Chapitre 1
Dans la forêt calédonienne, en l’an 1213 :
On dit qu’il y a longtemps, une femme vivait dans les entrailles de ces bois comme les ténèbres qui se seraient logés dans une lumière la plus pure. Rejetée, elle était. En ce temps, les racines des pins étaient profondes et les cimes étaient grandes. L’ombre qui recouvrait ce lieu l’étouffait, lui disait de partir, ce qu’elle ne fit pas. Elle se munit d’une hache, mais avant celle qu’on nomma Alice concocta une potion ; versa ce liquide sur cet arbre. Dès lors, la légende raconte que ce pin se vida de son essence et ses frères pleurèrent sa disparition durant des siècles.
Avec ces troncs, l’exilée marqua son territoire, ceux-ci servirent de fondations et elle profita de la clémence de l’été en construisant un toit de chaume. Elle avait bâti ce qu’on appelle un cottage à l’heure où j’écris ces lignes. Alice résidait dans une seule pièce, à gauche, elle avait placé son atelier de potion à la fois médicinale ou venimeuse. Sur la droite se trouvait son lit fait en peau de loup qu’elle avait empoisonnée dans leur sommeil.
Dans la pénombre, à côté de la table, se cachait son familier. Celui-ci ne s’exprimait pas, ses yeux globuleux observait sa chevelure rousse lorsqu’elle était de dos. Chose étrange, il refusait toute eau et repas chaud, le seul aliment qu’il acceptait : le lapin.
Ses yeux avaient rarement gouté au soleil, il le considérait avec haine. Malgré cette faible constitution, la nuit annonçait une balade sous les pins, éclairé par la lune, qui au contraire le considérait avec respect. Par-dessous tout, il aimait écouter le bruit du ruisseau et rentrait en rampant comme toujours.
Rien ne se passa durant les trois hivers, personne ne vint les déranger. C’est alors que dans un blizzard de l’hiver 1216, une rencontre inattendue se fit.
Hiver- 23 novembre 1216 :
Cet hiver fut marqué par un blizzard, le cruel hiver avait déversé sa colère profonde sur les hommes. Une tempête du bord du monde, là où on gèle et meurt si on quitte le refuge. Voilà ce que c’était. Cependant, ce jour-là Alice se réchauffait et entendit du bruit. Elle crut halluciner et être sujette à une maladie. Le bruit s’intensifia, cela ressemblait fortement à quelqu’un de perdu, cherchant un abri. « Impossible » se disait-elle, pourtant les coups s’intensifiaient. Entre ces coups et le blizzard, elle distingua un aboiement.
Alice entrouvrit la porte, « un loup ? » s’étonna-t-elle. Ce loup gris n’était que la première de ses surprises. Son regard baissé, elle vit un homme à l’agonie, il ne semblait pas être adapté à cet environnement : Un simple capuchon recouvrait son corps, pas de fourrure. Dans ses crocs, il tenait fermement un bâton, qui à son extrémité, était symbolisé par un cerf. Elle laissa rentrer le loup, qui se prélassa près de son familier, contrairement à lui, il était sur la défensive. Elle posa le sac de voyage de cet étrange homme près de son lit avant de le porter.
« Ce loup est dangereux, il n’est pas ordinaire » songea-t-elle, se tenant à l’écart de celui-ci. Malgré cette pensée, elle s’attela à aider cet homme dans ces temps difficiles. Il était frêle mais poilu. Alice s’interrogea grandement, comment une personne de cette constitution a-t-elle bravée ce temps. Ce n’était pas le moment pour les questions, il était entre deux mondes. Elle prépara un remède pour le réchauffer et fit effet. Ce qui arriva ce jour-là fut un miracle car en moins d’une heure il se réveilla. Avant qu’elle ne pût s’émerveiller, l’homme dit :
— Toi Alice la sorcière, je te remercie. Cette ancienne amie m’a à nouveau privée de ses substances malgré la présence de Bleizh. Il m’a sauvé me menant jusqu’à vous. Je suis Myrddin, fit-il en clamant son nom et se leva en prenant ses affaires.
— Votre loup ? protesta-t-elle, comment vous a-t-il mené à ma demeure ? Pourquoi connaissez mon nom ? Vous ont-ils mené à moi, reculez ! S’exclama-t-elle en l’agrippant.
Sans flancher d’un cil, il rétorqua :
— Je ne suis qu’un vagabond, votre demeure n’est qu’une étape sur ma route. Je suis reconnaissant de votre hospitalité mais je me dois de reprendre la route.
Perturbée, elle dit :
— Comment comptez-vous survivre dans cette violente nature ?! Regardez-vous ! Seulement un capuchon.
— Je m’en excuse, c’était trop tôt, je partirai à l’arrivée du printemps. Il m’arrive de mélanger les phrases avant qu’elles aient lieues.
Perplexe, une fois encore, elle demanda :
— Que voulez-vous dire ? s’exclama-t-elle en reculant, qui êtes-vous ?
Tout d’un coup l’homme se mit à rigoler. A ce moment-là, il n’est pas clair pourquoi cet homme rigola.
« Pourquoi » Lâcha Alice
L’homme du nom de Myrddin n’avait que faire que de sa présence, il observait la créature et celle-ci le regardait avec ses yeux globuleux.
Il lui marmonna, à son hauteur :
— De la terre nous naissons
Bon ou mauvais
Un nom doit être donné
Malgré ces mots prononcés de manière sereine. Au fond de lui, l’homme ne pardonnait pas à Alice cet acte impardonnable et la colère ne tarda pas à se faire ressentir. Il clama que même les bannis du monde reçoivent un nom, les pires maux ont un nom mais cette « Créature » coincée au fond d’un cottage a été nommée Créature. En effet, c’était son nom et chaque être vivant mérite un nom qui lui correspond. Un nom est ce qui façonne un être, sans lui il n’est qu’un métal qui attend d’être forgé.
D’un regard incitant, il demanda :
— Où l’avez-vous trouvé ? Je sais qu’il vient d’en haut. Fit-il en levant la tête, Avez-vous déjà observée l’immensité de l’espace ? Tu es loin de chez toi, n’est-ce pas ?
— Qui êtes-vous ? fit-elle d’un ton déterminée.
Calmé, il répondit :
— Je vous l’ai dit. Je suis Myrddin, ni plus ni moins.
— Vous êtes têtu, cet échange ne nous mènera à rien, soupira-t-elle. Je vais vous le dire mais je n’oublie pas ma question, elle reste dans un coin de ma tête. Tout commença lors d’une cueillette de champignons quelques hivers auparavant. C’était la nuit et je vis dans le ciel : un météore. Curieuse, je courus jusqu’au cratère. Surprise, j’ai trouvé cette créature d’un autre monde. Depuis ce jour, je l’ai recueillie. Il se cache dans la pénombre et ne s’hydrate pas.
Myrddin se remit encore à son niveau, les yeux dans les yeux :
— Bonjour toi, l’infinité de l’espace a dû te faire peur. Tu es la seule personne que je ne comprenne pas : Moi, parlant les langues de ce monde. Avant de se connaitre, que dirais-tu de te donner un nom ? Je te propose : Arthur. C’est un hommage à un vieil ami, juste et sage.
Ce jour froid et étrange naquit un nouveau nom, il n’était plus défini par sa fonction. Il lui fit répéter Arthur lettre par lettre et lui dit : « C’est ton nom à partir d’aujourd’hui ».
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