Chapitre 2.5 : La Maladie (Kendrys)
Kendrys remarqua des traces de sabots imprimées dans la terre. Elles étaient encore fraîches. Un frisson d’alerte parcourut son échine ; les brigands étaient encore dans les parages et ’une nouvelle attaque était imminente.
Plus tard dans l’après-midi, Marte la retrouva dans la forêt. Il examina les traces, posant sa main sur la terre. Des feuilles nouvelles commencèrent à germer et à se mouvoir sous ses doigts.
— Je ne vois rien, dit-il en fronçant les sourcils.
— Rien de rien ? demanda Kendrys.
Il secoua la tête.
Sans perdre de temps, ils se séparèrent pour explorer la forêt. Kendrys s’enfonça dans les bois, ses pas faisaient craquer les branches mortes sous ses bottes. Les traces s’interrompirent au bord d’un ruisseau sinueux. Elle franchit la rive, scrutant l’autre côté, mais ne trouva aucune nouvelle empreinte. La végétation dense obscurcissait sa vue, ne lui permettant de voir qu’à quelques mètres devant elle. Sa frustration montait, alimentant l’envie destructrice de tout embraser autour d’elle.
Soudain, un cri perça le silence de la forêt.
— Kendrys !
Elle se dirigea vers la voix, son cœur battait la chamade. En arrivant sur les lieux, elle découvrit six hommes encerclés par des lianes épaisses, qui les immobilisaient. Les brigands se débattaient avec une frénésie désespérée, mais leurs efforts étaient vains.
— Je les ai trouvés, annonça Marte avec une lueur de satisfaction dans les yeux.
— Je vois ça, répondit-elle.
Les brigands, les mains liées et les yeux fulminants, lançaient des regards méprisants vers Kendrys et Marte. Les pouvoirs de manipulation végétale de Marte demeuraient actifs, maintenant les brigands captifs. Tandis qu’ils attendaient les gardes, Kendrys sentait une rage latente prête à éclater. La colère, toujours en sommeil, menaçait de se déchaîner à tout moment.
Elle fouilla les alentours, cherchant à détecter d’éventuels complices ou des signes de danger.
Lorsque les gardes arrivèrent enfin, ils prirent en charge les brigands. Marte utilisait ses pouvoirs pour faire disparaître les lianes et restaurer l’ordre dans la zone. Kendrys resta un moment, observant les gardes s’éloigner avec les prisonniers, ses pensées toujours tourmentées.
Kendrys et Marte montèrent sur un cheval pour retourner au château, une colère sourde et une peur grandissante l'accablaient. L'idée du mariage imminent la tourmentait, et elle se sentait de plus en plus prisonnière de sa propre vie. Kendrys percevait le désir de son compagnon de parler, mais elle n'avait ni l'énergie ni l'envie de l'écouter. La colère et la frustration bouillonnaient en elle, et elle préférait garder le silence.
À son arrivée au château, elle fit son rapport à Soren. Elle n’éprouvait aucune satisfaction dans cette tâche, et l’impact de son rapport était futile.
Décidée à se défouler, Kendrys se dirigea vers la caserne pour l'assignation de la mission suivante. Les gardes, trouvèrent des excuses pour éviter de la suivre. Éreintée et en proie à une frustration croissante, elle choisit de se rendre directement à la prison du château.
Les sentinelles, conscientes du tempérament explosif de Kendrys, la laissèrent passer sans la moindre résistance. Elle descendit les escaliers jusqu'au sixième étage, un lieu réservé aux criminels les plus dangereux, chaque pas résonnait dans le couloir. Devant les larges grilles en métal, elle s’arrêta.
— Fulger !
Les pas résonnèrent dans l’obscurité, puis le visage squelettique de Fulger apparut, ses yeux tristes et perçants se posèrent sur elle. Il l'observa d'un regard qui mêlait surprise et amusement.
— Je suis content que tu me rendes visite, Kendrys. Cela faisait longtemps que je n'avais pas vu quelqu'un hormis les gardiens. Deux ans, peut-être même plus.
Ses prunelles jaunes brillaient. Elle le fixait, incapable de détourner le regard.
— Qu’est-ce qui me vaut ta visite ?
— Je vais bientôt me marier, répondit-elle d'une voix chargée de désespoir.
— Et tu ne veux pas, je suppose, rétorqua-t-il avec un sourire sarcastique.
Elle acquiesça. Elle espérait trouver une forme de réconfort ou de compréhension. Il s’avança jusqu’au barreau, un éclat de curiosité traversa ses yeux.
