Rencontre
Des notes claires descendent vers un velours plus grave, la sonorité du piano arrondit l'ambiance, la réchauffe, l'anime. Un écho leur répond. De la tristesse vers l'espoir, le bonheur, la vie. Quelques notes en prélude à une déclaration. Alors, la voix chaude de Richard Cocciante commence à nous conter l'histoire.
"Quando la sera scivolò su di noi
All'uscita della scuola in città
Ci prendemno per mano e ti dissi
Io ti amo
Quando un bambino ci tagliò poi la via
Con un tamburo di latta e una scia
E poi quel suono rimbalzò su di noi
Io ti amo
Il mio rifugio
Il mio rifugio
Il mio rifugio
Sei tu"[1]
Quelques notes de musique, empreintes de nostalgie, s'épanouissent en un tendre bouquet qui repousse les regrets.
Une rencontre, en apparence banale. Plusieurs heures d'échange, assis au bord de l'eau, au cours desquelles nous avons résumé nos vies, instants ponctués de silences, de regards, d'émotion contenue. Un intermède hors du temps, nourri de confidence et d'écoute. Toi, si réservé, moi, si repliée sur moi-même.
Spontané, sincère, vrai, facile. Un don à double sens.
Avec toi, j'ai parlé, librement, sans retenue et je voyais que tu comprenais. Les murs contre lesquels je m'étais cognée si longtemps n'existaient pas dans notre nouveau pays. Mes mots ne te choquaient pas, n'étaient ni flous ni ambigus. Mes inquiétudes ne te paraissaient ni ridicules, ni excessives. Mes objectifs rejoignaient les tiens. Tu restais attentif et mon langage ne t'était pas inconnu ; je n'en revenais pas.
Avec beaucoup de sensibilité, tu m'as brossé le tableau de tes années passées. Ton déchirement au départ de ton pays de naissance alors que tu étais enfant, les difficultés liées à ce bouleversement violent, l'apprentissage si rapide d'une nouvelle langue et les amitiés multiculturelles. Ton engagement dans ton travail, tes convictions. Et les épreuves traversées. Tes confidences profondes ont atteint mon cœur. Personne ne s'était livré à moi comme tu me l'offrais.
Tu as effleuré tes souffrances, j'ai survolé mes tourments. Chacun à notre tour, nous avons délivré notre cœur de ses charges douloureuses.
Un lien s'est créé entre nous dès les premières secondes. Un lien tissé de confiance, d'apaisement et d'harmonie.
Je n'avais jamais éprouvé ce sentiment de liberté. Ce jour-là, enfin, à cinquante ans, je pouvais être moi sans réserve. Tous ces espoirs, toutes ces attentes que j'avais gardés cachés au fond de moi, comme s'ils étaient honteux, qu'il m'était interdit d'évoquer, considérés comme insignifiants, stupides, tu les recevais avec ton âme.
[1] Quand le soir glissa sur nous
A la sortie de l'école en ville
Nous nous prîmes par la main et je te dis
Je t'aime
Quand un enfant nous coupa ensuite la route
Avec un tambour de fer blanc, un sillage
Et puis ce son rebondit sur nous
je t'aime
Mon refuge
Mon refuge
Mon refuge
C'est toi
Chanson écrite par François Berheim en français (1976), traduite par Richard Cocciante pour la bande son du film "Tandem" de Patrice Leconte (1987)
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