Chapitre 11
Chloé
Me voilà à Lion-sur-Mer. Il fait beau, il y a un peu de vent. La plage est belle, assez longue, bordée de jolies villas. Ca a un petit air de Cabourg ou de Deauville, en beaucoup moins tape-à-l'œil et beaucoup moins friqué. Je ne pense pas que Bastien et Joséphine habitent en bord de mer. Je les imagine plutôt dans le village. Joséphine m'a dit qu'ils vivaient dans une petite maison avec un petit jardin. Mais qu'ils n'étaient pas loin de la mer. De toute façon, ici, à Lion, on n'est jamais loin de la mer...
Pour ceux qui ne connaissent pas, ces plages font partie de ce qu'on a appelé Les plages du Débarquement, depuis l'embouchure de l'Orne jusqu'au-delà de l'embouchure de la Vire. Celle de Lion fait partie de Sword Beach. C'est là que des troupes britanniques et aussi le commando Kieffer, les 177 soldats français issus des troupes spéciales formées notamment en Ecosse, ont débarqué le 6 juin 1944. De toute façon, sur toute la côte normande, dans les alentours, il est impossible d'oublier ou de feindre d'ignorer que c'est là qu'a eu lieu le Débarquement. Chaque commune possède sa statue, son char américain, son mémorial, son petit musée, son cimetière (américain, anglais, canadien, voire allemand). On est en plein dedans. On vit encore avec ce souvenir.
J'ai grandi à la campagne, mais on allait "à la mer" régulièrement l'été. Et depuis que je me suis installée à Caen, pour mes études, j'y vais très souvent. Si j'ai jeté mon dévolu sur Courseulles, c'est un peu par hasard. C'est aussi une des rares plages sur laquelle je ne me suis pas promenée avec Denis. Et je préfère oublier tout ce qui a trait à Denis, tout ce que j'ai fait avec lui. C'est du passé, il ne faut plus y songer. Donc Courseulles me convient très bien. En même temps... on n'a jamais non plus été à Lion-sur-Mer, ni à Hermanville.
Je n'ai pas emmené le chien avec moi, en cette saison, j'évite de l'emmener sur la plage, il y a des familles, des enfants... Il n'est pas méchant, mais c'est une question d'hygiène. Je suis la première à râler quand je vois des gens laisser sur le sable les déjections de leurs chiens. C'est dégoûtant. Et ça donne une mauvaise image des animaux et de leurs maîtres. Bref, voilà, je n'ai pas pris Snowdon avec moi. J'hésite un peu pour m'installer : en haut de la plage, appuyée contre le mur ? Au milieu pour être visible ? Sur le côté pour me la jouer plutôt discrète ? Merde. Qu'est-ce qui m'a pris ? Qu'est-ce que je vais leur dire si je les croise ? Désolée, Bastien, mais j'ai du mal à oublier ton regard et ton sourire depuis samedi dernier. Et j'avais bien envie de continuer à discuter avec Joséphine qui m'amuse beaucoup. Et puis j'ai envie de sentir ton regard sur moi. Mais pas seulement. Il m'en vient de ces idées depuis samedi...
Bon. Je respire un grand coup et finalement, j'opte pour un coin discret plutôt vers le haut de la plage. Elle est plus longue qu'à Courseulles, il y a plusieurs accès. J'espère que je les verrai quand même. C'est idiot, j'aurais dû demander son numéro de téléphone à Bastien. Mais bon, il aurait deviné que j'étais intéressée... c'est chiant, c'est toujours chiant ce moment-là. On fait un pas, on ne le fait pas ?
L'après-midi s'avance. Je me suis baignée. Elle est encore fraîche, mais c'est agréable. Vivement l'été. J'ai amené des cours, pour bosser. Je commence ma dernière session d'examens mercredi. Je me plonge dans ma lecture, en jetant de fréquents coups d'œil autour de moi. Je me suis installée dans la partie la plus fréquentée de la plage. Mais j'ai l'intention aussi de marcher le long de la grève, dans l'eau, pour aller plus vers l'ouest, là où il y a moins de monde. Mais bon, même sans jumelles, je ne repère aucun beau jeune homme avec une petite fille délurée.
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