— Nous sommes tous enfermés, dit-il avec amertume, se mettant à rire d’un rire sec et éraillé.
Kendrys, regrettait d'être venue.
Tu sais avec qui ? demanda-t-il.
— Avec le comte Hanté, répondit-elle, son visage se crispa à la pensée de ce mariage forcé.
Son expression changea, un intérêt éclaira son visage. Il partit vers le fond de sa cellule, réfléchissant visiblement à ce qu'elle venait de révéler.
—Intéressant… murmura-t-il, avant de se coucher sur le sol froid.
—Tu pourrais me dire ce que tu sais sur lui ? demanda Kendrys.
Fulger ne répondit pas, se contentant de se vautrer dans son coin, absorbé par ses propres pensées. Kendrys, frustrée, se leva brusquement et remonta. Elle fit apporter un lit et de la nourriture à Fulger.
Kendrys déambulait dans les rues de la ville, ses pas solitaires résonnaient sur les pavés mouillés. La nuit enveloppait tout de son silence. Elle avançait sans but précis, l'esprit agité par une tempête intérieure, cherchant désespérément une distraction, quelque chose qui pourrait apaiser le chaos bouillonnant en elle. Ses yeux, empreints de lassitude, scrutaient chaque recoin, espérant trouver un frisson ou une étincelle pour combler ce vide oppressant.
Lorsqu'elle aperçut une taverne à l'enseigne discrète, Kendrys décida d'y entrer, attirée par les éclats de voix. L'intérieur de la taverne était faiblement éclairé, imprégné d'une odeur de bière et de tabac. Elle s'avança vers le comptoir, enveloppée par le brouhaha des conversations bruyantes.
— Que puis-je pour mademoiselle ? lança le tavernier, un homme trapu aux cheveux poivre et sel.
— Une bière, répondit-elle d'une voix ferme.
Un homme s'avança près d'elle, un sourire narquois se dessina sur ses lèvres.
— Tu t'es perdue, ma belle ? demanda-t-il avec une pointe de moquerie.
Kendrys s'installa à une table, ignorant sa question. Son silence ne passa pas inaperçu, et l'homme s'approcha davantage, s'asseyant en face d’elle.
— Je t'ai demandé si tu t'étais perdue, insista-t-il.
— Non, rétorqua-t-elle sèchement, sans même lui accorder un regard.
Il fronça les sourcils, visiblement agacé par son indifférence.
— Il est tard. C’est dangereux d’être seule en ville.
Sans un mot, Kendrys tira de sa poche un petit objet brillant qu'elle déposa sur la table. L'insigne royal scintillait. Le visage de l'homme se décomposa, virant au rouge.
— Je m'excuse, Madame, balbutia-t-il.
Elle hocha la tête en guise de réponse, mettant ainsi un terme à l’échange.
Une serveuse lui apporta une bière, la déposant avec précaution devant elle. Kendrys sirota sa boisson, ses pensées errant loin de cette salle bondée. Autour d'elle, les gens continuaient de rire et de boire, insouciants du monde extérieur.
Elle commanda une deuxième bière, bien que la première fût encore à moitié pleine. Le goût amer de la boisson ne parvenait pas à étancher sa soif d'action, de quelque chose de plus intense. Mais rien ne se produisait. L'ennui l’enveloppait.
Cette taverne, ces gens, cette soirée... Tout était terne et insignifiant.
Après avoir terminé ses boissons, Kendrys se leva, laissant quelques pièces sur la table. Elle se dirigea vers la sortie, l'esprit toujours aussi agité, toujours en quête de ce qu'elle ne pouvait trouver. Elle reprit le chemin du château, la nuit l'accompagnait dans son retour solitaire.
Dehors, l'air était frais, et la ville endormie, ses rues étaient désertes. Kendrys marchait lentement, ses pensées tourbillonnaient, cherchant désespérément un moyen de calmer la tempête qui faisait rage en elle. Le château se dressait à l'horizon. Les lourdes portes s'ouvrirent devant elle, et elle entra dans l'enceinte du château.
À son retour au château, Kendrys perçut l'atmosphère électrique qui régnait dans les lieux. Les couloirs, habituellement silencieux, étaient maintenant envahis de murmures, de pas précipités, et d'une agitation inhabituelle. Une tension palpable flottait dans l'air, et un sourire se dessina sur ses lèvres.
Enfin, pensa-t-elle, devinant qu'il se passait quelque chose d’important.
Un page se précipita vers elle, visiblement nerveux.
— Vous êtes attendue dans la salle principale, Madame.
