Escaliers infinis
J'ouvre un œil, puis l'autre. Je souris ; le brouillard qui enveloppe le Donjon a repris son voile clair. Contente, je sors de la pièce. L'ombre de la Peur s'est évanouie, sans doute reviendra-t-elle lorsque le jour s'en ira...
Je descends à l'étage inférieur. Pas un bruit ne s'agite. Il n'y a que moi qui peut décider de briser le silence pesant. Satisfaite de ce pouvoir minime, je me racle la gorge.
— Bon alors ! Qu'est-ce que je vais faire aujourd'hui ? m'exclamé-je d'une voix faussement joyeuse
Faisant la moue, je me rappelle que j'ai lu tous les livres, dessiné tous les objets possibles – y compris les boîtes de conserves. J'en ai assez de faire des origamis. Je déchante vite, je m'ennuie. Que faire ?
Une idée me traverse en même temps qu'un frisson. Peut-être que... peut-être que je pourrais aller voir ce qu'il y a dans les étages au dessous... Non très mauvaise idée : si je me perds et que la nuit me rattrape, la Peur viendra me manger toute crue. Pourtant, la curiosité me tiraille.
— Et puis, je n'ai rien à perdre... me rassuré-je tout bas
Je serre le poing. Il est neuf heure. Je fais un rapide calcul ; la Peur sera de retour vers dix-huit heure et demie. Il me reste donc exactement huit heure trente, soit cinq cent dix minutes pour tenter ce que je n'ai jamais osé entreprendre. Pourquoi aujourd'hui ? Pourquoi pas demain ? Pourquoi pas hier ?
Non, c'est maintenant qu'il faut le faire.
Il y a des choses qui ne s'expliquent pas.
Excitée, j'emprunte un des multiples escaliers de métal qui serpentent en s'enfonçant. Je glisse sur la rampe froide en poussant un cri de joie, de triomphe.
Aujourd'hui, c'est moi qui décide de quoi faire ! Et la Peur ne pourra pas m'empêcher. Ce sentiment exaltant de puissance me gagne. Si seulement Espérance pouvait me voir en ce moment ! Elle serait fière j'en suis sûre.
J'atteins les niveaux plus bas. Il y a encore tellement d'autres marches ! Ont-elles seulement une fin ? Je m'arrête, essoufflée. L'ambiance de ces lieux est très différente des étages dont j'ai l'habitude. Ici, tout est sombre, il n'y que de petites lucarnes qui percent timidement les ombres. C'est un bazar pas possible ; des barres d'acier sont entreposées dans tout les sens avec d'autres objets que je ne connais pas. Tout à coup, je remarque un vieux drap poussiéreux sous lequel semble se cacher quelque chose. Intriguée, je m'approche et tire sur le tissu qui tombe en claquant sur le sol. Un nuage de particules grises se soulève ; j'éternue. Ensuite, j'écarquille les yeux contemplant ma trouvaille. Devant moi se trouve une silhouette humaine.
Il y a quelqu'un !
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