Tu m'appartiens désormais
Ours est en train de chasser avec son chien. Il poursuit un élan blessé. Il entend au loin des cris. Vraiment très loin. Des hurlements d'enfants ou de femmes. Son chien aussi. D'ailleurs, le canidé fonce à toute allure vers l'origine des cris. Ours enfourche sa motoneige et suit son fidèle compagnon. L'animal se rue aussi vite qu'il le peut. Ours ne l'a jamais vu courir aussi vite. Alors, il appuie sur l'accélérateur pour ne pas le perdre de vue.
Il lui faut au moins quinze minutes avant que le demi-loup ne se stoppe. Ils sont parvenus à une clairière. Un bonnet gris est par terre. Son chien sniffe le sol et parcourt le lieu à la recherche d'indices olfactifs. Ours observe les traces. Beaucoup de traces de pas. Des traces de motoneige aussi. En cherchant une piste fraîche, Ours trouve un bout de tissu. Un bout de chemise. Il y a des traces de lutte. Des petites taches de sang qui rougissent la neige.
De la neige fraîche tombe drument et recouvre les empreintes. Le demi-loup s'élance dans une direction. Une direction inverse à celle de la motoneige. Ours monte sur son bolide et suit l'animal. La neige tombe de plus en plus. Une tempête se prépare. Il ne faut pas traîner. Le canidé n'est pas de cet avis. Ours aussi sent qu'il faut qu'il continue. Il ne sait pas pourquoi, mais il doit poursuivre sa recherche.
Par moments, il perçoit des traces de pas. Des petites gouttelettes de sang éparses. Il suit la piste de quelqu'un de blessé. Quelqu'un qui a du mal à marcher. Qui est désorienté. Parfois, lui ou le mi- loup perdent la piste. Ils patrouillent jusqu'à la retrouver. Cela fait plus d'une heure qu'ils cherchent sous la neige. Ils se rapprochent. Les traces sont de plus en plus fraîches. Le demi-loup est de plus en plus sur de la direction à prendre. Ours se hâte.
Un nouveau hurlement retentit. À quelques dizaines de mètres tout au plus. Ours tourne la tête aussitôt et aperçoit une silhouette humaine à terre. Face à un lynx qui se rapproche doucement de sa proie. Ours s'agenouille et vise. Le lynx bondit. Ours tire et touche la bête en pleine tête. La silhouette humaine reste immobile. Le chien et Ours se précipitent en courant dans la direction.
Lorsqu'il lui fait face, Ours reconnaît la fillette des voisins. Tétanisée de peur. Couverte de coups. À demi-nue. Il a peur de savoir ce qui lui est arrivé. La fillette est en état de choc. Incapable de bouger. Ses doigts sont bleus de froid. Elle est statufiée de terreur. Ours enlève son blouson et lui pose sur les épaules.
- Il....Je.. Traîneau.... Ville... Je...
Elle tient des propos incohérents. Elle semble à moitié folle. Ours ne sait pas grand-chose sur ce qui vient d'arriver à la jeune fille, mais il a compris qu'elle vient de se faire tabasser, sûrement par sa famille. Peut-être pire que des coups. Elle est gelée. Une violente tempête arrive. L'habitation la plus proche est la maison d'Ours. Il doit la protéger.
- Dans ma tribu, quand tu sauves la vie de quelqu'un, cette personne est ta propriété jusqu'à ce qu'il paye sa dette. Tu m'appartiens désormais.
C'est sûr, il aurait pu dire autre chose. Mais Ours et les discours, ça fait deux. Il prend la petite dans ses bras et la conduit au véhicule. Elle le suit comme un automate. Il l'a fait s'asseoir devant. Il ramasse le lynx et le pose sur le traîneau adjacent. Le mi- loup grimpe à côté de la bête au sifflement de son maître.
Ours ferme le blouson. Il met un de ses bras autour de la jeune fille pour la maintenir contre lui. Il démarre et rentre chez lui le plus vite possible. Les lèvres de la jeune fille sont bleues. Elle est en hypothermie sévère. Il doit la réchauffer rapidement. Alors il fonce.
Arrivé à sa demeure, il porte la fille qui n'a plus de forces. Il la dépose sur un canapé puis allume la cheminée. Ensuite, il lui retire le blouson. Les lambeaux de chemise trempés. Les chaussures congelées. Le pantalon durcit par la neige. Elle est en sous-vêtement devant lui. Il la frictionne avec une serviette. Elle a de nombreuses contusions. Lorsqu'il la frictionne, il a l'impression qu'elle a des côtes cassées.
Il la recouvre de plusieurs plaids et l'oblige à marcher et à bouger les doigts pour faire revenir le sang. Elle est trop faible. Alors, il lui place les pieds dans une bassine d'eau chaude. Il lui masse doucement les doigts en l'empêchant de s'endormir. Quand enfin les lèvres, les mains et les pieds reprennent une couleur normale, il lui apporte un bol de soupe chaude. Il lui fait boire à la cuillère. Comme pour un bébé.
Elle a toujours le regard vide. Elle est toujours en état de choc. Ours s'énerve. Qu'est-il arrivé? Il la berce contre lui. Elle finit par éclater en sanglots silencieux. Elle pose sa tête contre son torse et s'endort en tenant la chemise d'Ours avec ses petits doigts glacés. Il la porte dans son lit et la couvre. Exceptionnellement, il laisse Mi- loup grimper sur son lit pour réchauffer la fille.
Ours va ranger le salon. Il envoie un message par la cb à son père pour le prévenir de la présence et de l'agression de la fillette. Son père viendra demain matin avec le médecin. Ours garde les vêtements dans un coin. Il ressort pour ranger sa motoneige au garage et mettre le cadavre du lynx à l'abri avant la tempête. Il rentre enfin. Avale un morceau puis va se coucher en serrant la petite dans ses bras.
Elle est vraiment très belle. Sa peau est d'une douceur incroyable. Ours a peur de la blesser avec sa barbe dure. Il la caresse pour faire circuler le sang. Il l'admire. Ce n'est plus une fillette. C'est une jeune fille. Magnifique malgré sa maigreur et les coups qui font des taches violacées sur son corps. Un vrai petit bijou de beauté. Une très jolie jeune fille en sous-vêtements qui se colle contre lui pour lui voler sa chaleur.
Ignorant l'effet qu'elle lui fait, la petite endormie vient au plus près du corps d'Ours qui la laisse se blottir contre lui. Elle est si froide. Il la plaque contre lui d'une main dans son dos et lui caresse doucement les cheveux pour calmer le cauchemar qui la fait pleurer. Il lui parle doucement.
-CHUUUUUTTT Petit bijou. C'est fini. Tu es en sécurité. Je vais prendre soin de toi maintenant. Calme-toi.
Ours finit par s'endormir dans cette position.
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