Chapitre 35
La semaine qui s’écoule est vraiment difficile. Pour commencer, les profs et le personnel continuent de nous faire payer cher notre tentative d’évasion : chaise avec gode, cours plus condensé donc plus difficile à supporter, maltraitances en tous genres et rations réduites à la cantine. Les deux seuls apprentis soumis épargnés sont Quentin et Emma qui eux, n’ont pas essayé de fuir. Pour nous autres, la vie se rapproche chaque jour un peu plus de l’enfer.
Mais si nous nous souffrons, j’ose à peine imaginer ce que ressent madame Noblet. Elle débarque tout juste et n’a pas eu le temps de s’habituer aux méthodes de cette école, ce qui lui vaut très régulièrement des punitions. Et à ces punitions s’ajoutent les cours ainsi que les rattrapages qu’elle doit effectuer puisqu’il lui manque tout un trimestre. Son corps est moins souple et moins enclin que le nôtre à recevoir cet “enseignement“ et la souffrance transparait dans chacun de ses gestes. Mais elle est d’un incroyable courage et je ne l’ai encore jamais entendue se plaindre.
Madame Noblet et moi passons beaucoup de temps ensemble. Elle était ma prof en prépa et je devrais sans doute me sentir gênée de la voir presque nue et dans des circonstances si humiliantes. Tout comme je devrais me sentir gênée qu’elle me voie ainsi. Mais entre nos khôlles communes, les cours et les heures à l’internat, j’ai choisi de passer outre très rapidement. Elle a besoin d’aide et je suis bien décidée à la soulager au maximum. Je passe donc de nombreuses heures avec elle pour l’aider à rattraper son retard, lui parler de la vie dans l’école et surtout l’aider à accepter ce qu’elle subit afin d’éviter au maximum les punitions. Je vois bien que ma servitude la gêne et je me déteste de jouer ce rôle auprès d’elle. Mais après deux tentatives d’évasion, une tentative pour demander de l’aide et de trop nombreuses punitions, je sais que toute résistance est vaine et douloureuse. Je ne renonce pas à quitter cet endroit mais il faut un plan solide. Résister par amour propre est inutile et n’engendre que de la douleur que l’on pourrait éviter. C’est d’autant plus vrai que madame Notat semble prendre un vrai plaisir à punir mon ancienne prof. Les deux femmes se détestent cordialement…
Le jeudi a été particulièrement atroce. En effet, ce jour est celui où nous devons marcher à quatre pattes toute la journée. Bien qu’elle accepte la plupart de mes conseils, cette fois ci madame Noblet a refusé tout net.
J’ignore ce qui a été le pire dans cette journée : voir dans le regard de mon ancienne prof la pitié et la tristesse lorsque j’ai tenté de la convaincre de nous imiter, la voir être fouettée en anglais pour avoir refusé, avoir vu le prof d’anglais lui imposer des genouillères qui l’obligent à rester à quatre pattes ou entendre les commentaires humiliants de madame Notat lorsqu’elle a vu entrer madame Noblet à terre avec nous.
Malgré tous les conseils avilissants que je lui donne, madame Noblet ne me déteste pas et je n’ai pas l’impression de la dégouter. Avec Jade, Anaïs, Alice et Fabien, j’avais toujours l’impression d’être celle qui soutenait les autres. Et même si aider mes camarades ne me dérange pas, surtout dans une telle situation, je suis soulagée d’avoir madame Noblet à mes côtés. Nous nous soutenons l’une l’autre. Elle m’aide à faire le deuil d’Alice et est présente quand j’ai besoin d’une épaule sur laquelle pleurer. Quant à moi je suis là pour la réconforter et la soutenir quand l’école menace de la briser.
Le vendredi après-midi, notre séance de sport a été déplacée dans la cour, sur la piste d’athlétisme. En effet, des dizaines de dominants et dominas, accompagnés de leurs soumis, ont commencé à arriver dès le matin et ils utilisent le gymnase pour faire je ne sais quoi en prévision de BDSM Plus demain. Nous n’avons pas tellement parlé de cet évènement entre nous. Nous avons sans doute tous trop peur. Peur de voir à quoi va ressembler notre avenir si nous ne parvenons pas à nous enfuir.
