne voulais payer aucune de nos dettes et que son avocat lui avait lancé :

— Rira bien qui rira le dernier.

Elle me dit aussi avoir eu une petite altercation avec sa sœur à notre sujet, car celle-ci n’ayant aucune version de ma part, se contenter de croire tout ce que racontait Michaël au village. Pendant que nous parlions, Lara et Sonia la nouvelle « amie » de Michaël s’approchaient de nous. Elle fut surprise en me voyant. Elle eut un mouvement de recul mais elle fut encore plus surprise lorsque je lui tendis la joue pour lui faire la bise, car nous nous connaissions depuis longtemps. Peut-être avait-elle cru que je ferais un scandale en la voyant, ou autre puisque Michaël racontait un peu partout que c’était moi la « méchante ».


Mes parents habitaient la ville voisine. Un jour je voulus aller me promener dans le village où nous vivions avec Michaël et quelle ne fut pas ma surprise, toutes les personnes m'ont tourné le dos, aucune d'entre elles ne m'a salué. J'eus l'impression d'être une pestiférée.


La question « est-ce moi la méchante » me revenait sans cesse en tête. J’expliquais à ma psychologue le doute que Michaël avait réussi à installer en moi.

— Il faut que vous le voyez le moins possible, m’avait-elle répondu, que vous régliez au plus tôt cette histoire de divorce. La prochaine fois que vous irez chercher votre fille, n’y allez pas seule, mais avec quelqu’un de neutre car il est très impulsif, on ne peut pas prévoir quelles seront ses réactions. Je rétorquais que j’aurai bien voulu que cette situation se termine au plus vite.


Je trouvais finalement un petit logement mi-novembre, dans un immeuble en centre ville, non loin de mes parents. Je retrouvais enfin le plaisir de se sentir chez soi, c'était minuscule, mais Angelina me repetait souvent cette phrase :

— Il vaut mieux un petit chez soi qu’un grand chez les autres. Je tombais par hasard sur une citation du Petit Prince : « C'est une folie de haïr toutes les roses, parce qu'une épine vous a piqué... » et je fis un rêve une nuit dans lequel je hurlais sur une gouvernante qui s'appelait « Rose ».

— Rose, Rose, pourquoi ne veut-tu pas m’entendre ? Pourquoi ne m’écoutes-tu pas ? Un homme ne doit pas frapper sa femme, non, Rose écoute-moi, lui hurlais-je dans mon rêve. Il ne doit pas lui faire du mal.

Je ne me souviens plus des paroles exactes que je prononçais, je vis dans mon rêve, mon interlocutrice fondre en larmes et replonger dans ses souvenirs, son mari l'avait frappé une fois de plus.

(Ceci est l'explication de mon pseudo ici. Un jour je jouais à anagrammer mon prénom et celui des filles et de là, « Rose Maclin » est sorti, je trouvais qu'il concordait parfaitement avec le reste.)

Ce rêve me perturba beaucoup et encore plus ce qui se produisit par la suite. J’étais en promenade avec les filles et je dis à Lara de transmettre un message à son père, un numéro m’appelait fréquemment pour le joindre, au sujet d’une télé qu’il aurait acheté. Elle me répondit qu’elle allait l’appeler de suite sinon elle oublierait. De l’autre côté de la ligne Michaël dit à Lara qu’il voulait me parler. Je fus surprise mais pris l’appareil, et après lui avoir expliqué ce que me voulait ce numéro, il me demanda de but en blanc :

— Tu accepterais qu’on aille voir ta psy ensemble ? Parce que il y a pleins d’amalgames de choses qu’elle ne comprend pas. Elle m’a dit qu’elle aussi était surprise, elle ne penserait pas que tu prendrais cette décision de divorcer.

J’étais sous le choc, c’était quoi encore cette histoire ? Je rétorquais que cela était impossible car en tant que psychologue elle n’avait pas à donner son avis personnel. Il me fit sortir de mes gonds et je me mis à hurler les mêmes phrases que dans mon rêve lorsque je criais à la gouvernante :

— Tu m’as frappé, un homme ne doit pas lever la main sur sa femme ! Tu ne te rends pas compte que j’avais envie de te tuer tous les jours après ce que tu m’as fait ! Il me répondit :

— Pourquoi tu ne l’as pas fait ? Je t’ai tendu un couteau, pourquoi tu ne me l’as pas planté ? Ma vie n’a plus aucun sens !

Nous en étions venus à parler de mon amie Ana

— Elle perd rien pour attendre celle-là, elle a tout fait pour nous séparer, elle disait vouloir nous aider mais c’est à cause d’elle qu’on s’est séparés, je lui faisais passer des messages pour qu’elle te les répète mais elle n'a même pas fait son travail ! criait-il.

Encore une fois il ne semblait pas comprendre ce je lui reprochais. Je raccrochais et repris le volant pour rentrer chez moi. Cinq minutes après mon arrivée, il me rappela à nouveau en pleurant et rabâchant qu’il n’avait aucun souvenir du vingt six décembre dernier, et qu’il serait prêt à entamer une thérapie ensemble pour ses excès de colère. Il pouvait faire des séances d'hypnoses si je le désirais, pour qu’il puisse s’en rappeler. Il pleurait :

— Rentre à la maison s’il te plaît, rien n’est plus pareil depuis que tu es partie, ma vie est finie, je ferai tout ce que tu veux.

Il me perturbait avec son flot de paroles.

— Comment veux-tu que je passe au-dessus de ça ? lui répondis-je. Tu m’as tabassé pour la troisième fois, et la prochaine ce sera quoi ?

— Mais ça ne se reproduira jamais, on va faire une thérapie c’est toi qui ne veut pas faire d’efforts ! Ce n’est pas une raison pour se séparer, des tas de couples se tapent et se battent tous les jours, ce n’est pas pour autant qu’ils divorcent !

Je ripostais que je ne voyais pas ma vie de couple ainsi. Il insista de nouveau sur le fait que j’avais « abandonné » ma famille et que de toute façon c’est beaucoup plus facile pour moi d’aller de l’avant. J’avais les larmes aux yeux et je fondis en larmes.

— Non, c'est faux ! Tu crois vraiment que c’est plus simple pour moi. Je vis dans un appartement qui est aussi grand que la chambre de ma fille, j’ai du mal à payer mon loyer avec mon petit salaire !

Voici ce qu’il ne faut surtout pas faire en face d’un manipulateur : Ne lui confiez jamais vos faiblesses. Ils ne supportent pas est que l’on puisse s’en sortir sans eux, ils nous rendent dépendant et nous font croire que la vie serait impossible seuls.

— Et puis, ajouta-t-il, tu travailles beaucoup moins d’heures que moi, tu pourrais prendre les filles plus souvent !

Lorsque je lui répondis que j’avais proposé à Lara maintes fois de venir chez moi, il rétorqua aussi sec :

— C’est normal chez toi ce n’est pas chez elle !

À bout de souffle à force d'entendre d'autres inepties, je lui répondis que de toute façon je ne prendrais aucune décision avant mon rendez-vous qui se tenait la semaine suivante chez ma thérapeute. Je lui demandais de ne pas m’appeler avant ce jour-là, ce à quoi il consentit.

— Mais c’est toi qui me rappelle, ajouta-t-il.

Je n'eus même pas la force et de me déshabiller de me doucher, ce fut impossible, je gardais mon blouson dans le lit, je dormis très mal mon corps n'arrêtait pas de trembler, et j'eus très froid toute la nuit. Impossible non plus de me réchauffer.

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