Deuxième version
Dieu. Illizi, le 21. 08. 2023.
Tout petit, je croyais que Dieu était un maître implacable. Il ne pardonnait jamais une mauvaise action. Une seule faute et tu allais en enfer, condamné à souffrir pour l’éternité le tourment des flammes.
La vie après la mort et les châtiments perpétuels dans les feux de la Géhenne, me hantaient.
Ces sombres pensées s’insinuaient dans les moindres recoins de mon esprit juvénile., Elles m’inspiraient une frayeur constante et une peur viscérale.
Mon jeune cœur battait furieusement à l’idée que je puisse commettre un sacrilège. J’estimais donc qu’il était judicieux d’aduler Dieu pour gagner Sa grâce et Ses faveurs.
Un beau jour, j’entendis des enfants parler à une vieille femme de notre village. Ils l’embrassaient sur la tête, lui disant : « A Nna Yamina tamaɛzuzt, iẓiden am lgazuz. Chère Nna Yamina, aussi douce que la limonade gazeuse. »
Je trouvai cette formule très poétique et expressive. Mon âme innocente se disait qu’il serait bon d’adresser de tels compliments à Dieu. C’était ainsi que je murmurai dans mon cœur : « A Ṛebbi amaɛzuz, iẓiden am lgazuz. Cher Dieu, aussi doux que la limonade gazeuse. »
Dès lors, je répétais sans cesse cette curieuse expression. J’y voyais un moyen précieux de gagner des mérites auprès du Créateur.
Mais le destin voulait que les choses prennent bientôt une tournure plus sérieuse.
* * *
J'étais à la fontaine du village, sous l'ombre d'un majestueux chêne-liège, lorsque je me rendis compte de ma sottise. Comparer Dieu à une vulgaire boisson gazeuse me frappa comme un acte de blasphème inexpiable.
L’éblouissante évidence me traversa l’esprit comme un éclair. Comment avais-je pu réduire l’incommensurable grandeur du Seigneur à un piètre breuvage ?
À cet instant précis, la peur me saisit et la terreur m’envahit ; mon jeune esprit convaincu que Dieu me châtierait à jamais dans les flammes de l’enfer.
J’avais blasphémé, certes, non par intention, mais par ignorance. Une fureur ardente se mêla à mon chagrin, faisant couler des larmes que je ne pouvais retenir.
J’avais à peine cinq ans à l’époque. Imaginez l’ampleur de mon effroi !
Mon âme innocente, qui aurait dû rester un espace de jeux et de rêves à ce jeune âge, était devenue un champ de bataille intérieur entre ma perception enfantine et la véritable essence du divin.
À partir de ce jour, chaque fois que je passais devant la fontaine, mon cœur se mettait à battre violemment ; mes bras tremblaient et mes jambes s’engourdissaient. Mon esprit tourmenté me laissait perplexe et préoccupé, et des sueurs froides parcouraient mon corps.
Chaque instant passé à proximité de la source était imprégné de cette terreur véhémente et insaisissable. Ma poitrine tombourinait comme les ailes affolées d’un oiseau pris au piège.
Chaque pas vers la fontaine était comme un plongeon dans les ténèbres. Une tempête de confusion et d’angoisse se déchaînait dans mon esprit.
Cette peine atroce ne me quittait plus, de jour comme de nuit.
Les journées, jadis pleines de découvertes et de belles rencontres, étaient maintenant noircies par ces ombres lugubres et sinistres que j’avais involontairement convoquées. Les rires de joie et de bonheur avaient cédé la place à des murmures intérieurs de doute et de crainte.
Mes nuits, autrefois remplies de rêves doux et insouciants, étaient désormais hantées par des visions horribles de châtiments et de feux dévorants. Mon sommeil était perturbé et agité, submergé par le cauchemar de l’au-delà qui obsédait mes pensées et accablait mon bon sens.
La lumière qui, naguère, éclairait mon quotidien était engloutie par un nuage sombre et oppressant.
Ce drame a accompagné toute mon enfance.
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