Le samedi matin, c’est avec la boule au ventre que nous nous réunissons tous dans la cours. Madame Notat nous y attend et nous explique le programme de la matinée :
« A la bibliothèque sont réunis les dominants et leurs soumis. Ils ont pour rôle de vous présenter leur façon de faire. Vous y verrez notamment la présentation de maisons closes de luxe ainsi que différentes pratiques spécifiques. Vous devez passer par tous les stands et écouter chaque maître avec attention. A la fin de la matinée, un questionnaire vous sera remis. Celui ou celle qui obtiendra le moins bon résultat passera deux heures en salle de torture avec monsieur Pirot. »
Un frémissement parcour l’assemblée. Sans en tenir compte, madame Notat reprend :
« Vous avez deux heures à passer à la bibliothèque. Ensuite, vous irez au gymnase où nous avons installé une exposition de bondage. Enfin, je vous donne rendez-vous dans trois heures à l’amphithéâtre où nos anciens élèves, dominants comme soumis, prendront la parole jusqu’à midi environ. »
Jade et moi nous lançons un regard accablé. La simple idée des quatre heures qui nous attendent me font frémir d’effroi.
Jade, Fabien, Anaïs, madame Noblet et moi nous dirigeons donc vers la bibliothèque. Nous avons choisi de rester groupés et de voir l’horreur ensemble.
Nous commençons par l’étage où sont présentées quelques maisons closes de luxe. Les dominants qui présentent cela ont ramené beaucoup de photos et de vidéos et prennent plaisir à nous expliquer les choses avec moult détails pour le simple plaisir de voir la peur sur nos visages.
Chaque exposé est affreux bien entendu mais deux m’ont particulièrement terrifiée.
Le premier est un bordel dans lequel les clients ont pratiquement tous les droits sur les soumis à condition de ne pas les blesser trop grièvement. Les soumis vivent dans de minuscules chambres la journée et la nuit ils doivent revêtir un costume aussi ridicule qu’aguicheur. Ils doivent alors circuler au milieu des clients et de leurs mains baladeuses jusqu’à ce que l’un d’eux décide de passer du “bon temps“. Après cela, le client peut noter le soumis selon trois pastilles : vert, jaune et rouge. Si c’est vert, le soumis à parfaitement répondu aux exigences de son client et peut recommencer avec le suivant. Si c’est orange, le soumis est emmené dans une salle remplie de cages atroces et conçues pour être le plus inconfortable ou douloureux possible. Il en tire une au hasard et y est enfermé dix heures consécutives. Et si c’est rouge, le soumis n’a pas du tout plu au client qui peut alors choisir une punition selon un très large choix.
L’homme qui nous a fait la présentation nous a montré de très nombreuses vidéos. Sur l’une d’elle, une femme se tient parfaitement droite au milieu d’une cage extrêmement étroite. Le moindre contact avec les barreaux lui envoie un coup de jus visiblement très douloureux. Pour lui compliquer la tâche, un vibro a été placé sur son clitoris. Une autre vidéo nous présente une femme ayant écopé d’une pastille rouge. Le haut du corps enfermé dans une caisse mais les parties intimes exposées à la vue de tous, elle est placée au milieu de la salle principale où les clients profitent d’elle comme ils le veulent.
La deuxième maison close est tout aussi affreuse. Celle-ci a été construite selon le modèle d’une maison hantée. Non seulement les soumis doivent répondre aux exigences des clients mais en plus, une partie d’entre eux font partie du décor. Chaque pièce à son propre thème et les soumis sont alors entravés en fonction de ce thème : inquisition médiévale, tueur en série, zombies, monstres…
Pire encore, l’homme faisant la démonstration a ramené avec lui son “chef d’œuvre“ comme il l’appelle. Il s’agit d’un sarcophage en verre. A l’intérieur, une femme est entièrement momifiée. Ses gémissements étouffés ainsi que ses spasmes montrent qu’elle est soumise à l’action d’un vibro ou d’un gode.
« Elle est dedans depuis que nous l’avons achetée il y a un an. Aveugle et impuissante. Nous la nourrissons avec une paille une fois tous les jours. Les clients peuvent choisir la force du vibro ainsi que la vitesse de pénétration du gode. »
L’homme s’est alors tourné vers Jade :
« Elle est belle certes, mais ce n’est pas exactement la silhouette que nous recherchions. Toi par contre, tu as vraiment le corps parfait pour ce rôle. Quel dommage que nous n’ayons pas plus de temps, j’aurais adoré tester ce sarcophage avec toi. Peut-être pouvons-nous t’avoir pour ton stage. Et si comme je le pense tu conviens, on pourrait t’acheter … »
A ces mots, mon amie est devenue blême de terreur.
