Chapitre 2 : Terrain Inconnu (Rouis)

7 minutes de lecture

La place de Brun-le-Comté était entourée de jardins où les parterres de fleurs éclataient de couleurs. Les allées pavées, impeccablement entretenues, étaient bordées de plantes et d’arbustes taillés. Des bancs en bois étaient disposés ici et là, offrant des espaces de repos.

Au centre se dressait une statue en marbre de quatre mètres de haut qui représentait l’ancien roi, Helric le Sage. Il se tenait debout, la main levée, une épée à la ceinture, portant une armure et une cape flottait derrière lui. À ses pieds, des bas-reliefs illustraient ses grandes réalisations : la construction des murailles de la cité, la fondation de la bibliothèque royale et ses efforts pour maintenir la paix dans la région. Des fleurs fraîches étaient déposées à ses pieds.

Une silhouette féminine s’approcha de Rouis. Ses longs cheveux roux tombaient en cascade jusqu’à son dos, se balançant doucement à chaque pas. Ses lèvres pulpeuses et son visage parsemé de taches de rousseur ajoutaient du caractère à ses traits, tandis qu’une robe en satin vert épousait ses formes.

  • Rouis ? demanda-elle.

Il acquiesça.

  • On ne va pas faire long feu.

Les mains de Rouis se crispèrent.

  • Je m’appelle Ambre, s’exclama-t-elle.
  • Allons-y.
  • Je n’ai pas encore mangé.

Il fouilla dans son baluchon et en sortit un morceau de pain rassis qu'il tendit à Ambre. Elle le regarda avec dédain. Le pain, dur et légèrement poussiéreux, était peu appétissant ; elle le contempla comme s'il s'agissait d'un déchet plutôt que de nourriture.

Elle marchait d’un pas rapide, l'obligeant à presser le pas. Les rues larges et pavées de pierres lisses étaient bordées de bâtiments imposants. Des boutiques s'alignaient de chaque côté, ornées de pots de plantes suspendus et de jardinières débordantes.

Ils entrèrent dans un salon de thé spacieux, réparti sur deux niveaux reliés par un escalier en spirale métallique. Au rez-de-chaussée, de petites tables en bois poli étaient disposées autour d'un bassin central où flottaient des lotus aux pétales irisés.

Des serveurs vêtus de tuniques brodées en soie noire circulaient, apportant des plateaux de thé fumant servis dans de fines porcelaines ornées de motifs floraux. Un mur végétal, s'étendant du sol au plafond, constituait une mosaïque de plantes exotiques aux feuillages éclatants : fougères argentées, lierres pourpres et orchidées aux pétales d'un blanc nacré.

À l'étage, un balcon en bois sombre offrait une vue panoramique sur le jardin suspendu et les ruelles pavées de la vieille ville. Des fauteuils rembourrés de velours rouge étaient disposés le long des balustrades.

Une dizaine de femmes étaient attablées autour de gâteaux. Ambre prit place à une table tandis que Rouis scrutait les environs, s'assurant de sa sécurité.

Bientôt, un homme au teint blafard, vêtu d'un élégant costume, arriva.

  • Vous avez choisi, Madame ? demanda-t-il.
  • Un plateau de gâteaux et une infusion à la violette.

Quelques instants plus tard, le serveur revint avec une assiette de douceurs et une théière remplie à ras bord, dont la vapeur s'échappait par le couvercle. Rouis s'installa en face d'Ambre. Elle le regarda, un sourcil levé.

  • Qu’est-ce que fais-tu ? demanda-t-elle.
  • Je m'assois, répondit-il simplement.
  • Reste debout, tu dois me protéger, insista-t-elle, l'impatience grandissante.

Rouis jeta un coup d'œil autour de lui. Les femmes assises à d'autres tables gloussaient en dégustant leurs desserts, visiblement absorbées par leurs conversations. Il soupira, se leva et se plaça à quelques pas de la table. Ambre se servit des gâteaux et commença à les déguster.