— Qu’est-ce qui se passe ? demanda-t-elle, mais le jeune homme était déjà loin.
Kendrys n’eut d'autre choix que de le suivre. Le silence des lieux fut interrompu par le fracas des portes de l'entrée principale qui s'ouvrirent, révélant une dizaine de donarques, leurs visages graves.
Marte lui fit signe de venir s'asseoir à ses côtés. Elle traversa la salle, ses pas résonnaient sur le marbre froid. Lorsqu’elle fut installée, elle se tourna vers lui.
— Qu’est-ce qui se passe ?
— Sir Jurffe et le Comte Fylk sont morts cette nuit, murmura-t-il d'une voix tendue.
Kendrys le regarda, stupéfaite.
— Comment ?
— D’une maladie que nous n'avons pas encore identifiée.
Marte s'arrêta un instant, son regard se durcit.
— Ou peut-être d'un don, déclara-t-elle.
Avant qu'elle ne puisse poser d'autres questions, Ryrka, le plus jeune chef de l’ordre, prit la parole.
— Comme vous l'avez peut-être déjà appris, Sir Jurffe et le Comte Fylk ont succombé cette nuit. Leurs corps étaient couverts de boutons et d'inflammations, signes d'une possible épidémie. Il est à craindre qu'une contagion se propage. Je vous recommande la plus grande prudence et vigilance.
Le sous-texte de Ryrka était clair. Il mettait en garde contre une possible tentative d’assassinat, dissimulée sous l’apparence d’une maladie. Il ne s'agissait pas seulement d'une crise sanitaire, mais d'une menace insidieuse contre les détenteurs de pouvoir au sein du royaume.
La réunion fut abrégée. Marte se tourna vers Kendrys.
— Je vais t’accompagner.
Elle le regarda avec irritation.
— Je peux rentrer seule, Marte.
Il ne broncha pas, son ton devenant plus autoritaire.
— C’est un ordre.
Kendrys détestait qu’il lui parle ainsi. Tout au long du chemin, le silence s'étira entre eux, alourdi par leurs pensées sombres.
— Qui aurait pu tuer Jurffe et Fylk ? finit par demander Marte, rompant le silence.
— Beaucoup de gens, répondit-elle. Ils étaient influents et possédaient des domaines considérables.
Jurffe et Fylk étaient des hommes puissants, dotés de dons exceptionnels. Si un assassin avait voulu s'en prendre à des cibles plus faciles, il aurait choisi des victimes moins redoutables.
— Tu as des informations concernant le don du tueur ? demanda Kendrys.
Marte secoua la tête, l'air préoccupé.
— Non, aucune. Il doit être étranger.
Arrivés devant la porte de ses appartements, Marte s'arrêta.
— Ne fais rien d'inconsidéré, Kendrys.
Elle hocha la tête sans un mot.
Kendrys entra dans sa chambre, l’esprit tourmenté par une agitation féroce. Elle changea rapidement de vêtements, optant pour une tenue plus discrète, puis s’empara de son épée. Sans perdre un instant, elle se précipita vers la fenêtre. D’un bond, elle se jeta dans le vide depuis le septième étage du château. Son corps s'enveloppa d'une aura incandescente, les flammes jaillirent autour d’elle, la propulsant dans les airs, tel un oiseau de feu traversant la nuit en direction du domaine du Comte Fylk.
À son arrivée, l'odeur de soufre l'assaillit immédiatement. Elle frappa à la porte du manoir, et une petite femme âgée, à la peau marquée par le temps et aux cernes sombres, lui ouvrit avec une expression de fatigue infinie. Kendrys brandit son insigne royal sans un mot, et la vieille dame s’écarta pour la laisser entrer.
— Où le Comte Fylk est-il mort ? demanda-t-elle d’une voix tranchante.
La femme l’entraîna à travers les couloirs jusqu’à une vaste chambre.
— On l’a trouvé mort dans son lit, murmura-t-elle, des larmes coulaient sur ses joues ridées.
Kendrys observa la pièce, son regard s’attarda sur un portrait accroché au mur. Il représentait le Comte Fylk aux côtés d’une jeune femme rayonnante, que le temps avait manifestement transformée en la personne qui se tenait maintenant devant elle.
— Je suis désolée pour votre mari, déclara-t-elle.
La vieille femme, le visage ravagé par la douleur, se laissa tomber à genoux, implorante.
— Retrouvez l’assassin, je vous en supplie.
Kendrys la releva doucement.
— Je vous le promets.
