7- Sayonara 1/2

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Dès le premier bip de son réveil, Kuip est debout près de son lit. Il a très peu dormi pourtant il se sent alerte et animé d’une étrange bonne humeur. Il prend le temps d’une douche. Qui sait quand sera la prochaine, si même il y en aura une. Il se sent léger. Quoiqu’il arrive aujourd’hui, il sera libéré du poids des regrets et des promesses.

Il enfile son uniforme puis se dirige d’un pas discret vers la chambre d’Arlo. Un coup d’œil furtif par la porte entrebaillée lui permet de vérifier que son coéquipier dort toujours. Il s’approche lentement, se penche vers lui cachant ainsi ses gestes à la caméra positionnée au-dessus. Après avoir injecté un tranquilisant à son équipier, il fait mine de vouloir le réveiller, comme tous les matins.

Arlo reste sourd à ses appels. Kuip râle ostensiblement alors qu’en son for intérieur, il coche mentalement la première case de son plan. Le plus dur reste à faire. Il quitte la chambre d’Arlo en jurant à haute voix que, cette fois, il fera un rapport. Tout en continuant à grommeler, il se dirige vers l’armurerie. Quand la porte de celle-ci coulisse, il appuie sur la petite commande dissimulée dans sa poche. Toutes les lumières s’éteignent tandis que la voix de l’IA s’élève.

  • Coupure de courant électrique, passage sur les générateurs de secours. Veuillez vous munir de vos éclairages personnels.

Dans l’obscurité, Kuip s’autorise un sourire soulagé. Les générateurs de secours assurent l’alimentation des systèmes de survie, la vidéosurveillance n’en fait pas partie. Durant quelques minutes, il échappera à la surveillance de l’IA et donc de HumanCorp. Il s’empresse de s’armer, deux fusils à charge laser et autant de recharges qu’il peut, des bâtons de la mort, l’arme de poing préféré d’Ariel. Il est temps d’aller libérer le fauve alors il s’élance en courant vers la cellule de Noway.

Il donne de grands coups dans la porte puis d’un tir, il fait exploser la porte. Passant au travers des débris encore fumants, il entre. Noway est debout contre le mur opposé, le visage tout aussi impassible que les jours précédents. Kuip a tout misé sur l’hypothèse que Noway jouait la comédie pourtant, sous ce regard aussi vide et froid qu’un désert de glace, il se prend à douter.

  • Tu as trouvé ton papillon ? lui demande-t-il quand même.

Noway, sans un mot, entrebaille sa chemise. Kuip y voit briller les deux ailes.

  • C’est Ariel qui m’envoie. Elle me l’a donné pour te le prouver.

Noway n’a pas bougé, pas un muscle de son visage. Kuip sent le désespoir le gagner. Tentant le tout pour le tout, il s’approche, allume son holobracelet devant Noway. Un plan du complexe et un compte-à-rebours apparaissent.

  • Regarde, j’ai piraté le système pour couper l’électricité et surtout la vidéosurveillance. On a seize minutes pour arriver là, sauter dans mon glisseur et décoller. Soit tu viens, soit tu restes ici mais tu dois te décider maintenant.

Devant l’absence de réaction de Noway, Kuip tente son va-tout.

  • Tiens, c'est une combinaison de combat. Tu en avais une dans le DC, tu te rappelles ? lui demande-t-il en lui tendant une petite sphère argentée. Il faut que tu l'enfiles.

Alors Noway bouge enfin. il saisit la boule et la colle contre son torse pour qu'elle l'enveloppe. Puis, il se tourne à nouveau vers Kuip pour désigner un bâton de la mort attaché dans le dos du soldat. Celui-ci le lui donne aussitôt.

  • Bon, plus que quinze minutes, déclare-t-il en consultant son holobracelet. T’es prêt, va falloir être rapide et efficace…

Noway hoche la tête et fait un pas vers lui. Alors Kuip s’élance, la boule au ventre. Ce qu’il n’a pas dit, c’est qu’une alerte a certainement été lancé quand il a fait sauter la porte de Noway, ils vont sûrement avoir très vite de la compagnie. La probabilité qu’ils arrivent vivants au glisseur est infime, il l’a dit à Ariel. Elle le savait, elle lui a fait promettre de quand même essayer.

Noway sur les talons, Il court dans les couloirs du complexe jusqu'à la porte les menant au sas relié à l'astroport où est garé son vaisseau. Il règle l'un des fusils sur la puissance maximale et arme l'autre pour faire sauter la porte.

  • Il y a de fortes chances qu'un comité d'accueil nous attendent. mets-toi sur le côté, prévient-il Noway.