  • Ambre ! Quelle joie de te voir ! s'exclama une petite femme ronde en accourant.

Ses longs cheveux blonds tombaient sur son visage, cachant ses traits, mais laissant apparaître deux yeux d'un bleu éclatant. Elle portait des vêtements de belle facture, et ses bras potelés étaient ornés de bracelets étincelants.

Ambre se leva pour l’embrasser, puis se rassit.

  • Quand pars-tu ? demanda la femme.

Son visage était empourpré et ses yeux brillants.

  • Aujourd’hui, Imelda.
  • J’aurais aimé t’accompagner à la capitale.
  • Moi aussi ! Je te rapporterai des souvenirs.
  • Pourrais-tu me rapporter de la soie bleue du nord ?
    Les mains d’Imelda gesticulaient, tandis qu’elle se mordillait légèrement la lèvre inférieure.
  • Je le ferai, Imelda.

L’amie d’Ambre choisit un assortiment de fruits confits.

  • Nous devons partir, déclara Rouis.

Les deux femmes se tournèrent vers lui.

  • C’est lui, ton escorte ? Il est grand mais gringalet, déclara Imelda avec un sourire en coin.
  • Et pourtant, il m’a été recommandé.

Ambre fit un clin d’œil à son amie. Les deux femmes éclatèrent de rire et continuèrent à déguster leurs sucreries. Rouis s’approcha de la table et prit un gâteau. Il le mangea. Les deux femmes le regardaient, stupéfaites.

  • Quel rustre ! s’exclama la blonde.

Ses yeux lançaient des éclairs de mépris. Ambre resta silencieuse, le visage rouge comme une pivoine. Sans attendre, Rouis lui saisit le bras.

  • Allons-y, ordonna-t-il.

L’amie d’Ambre se leva et le gifla. Il ne broncha pas, mais trois serveurs aux regards menaçants lui barrèrent la route. Sa main se posa sur le poignard dissimulé sous sa ceinture.

  • Arrêtez ! hurla Ambre.

Elle agrippa le bras de Rouis, ses ongles s’enfonçaient dans sa peau comme des lames acérées.

  • Je…
  • Tais-toi !

Son visage avait repris sa couleur initiale, mais Rouis percevait encore l'ombre de la colère dans ses yeux.

  • Vous allez bien, Madame ? demanda le serveur au teint blafard.

Il dévisagea Rouis avec méfiance. Ambre acquiesça et les serveurs les laissèrent passer.

  • Je suis désolé, murmura Rouis.

Elle évita son regard, ses doigts s'enfonçant de plus en plus profondément dans son bras. Des larmes coulaient sur ses joues alors qu’elle relâchait enfin son étreinte. Quelques gouttes de sang tombèrent sur le sol en marbre blanc.

  • On doit y aller, murmura-t-il aussi doucement que possible.

Elle salua faiblement Imelda et ils sortirent du salon de thé. Elle restait obstinément silencieuse, traînant le pas derrière lui. Rouis vérifiait régulièrement qu'elle le suivait, ralentissant parfois le rythme ou s'arrêtant pour lui laisser le temps de le rejoindre.

Il loua un cheval dans une petite étable en bordure de ville et ils prirent la route. Ambre ne cessait de se plaindre. À mesure que la journée avançait, le paysage forestier autour d'eux se transformait. Les arbres, immenses et tordus, déployaient leurs branches enchevêtrées comme un plafond dense au-dessus d’eux. Le sol formait un tapis mouvant de feuilles mortes et de fougères desséchées, parsemé de racines. Les buissons d’épines noires s’étendaient entre les troncs.

Au crépuscule, alors que le soleil plongeait lentement vers l'horizon, Rouis arrêta le cheval et sauta à terre.

  • Qu'est-ce que tu fais ? demanda Ambre.
  • Nous allons manger et dormir, répondit Rouis.
  • Ici ?