Mais je crois que le pire dans chaque présentation, ce sont les derniers mots que nous adresse chaque exposant :
« Peut-être à bientôt… »
Jamais je n’ai autant pris conscience du fait que je pourrais finir en maison close, à satisfaire des plaisirs vicieux pour le restant de mes jours.
Le rez-de-chaussée est tout aussi affreux. Une quinzaine de dominants et leurs soumis sont répartis dans la pièce. En trainant les pieds, nous nous approchons des tables les unes après les autres pour écouter ce que ces cinglés ont à nous dire.
J’ignorais ce que voulait dire madame Notat par “pratiques spécifiques“. Maintenant je sais… Dans un coin, deux soumises sont par terre, à quatre pattes, avec des accessoires rappelant les chiens : fausses oreilles au sommet du crâne, plug anal terminé par une longue queue ainsi que des gants en forme de patte de chien, sans doigts et donc interdisant toute prise. Chacune porte un collier sur lequel est gravée leur nouvelle identité (Roxy et Choupette). Sous les ordres de leur maître, elles ont mangé dans une gamelle, rapporté la balle et fait quelques tours. Devant ce spectacle, madame Noblet s’est discrètement emparée de ma main, terrifiée.
Ailleurs dans la salle, une femme a subi une régression. Elle porte des couches, boit des biberons et les photos d’elle montrent que son maître l’oblige à vivre en permanence comme un bébé : tétine, chaise haute, lit à barreau… Ce malade a même fait opérer sa soumise pour lui retirer toutes les dents afin qu’elle ne soit plus jamais en mesure de manger des aliments solides.
Partout dans la salle, où que nous posions les yeux, une nouvelle horreur nous attend : tatouages avilissants, vêtements atroces en cuir ou en latex, piercings dans les endroits les plus douloureux, marques au fer rouge comme pour le bétail… Et le pire, la servitude totale de toutes ces femmes et ces hommes qui semblent avoir accepté leur sort. Voilà ce qui nous attend : transformations physiques et asservissement total.
Dans un an, je ferais peut-être partie de ces gens et ma situation terrifiera une autre jeune femme qui espère encore pouvoir s’enfuir…
J’observais avec horreur une soumise ayant la bouche cousue lorsque des éclats de voix ont commencé à retentir quelques mètres plus loin.
Je me suis discrètement approchée de la foule réunie en cercle autour d’un couple cinquantenaire. Chacun d’eux tient en laisse une jeune femme agenouillée et enchainée.
Face à eux se tient Quentin.
Malgré les murmures autour, j’entends le jeune homme supplier le couple de le sortir d’ici. Pendant un instant, je ne comprends pas. Puis tout à coup, je me rappelle. Quentin m’a affirmé un jour que ses parents étaient des dominants s’étant rencontrés dans cette école. Ce sont donc eux… La vision me donne la nausée…
La femme avance vers Quentin et le gifle si violemment que le garçon tombe au sol, les larmes aux yeux. Je n’entends pas ce qu’elle lui dit mais je vois le visage de l’apprenti soumis se décomposer.
La domina lève de nouveau la main. Sans réfléchir, je me porte en avant et ordonne d’une voix forte :
« Arrêtez ! »
Tous les regards se tournent vers moi. Je déglutis difficilement mais il est trop tard pour regretter mon geste.
Quentin m’observe avec ahurissement, se demandant probablement la raison de mon interruption. Moi aussi j’ai un peu de mal à comprendre. Après tout, ce garçon était prêt à nous dénoncer lorsque nous préparions notre évasion. Mais malgré tout cela, je ne peux m’empêcher de repenser à ses larmes lorsqu’il m’a expliqué que ses parents étaient d’accord pour qu’il devienne soumis. Chacun de nous souffre mais je pense que pour lui c’est pire : il n’a pas été enlevé, il a été trahi par les personnes qui sont censées être sa famille.
La mère de Quentin s’approche de moi, sourire aux lèvres :
« Plait-il ? Depuis quand une simple soumise se permet d’elle de donner des ordres à des dominants ? »
Je n’ai pas le temps d’ouvrir la bouche pour répondre qu’une gifle retentissante me déséquilibre. Je parviens à rester debout mais la force de la frappe est surprenante. Une seconde gifle suit immédiatement et cette fois ci, je suis obligée de mettre un genou à terre.
