Étoile sort de la pièce et va dehors pour se calmer. Elle y retrouve ses deux fils, Ours et Amarok, dans le même état qu'elle. Ils sont en train de frapper de malheureux arbres à coups de haches rageurs. Aucun doute pour elle, les bruits entendus sont des coups-de-poing dans le mur de leur part. Ils ont écouté le récit de la petite et fulminent de ne pas savoir quoi faire. Les voir lui permet de retrouver son calme et sa sérénité puis elle se charge de les apaiser également. La colère n'est pas bonne conseillère, là, il faut trouver une bonne idée.

Mr Toka finit par sortir à son tour. Il demande à sa femme de rester auprès de la fille. Il fait remarquer à Ours qu'il va falloir trouver un autre nom au quotidien. Rebaptiser cette pauvre enfant traumatisée afin qu'elle se reconstruise. D'abord, il faut mettre de l'ordre dans les papiers administratifs. Il ordonne à Ours de l'accompagner. Ils doivent aller faire une visite chez les plus proches voisins, la famille de cette malheureuse. Mr Toka appelle plusieurs habitants de bonne réputation et quelques anciens de la tribu. Il a besoin de témoins pour la suite des événements.

Ils se donnent tous rendez-vous à la maison. Écœurés, Mr Toka et son fils voient Jonathan agir comme si tout était normal. Personne ne semble inquiet de la disparition de la jeune fille. Ils sont tous les trois en train de déjeuner tranquillement au coin du feu et se régalent d'un bon rôti avec des pommes de terre, préparé la veille par l'enfant.

L'oncle s'étonne de cette délégation et adopte un ton et une attitude mielleuse. Il espère que tous ces hommes sont venus pour faire des réparations ou des travaux gratuitement. Il est fier de les manipuler à sa guise avec leur foutue solidarité entre voisins. Il les trouve si stupides. Si seulement il pouvait retrouver la civilisation et quitter ces rustres sans éducation qui le dégoûte, mais il manque d'argent.

Mr Toka ne sait pas comment aborder le sujet. L'oncle ne respecte pas les lois de la tribu. Il n'honore rien d'ailleurs et son attitude ainsi que celle de sa famille énervent au plus haut tout le village. S'il n'y avait pas cette fillette, tous auraient laissé tomber leur soutien depuis belle lurette. S'ils avaient su à quel point la situation était grave, s'ils avaient su, ces trois-là se seraient pris une balle perdue depuis belle lurette.

Ours a soudain une idée. Il est doué pour trouver de l'or et des pierres précieuses dans ce territoire hostile. Il a mis de côté en peu de temps un petit pécule. La famille est vénale, cupide, intéressée par l'argent. Ours va leur en donner pour obtenir ce qu'il souhaite. Il explique son plan à son père dans leur dialecte tribal et obtient son accord.

Ours raconte alors avoir sauvé la vie de Souillon hier. Il relate la loi de la tribu. Il adoucit ses propos en expliquant comprendre tout à fait que la famille ne connaisse pas cette loi. Toutefois, ils vivent sur une terre sacrée et doivent la respecter pour ne pas s'attirer la foudre des esprits. Ours leur propose un compromis. Il souhaite leur échanger la totale tutelle de Souillon et de tout ce qu'elle possède en échange d'une belle somme d'argent. Il aimerait le faire par acte notarié et devant les personnes ici présentes comme témoins. Ours se dit prêt à payer pour ne pas froisser les esprits.

Jonathan saute de joie à l'idée d'obtenir du fric. Il ne laisse pas le choix à son père. Un débat sur la somme exacte et les conditions précises eu lieu entre Ours et Jonathan. Jonathan veut toujours plus d'argent. Ours exige le total contrôle sur la fillette. Jonathan parle fort et sans écouter le peu de mots d'Ours. Un voisin, le maître d'école note chaque détail des débats aussi vite que les deux hommes s'expriment. Ours demande la tutelle, la récupération des vêtements et affaires, la gestion de tous les biens de la jeune fille, sans retour possible, sans contestation ultérieure. Une vente d'être Humain. Pure et simple.

La perspective d'une coquette somme fait perdre la tête à Jonathan. Cela fait tellement de temps qu'il vit dans ce trou à rats. Cette tribu de sous-hommes est si bête. Pour respecter une coutume stupide, l'un d'eux est prêt à sacrifier toutes ses économies. Jonathan se sent fier, il pense berner Ours avec facilité en faisant semblant de tenir à cette Souillon pour obtenir plus d'argent. Plus il se lamente, plus la somme augmente.

Quand ils se mirent d'accord, Mr Toka rédige un document officiel. Un abandon de tutelle au profit d'Ours qui se retrouve gérant de la vie et des biens de la jeune Solange contre un chèque de cinquante mille dollars. La tante va chercher la laine et les affaires de Souillon et les tend à Ours dans un rictus ressemblant de très loin à un sourire. Elle aussi est heureuse de se débarrasser enfin de ce boulet de gamine. L'oncle se frotte les mains sans se cacher. Tous les trois pensent faire une bonne affaire.

Chaque personne présente signe et témoigne que l'accord se fait sans contrainte et selon le respect des lois tribales et des lois du pays. Chacun appose sa marque en silence, bouillant à l'intérieur, mais se contenant pour l'adorable enfant. Ainsi, elle s'appelle Solange, selon le désir d'Ours, son nom tribal serait Bijou. En raison des paillettes d'or qu'elle a dans les yeux et qui fait fondre cette bande de sauvages rudes.

Ils rentrent tous chez eux avec un grand sourire. Ils ont obtenu ce qu'ils désiraient. Jonathan et ses parents un beau chèque, Ours une nouvelle colocataire, le sentiment d'avoir fait quelque chose de bien pour les autres. Lorsqu'il pénètre dans sa maison, Ours voit sa mère et son jeune frère en train de bavarder avec Bijou tout en épluchant les légumes pour le repas. Étoile a fait visiter la cabane et ses alentours à la jeune fille et est en train de lui en expliquer le fonctionnement et le rangement un peu particulier de ses fils.

Étoile lève la tête à l'entrée de son rejeton et de son mari. Elle observe leurs mines réjouies et son visage s'orne d'un sourire lumineux. Ours fait un signe de victoire à sa mère. Il répond d'un air satisfait à l'interrogation muette des trois cuisiniers.

- J'ai fait les choses correctement. Tu m'appartiens désormais mon petit Bijou.