Celui-ci acquiesce et se positionne en retrait. Kuip prend une grande inspiration. Il va falloir qu'il soit rapide s'il ne veut pas se faire allumer comme un bleu. Il appuie. La porte se désintègre, il a tout juste le temps de se jeter sur le côté avant qu'une rafale de tirs laser ne s'engouffre dans le trou. De l'autre côté de la porte, Noway active le mode protection intégrale de sa combinaison.

  • Couvre-moi, enjoint-il à Kuip avant que son visage ne disparaisse sous l'enveloppe protectrice.

Kuip n'a pas le temps d'objecter que Noway a déjà franchi le trou béant les séparant de leurs assaillants. Kuip s'appuie alors sur le rebord déchiqueté et ouvre le feu tandis que Noway court en zigzaguant vers la position ennemie. Leurs adversaires, surpris par leur réaction et peut-être par la vélocité de Noway, répondent avec un peu de retard.

Trop, songe Kuip quand il voit Noway dégainer son baton de la mort dont les doubles lames brillent brièvement, au corps-à-corps, ils n'ont aucune chance.

Il arme son fusil afin de procurer un appui à Noway qui a débuté sa danse guerrière. Ses gestes sont si fluides et si véloces que Kuip se retrouve incapable d'ajuster sa mire pour le couvrir. Noway n'en a pas besoin. En quelques minutes, toute l'unité est hors d'état de nuire.

Kuip se redresse pour le rejoindre. Il ne peut s'empêcher d'éprouver des sentiments ambivalents. Il se doute que Noway a tué tous les soldats, il devrait se réjouir de ses capacités létales exceptionnelles. Pourtant, la vision de tous ces corps gisant dans l'uniforme de l'armée Syssol lui noue les entrailles. En choisissant de sauver Noway, il a piétiné son serment, il a trahi ceux qu'il considérent comme sa deuxième famille.

Suis-je en train de priver mon peuple du seul espoir de contrer les Morkims ? C'est vrai qu'une armée de soldats "Noway" seraient un sacré atout, peut-être le seul ? Ariel soutient que non. Elle est convaincu que le clonage intégral est impossible. Il n'existe qu'un seul "Noway" et il ne deviendra jamais un tueur sans âme. Vraiment Ariel ? s'interroge Kuip en cheminant au milieu des dépouilles des soldats.

Aussi immobile qu'une statue, Noway le regarde approcher.

  • Je ne les ai pas tous tués, lui déclare-t-il comme s'il avait lu dans ses pensées, seulement ceux qui ne m'ont pas laissé le choix.

Kuip voudrait bien qu'il lui explique pourquoi mais le temps leur manque.

  • Reçu. Continuons !
  • Attends ! Tu as une idée de l'opposition que nous pourrions rencontrer, n'est-ce pas ?
  • Oui, acquiesce Kuip.

Noway a raison. Ils sont dans la même galère. Le prisonnier lui a accordé sa confiance, il est légitime et nécessaire qu'il lui rende la pareille.

  • Ils veulent certainement te reprendre vivant. Ici, c'est le seul endroit où il pouvait se permettre de lancer un assaut groupé sans risquer de t'éliminer. Après, nous allons traverser des couloirs plus étroits. Tu viens de leur prouver que tu les affronterais, quoiqu'il en coûte. Je pense qu'ils vont essayer de nous piéger, de nous prendre en embuscade ... Crois-moi, il y a mille façons de faire.
  • En tout cas, le système de sécurité n'a pas fonctionné. Tu crois que c'est à cause de la combinaison ?

La remarque de Noway aiguillonne Kuip. C'est vrai, les tireurs automatiques de seringues tranquillisantes ne se sont pas activés quand Noway a affronté les soldats.

  • C'est probable, oui, conforte-t-il Noway.

Il se met alors à inspecter méthodiquement la combinaison d'un soldat allongé près de lui. Sous le regard interloqué de Noway, il finit par trouver ce qu'il cherche : la commande pour récupérer le vêtement. Celui-ci reprend sa forme sphérique initiale, Kuip le range ensuite dans une de ses poches.

  • Fais-comme moi, presse-t-il Noway. Tu trouveras la commande au niveau de la gorge.
  • Pourquoi ? demande Noway en s'approchant à son tour.
  • Cela les ralentira s'ils se réveillent et on aura des combinaisons de secours si les nôtres sont endommagées. Dépêchons-nous, plus on tarde, plus ils ont le temps de s'organiser.

Quelques minutes plus tard, ils ont terminé de récolter les combinaisons encore utilisables. alors que Kuip s'apprête à repartir, Noway le retient par le bras.

  • Tu as une idée de la façon dont ils vont s'y prendre, n'est-ce pas ?
  • Oui. Il nous reste à peine dix minutes, je t'expliquerai en chemin.

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