La femme sort de son sac une longue et fine chaîne.
« Oh non… »
Mon murmure n’est audible que par moi tant ma voix est brisée par la peur. La chaîne n’a rien d’ordinaire : des pointes métalliques aiguisées sont placées à intervalles réguliers. Cette folle veut m’enchainer avec une sorte de barbelé épais…
J’envisage un instant de fuir mais pour aller où ? La pièce entière est remplie de dominants qui n’attendent qu’une chose : voir ma punition.
La femme se penche à mon niveau et me sourit :
« On va faire ça bien serré pour que tu en profites à fond ! »
Elle passe dans mon dos et pose sa chaîne au-dessus de ma poitrine. Je sens les dents métalliques entamer légèrement ma peau.
« Place tes bras dans ton dos. »
Je m’exécute avec lenteur. Sur ma droite, je croise le regard terrifié de Jade.
Alors que la domina s’apprêtait à serrer, une voix l’interrompt :
« Un instant je vous prie. »
Madame Notat apparait dans mon champ de vision.
J’ignore si je dois m’en réjouir ou non. Certes pour le moment je ne suis pas enchainée avec ce barbelé. Mais je ne suis pas sauvée pour autant. En effet, je sais d’expérience que l’enseignante est réellement sadique lorsqu’elle le souhaite.
La mère de Quentin se relève pour faire face à madame Notat. Cette dernière, très polie, commence :
« Je vous prie de pardonner mon interruption. Mais cette apprentie soumise fait encore partie de notre école. Il nous revient donc de la punir. »
La domina jauge l’enseignante du regard, visiblement partagée entre le respect qu’elle doit à madame Notat et son désir évident de me punir. Finalement, elle finit par sourire :
« Naturellement. Cela dit, puisqu’elle m’a ouvertement manqué de respect, j’estime avoir le droit de la bâillonner comme je l’entends. »
Madame Notat hoche légèrement la tête sans se départir de son sourire :
« Cela me semble juste en effet. »
La femme range son abominable chaine et à la place, sort un bâillon d’aspect effrayant : un long et large tube caoutchouteux surmonté d’une plaque de cuir.
« Ouvre la bouche. »
Je suis tentée de lui désobéir mais un rapide coup d’œil à madame Notat m’en dissuade rapidement. J’ouvre donc docilement la bouche et la laisse m’insérer son tube. Ce dernier est si long qu’il descend dans ma gorge et me donne la nausée.
Lorsque la plaque de cuir appuie sur mes lèvres, la femme referme la boucle derrière ma tête et y appose un cadenas.
Avant de se relever, elle me gifle de nouveau. La force du coup me jette au sol ou je reste prostrée, craignant de nouveaux coups.
Mais rien ne vient et la foule se disperse.
Des mains douces se posent sur mon bras et la voix de madame Noblet me parvient :
« Tu peux te relever. »
Les jambes légèrement tremblantes, je me remets debout. Le tube caoutchouteux appuie sur ma gorge et me donne des hauts-le-cœur. Je peine à respirer et réprime la nausée à chaque mouvement.
Brusquement, le visage de madame Noblet se fige et je devine très vite qui vient d’arriver dans mon dos. Un instant plus tard, une main ferme se place sous mon menton et me le relève un peu. La position éloigne le tube de ma gorge et fait passer l’envie de vomir. Mais en contrepartie, je dois garder la tête levée dans une position inconfortable.
Je me tourne vers madame Notat en tachant de ne pas me montrer trop reconnaissante pour son intervention. Je sais qu’elle déteste cela.
« Je te veux à une heure de l’après-midi près du gymnase pour ta punition. »
Madame Noblet attend que l’enseignante se soit éloignée pour demander :
« Heu… Quelqu’un peut m’expliquer ce qu'il vient de se passer ? Qui sont ces gens au juste ? »
C’est Jade qui se charge de donner les explications à mon ancienne enseignante. Quand elle a fini, la femme arbore un visage dégouté et marmonne :
« Quel genre de monstre fait subir ça à son propre enfant ? »
Personne n’a de réponse. C’est donc en silence que nous continuons à passer de stand en stand.
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