Chapitre IIX
La Décadence d’un Royaume
- Royaume de Lenk -
***
Les doigts serrés sur une balustrade de cuivre et d’or, le Roi Alfir o’Lenk noie son esprit dans un horizon de désespoir. Il regarde sans voir les foyers de ses citoyens se transformer en bûcher, les poutres consumées s’effondrer sous le poids des tuiles, les soldats de Tehka égorger sans vergogne hommes, femmes et enfants, avant de déverser des torrents de sel pour purifier ce royaume déchu.
L’aube est rouge. Rouge de ces rayons d’un astre en colère. Rouge du sang versé des innocents tirés de leur sommeil à la lueur des sabres et des lances.
L’aube est noire. Noire de cette fumée de cendres ardentes. Noir de la honte d’un souverain tombé en disgrâce par sa propre négligence.
Un vent souffle. Il couvre les cris de l’ennemi et les pleurs des persécutés. Il traine avec lui l’odeur acre du bois calciné, et celle, écoeurante, de la chair carbonisée. Il porte aux oreilles du roi le son des cloches. Le glas sonne la mort d’un prince, d’un roi, d’un royaume.
– Pourquoi ?
"Pourquoi toutes ces années d’efforts acharnés à rendre ce royaume le plus étincelant, le plus opulent, le plus majestueux du continent, s’évaporent, partent en fumée sous l’oeil indifférent d’un lever de soleil ?"
Le fil d’une lame siffle au sortir d’un fourreau. Un bras lève un sabre, hésite.
– Fais ton devoir, soldat. Je n’ai plus rien à perdre.
Le roi fixe le disque rouge un instant, puis ferme les yeux.
Une dernière larme quitte un oeil en deuil, sinue le long d’une joue. Elle se détache d’un menton et saute dans le vide.
Un corps décapité la rejoint une seconde plus tard.
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