Elle s’approcha du lit où le Comte avait été trouvé, cherchant des indices. Cependant, rien d’anormal ne lui apparut.
— Avez-vous remarqué des choses étranges ces derniers jours ? demanda-t-elle.
La femme secoua la tête, d'abord hésitante, puis ses yeux s'embuèrent, fixant un point invisible au loin.
— Vous vous souvenez de quelque chose ? l’encouragea Kendrys.
— Il y a trois semaines, commença la femme d'une voix tremblante, un homme s'était perdu. Mon mari lui a indiqué son chemin et lui a donné à manger. Il est parti peu après.
Kendrys se redressa, son attention soudainement piquée.
— À quoi ressemblait-il ?
— Je ne sais pas, je n’étais pas là. Mais je peux trouver quelqu’un qui l’a vu.
La vieille dame se leva et sortit de la pièce, laissant Kendrys seule. Alors qu’elle continuait d’examiner la chambre, une odeur de soufre saisissante emplit ses narines. Quand la femme revint, elle était accompagnée d’un jeune garçon.
— Peux-tu décrire l’étranger, Zall ? demanda la maîtresse de maison.
— Il était grand et mince, avec des cheveux châtains mi-longs et des yeux bruns. Il avait un fort accent et des habits colorés.
— Quel type d’accent ? s’enquit Kendrys, les yeux plissés.
— Il parlait lentement, en traînant sur les mots.
— C’est tout ?
Le garçon acquiesça timidement. Kendrys lui tendit une pièce de bronze en guise de remerciement, et la vieille dame le congédia.
— D’où vient cette odeur de soufre ? demanda Kendrys.
La femme renifla.
— Je ne sens rien.
Kendrys fronça les sourcils.
— D’accord… Et où est le corps ?
— Il a été brûlé, répondit la femme d'une voix à peine audible.
— Aussi vite ? demanda-t-elle, étonnée.
— On craignait une épidémie, répondit la vieille dame, le regard fuyant.
Le mystère s'épaississait. Elle resta immobile, fixant le lit vide. L'odeur de soufre qu’elle avait perçue n'était pas le fruit de son imagination.
Elle tourna à nouveau son regard vers la vieille dame, qui évitait toujours de la regarder dans les yeux.
— Qui a ordonné la crémation si rapidement ? demanda-t-elle.
— Le conseil, ils ne voulaient pas risquer une épidémie dans la ville.
Kendrys se redressa, son esprit travaillait à rassembler les pièces du puzzle. Elle devait en savoir plus sur cet homme avec l’accent, mais surtout, elle devait comprendre pourquoi le corps du Comte avait été brûlé si rapidement. Le fait que le conseil ait pris cette décision de manière aussi précipitée était suspect. Peut-être cherchaient-ils à dissimuler quelque chose.
— Merci pour votre aide, dit-elle finalement à la vieille femme. Je reviendrai si j’ai besoin de plus d’informations.
La femme hocha la tête, soulagée de voir Kendrys partir.
Kendrys se dirigea ensuite vers la demeure de Sir Jerffe, déterminée à découvrir des indices supplémentaires sur cette série de morts. Avant même qu'elle ne frappe à la porte, celle-ci s'ouvrit, révélant le fils du défunt. Il ressemblait beaucoup à son père : un visage marqué par la fatigue, des cheveux longs tombant en mèches sombres sur ses épaules, et des yeux d'un vert perçant.
— Calme-toi, déclara Kendrys en remarquant que son cou se contractait.
— Comment pourrais-je me calmer alors que mon père a été assassiné ? rétorqua-t-il, ses yeux étincelants de rage.
Sa peau commençait à se transformer, devenant écailleuse. Kendrys garda son calme.
— On va retrouver son assassin, répondit-elle avec assurance.
— Je n'ai pas besoin de vous pour le retrouver, répliqua-t-il sèchement.
Kendrys choisit de ne pas répondre, laissant ses mots en suspens. Elle entra dans la chambre de Sir Jerffe, où l’odeur pestilentielle de soufre, semblable à celle qu'elle avait sentie au domaine du Comte Fylk, l’accueillit. Comme le Comte, Sir Jerffe avait été trouvé mort dans son lit.
— Est-ce que tu sens une odeur de soufre ? demanda-t-elle en tournant la tête vers le fils du défunt.
Il secoua la tête, visiblement irrité par la question.
— Non, je ne sens rien.
Kendrys fronça les sourcils. Deux fois maintenant, elle avait perçu cette odeur distincte, mais personne d'autre ne semblait la remarquer.