Elle le regarda avec fureur. D’un mouvement rapide, Rouis éloigna ses bras hors de sa portée.

  • Va chercher des branches pour le feu.

Furieuse, Ambre s'enfonça dans la forêt, disparaissant entre les arbres. Pendant ce temps, Rouis attacha le cheval à un tronc robuste et prépara le campement. Il alluma un feu et fit cuire de la viande avec du blé.

Ambre revint en faisant de grands pas, portant des morceaux de bois qu’elle déposa près du feu. De la sueur perlait sur son front.

Rouis lui servit une louche de la préparation, un sourire ironique se dessina sur ses lèvres alors qu’il observait son visage fermé. Il savait qu'elle n'était pas habituée à ce genre de repas rustique.

Il engloutit sa portion avec une faim vorace. En revanche, Ambre n'avait pas encore touché à son plat ; ses yeux fixait sur le feu.

  • Tu auras besoin d’énergie demain.
  • Je ne mange pas ce genre de chose, répliqua-t-elle avec dédain.
  • De la viande ?
  • De la nourriture aussi répugnante, ajouta-t-elle en faisant un geste de la main.

Il dévora sa pitance. Le repas, bien que simple, était de bonne qualité. Après avoir terminé, il se leva et alla chercher un sac de couchage. Il le tendit à Ambre, qui le prit sans enthousiasme. Le duvet était fabriqué dans un tissu robuste, brun et légèrement usé. À l’intérieur, il y avait une doublure en coton beige.

— Et le tien ? demanda-t-elle.

— Je n’en ai pas besoin.

Elle déplia le sac de couchage.

— Tu vas te blesser.

— Tu n’as jamais dormi sur l’herbe fraîche à la belle étoile ? répliqua-t-il en riant.

Elle rougit et balbutia des mots incompréhensibles. Puis, se reprenant, elle lui demanda de se tourner pendant qu'elle se changeait. Rouis lança un coup d'œil furtif avant de se faire frapper par le sac de couchage.

  • Je t’ai dit de ne pas regarder ! intima-t-elle la voix tremblante.
  • Je pensais que que tu avais fini.
  • Menteur !

Déçu, Rouis examina les environs. À l’exception de leurs empreintes, il ne découvrit aucune autre trace. Lorsqu'il revint au campement, il trouva Ambre déjà installée dans son sac de couchage, son visage partiellement dissimulé par l’étoffe.

  • Tu n’as pas froid ?

Elle secoua la tête et se tourna vers lui.

  • Raconte-moi une histoire, lui intima-t-elle.
  • Je ne suis pas ton clown.

Des larmes glissaient le long de ses grands yeux verts, qui brillaient. Rouis soupira profondément.

  • La première fois que j’ai brisé une mâchoire, j’avais environ douze ou treize ans. J’étais avec une amie, une sacrée peste, et nous nous étions aventurées dans un sinistre souterrain pour dérober des bijoux.
  • Tu es toujours en contact avec elle ? demanda Ambre, ses yeux s’illuminant d’excitation.
  • Elle est morte, répondit Rouis d’un ton glacial.

Un masque de tristesse se dessina sur le visage d’Ambre.

  • Tu n’es pas triste ?
  • Non, répondit Rouis d’un ton détaché.
  • Tu n’as pas de cœur, lança-t-elle.

Il haussa les épaules et continua.

  • Donc, nous étions dans le souterrain et nous venions de dérober les bijoux.
  • Cette histoire ne m’intéresse plus, le coupa Ambre.

Ambre se retourna et feignit de ronfler. Rouis, quant à lui, s'allongea sur l’herbe, le sommeil l'évitait. Il fixa les étoiles pendant un long moment avant de sortir une amulette de sa poche. Faite de cuivre, elle avait une forme ovale avec des bords dentelés. Sa surface était ornée de motifs spiralés, et le métal changeait subtilement de couleur, passant du brun cuivré au vert pâle.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire AdamRobin ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0