Chapitre 1

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Le soleil venait de se lever, timide, par cette journée froide et indifférente de décembre. Ses rayons pouvaient à peine réveiller les plantes engourdies pas le gel. Ici dans les montagnes brumeuses, la nature a encore le pouvoir. Elle fait la pluie et le beau temps. Plus la pluie que le beau temps, à vrai dire.

Clara était déjà réveillée et avait mené ses bêtes vers les pâturages. Elle leur voue une affection presque maternelle, et trouve chez elles une paix que le monde des humains lui avait refusée.

Malgré sa petite taille, elle arrivait tant bien que mal à s’occuper presque seule de la ferme familiale. Son frère, un vaurien de première, passait son temps à traîner toute la journée dans les bars et les centres commerciaux de la grande ville la plus proche. Frêle et presque écervelé, il ne donnait pas un coup de fourche pour aider. Assez souvent ivre à son retour le soir, il s’affalait sur le canapé et y restait jusqu’à tard dans la matinée.

Les parents de Clara, des gens rustres, précocement fatigués par le labeur, avaient misé l’avenir de leur petite exploitation sur leur fille, sans lui demander son avis et sans lui en être reconnaissants.

Mais Clara, dans cet environnement hostile, avait trouvé son bonheur dans la boxe. Elle avait installé un sac dans la grange. Petite, elle avait vu les films de Rocky balboa sur la télé noir et blanc du salon et rêvait de devenir comme lui, forte et célèbre. Ce qu’elle lui enviait le plus et qu’elle ne disait à personne, c’était bien l’amour et le soutien indéfectible de sa femme Adrian.

Clara s’entraînait tous les jours après le dur labeur de la ferme. Elle manquait certes de technique, mais la force et la volonté étaient là et ne demandaient qu’à être polis comme un diamant brut.

Ce soir, elle allait avoir son premier combat dans un club de la grande ville. Rien de bien extraordinaire, un petit tournoi organisé pas une association féministe pour promouvoir les sports dits masculins auprès de la gente féminine. Quelques amatrices monteront sur un ring, poussées plus par l’envie de festoyer et de faire de belles rencontres que par l’amour du sport et encore moins de la boxe.

Clara prépara son sac soigneusement. Elle y mît ses chaussures, ses gants, son short, sa cape et une serviette. Elle avait économisé sou à sou pour pouvoir se les offrir les uns après les autres. Chaque achat représentait une petite victoire, un pas de plus vers son rêve.

le dernier bus vers la ville partait à dix-huit heures il ne fallait pas qu’elle le rate. Son frère avait pris l’auto de la famille et n’aurait sûrement pas été disposé à l’emmener. Une mésentente cordiale s’était installée entre eux avec le temps. De plus, il ne voulait pas qu’on la voit avec lui, tellement il la trouvait ringarde et pas belle du tout. Ça aurait fait rire et se moquer de lui ses soi-disant copains et copines, surtout. Et même si le tacot était garé dehors, elle ne l’aurait pas pris, car elle n’avait pas de permis et ne conduisait que le vieux tracteur dans les champs.

Le chauffeur de l’autobus, à la calvitie très prononcée et aux dents de travers, la considéra avec mépris lorsqu’elle monta et lui présenta un billet froissé pour avoir son ticket. Son accoutrement ringard, un survêtement élimé et des chaussures de sports pleines de boue, et son chignon mal fini lui donnaient un air de vagabonde. Pourtant elle avait une chevelure blonde très lisse et des yeux bleus à faire rougir de honte et d’envie les océans. Elle lui aurait volontiers fait un câlin, tellement la cécité de son cœur lui faisait pitié.

Le car était à moitié plein, Clara prit place tout au fond après avoir subi les regards amusés des uns et les soupirs réprobateurs des autres. Certains osèrent même, tout au long du trajet, lui jeter des coups d’œil par-dessus l’épaule, comme si elle était une bête de some. Il faut dire que l’odeur qu’elle dégageait n’était pas en sa faveur.

Clara s’extirpa difficilement du car, non pas que l’on se bousculât, elle avait attendu que tous les autres passagers soient descendus, mais parce qu’elle avait peur.

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