— Avez-vous remarqué des gens étranges ces derniers temps ?
Le jeune homme plissa les yeux en réfléchissant.
— J’ai vu un homme qui cherchait son chemin. Un serviteur lui a indiqué la direction, mais il voulait absolument voir le maître de la maison. Je suis allé à sa rencontre, mais mon père n'était pas disponible.
— Votre père a-t-il été en contact avec cet homme ? insista Kendrys.
— Il était occupé, répondit-il avec un soupçon de dédain dans la voix.
Kendrys reprit calmement.
— Comment était cet homme ?
— De corpulence moyenne, avec des cheveux châtains mi-longs et des yeux bruns. Il portait des habits très colorés, décrit-t-il.
La description correspondait parfaitement à celle donnée par l’épouse du Comte Fylk.
— Avez-vous d'autres informations ?
— Non.
La froideur dans sa voix laissait peu de place à la conversation. Un serviteur l’attendait pour l'accompagner à la sortie. Kendrys prit un instant pour contempler la scène, laissant ses pensées vagabonder sur les similitudes entre les deux meurtres. Puis, sans un mot de plus, elle quitta la demeure.
Kendrys, enveloppée de flammes, traversa la ville à une vitesse fulgurante, laissant derrière elle une traînée de chaleur et de lumière. Ses mouvements étaient précis, ses pensées focalisées sur sa mission. Elle s'arrêta devant un imposant rocher à l'extrême opposé de la ville, un lieu connu de peu de gens. Avec un geste précis, elle traça un cercle avec son index, provoquant une fissure qui traversa le rocher. Celui-ci se fendit en deux, révélant un passage secret que seuls les initiés pouvaient trouver. Kendrys s'y engouffra, descendant des escaliers sinueux et sombres qui plongeaient dans les entrailles de la terre.
À la fin de l'escalier, une porte noire imposante se dressait, suintant une substance dense et visqueuse qui s'écoulait des parois comme une plaie ouverte. La porte semblait presque vivante, palpitante d'une énergie sinistre. Soudain, une bouche immense émergea du liquide, assez large pour engloutir le torse de Kendrys. Ses lèvres épaisses se tordirent en une moue menaçante.
— Le code, répliqua une voix suave, émanant de la bouche.
Sans perdre un instant, Kendrys récita une incantation, mais la bouche remua, dédaigneuse.
— Refusé, siffla-t-elle, sa langue serpentaient dans l'air, laissant derrière elle une traînée de bave visqueuse.
Kendrys, loin de se laisser intimider, répéta le geste, cette fois en levant son index et son majeur, traçant des cercles plus larges dans les airs.
— REFUSÉ, REFUSÉ. C'est ta dernière chance, Kendrys, hurla la voix, amplifiant la tension dans l'air.
La bouche se mit à gonfler, menaçant de l'avaler tout entière.
— Ouvre-moi la porte ou je la fais fondre, répliqua Kendrys d’un ton glacial.
Les flammes autour d'elle s’intensifièrent.
— Ce n'est pas du jeu ! s'exclama la voix, agacée.
Kendrys ne répondit pas, ses mains s’enflammèrent, crépitant avec une intensité menaçante.
— Je n'ai pas le temps de jouer, déclara-t-elle, ses poings serrés dans une étreinte de feu.
À contrecœur, la porte s'ouvrit, révélant un marché souterrain animé, une caverne immense où des centaines de personnes se déplaçaient entre les étals, négociant toutes sortes de biens rares et interdits. Le marché était un chaos organisé, un endroit où tout avait un prix, même l’âme des hommes. La porte se referma derrière elle avec un fracas violent, manifestant son mécontentement, mais Kendrys ne lui prêta plus aucune attention.
Sans perdre de temps, elle se dirigea vers un petit commerce niché dans un coin obscur du marché. L'intérieur était faiblement éclairé, des étagères remplies de fioles étranges et de parchemins jaunis tapissaient les murs. Un homme se tenait derrière le comptoir, ses yeux d’un jaune scintillant, et ses doigts anormalement longs.
— Puis-je vous aider ? demanda-t-il.
— Je cherche des informations, répondit Kendrys en posant trois pièces d'or sur le comptoir, le tintement du métal résonna dans l'air lourd du magasin.
Le marchand s'inclina légèrement, ses doigts s’allongeant encore plus et montèrent lentement vers le plafond.
— Comment puis-je vous aider ?
— Je cherche un homme qui sent le soufre et amène des maladies, déclara-t-elle.
Les doigts du marchand se mirent à s'étendre encore plus, se transformant en racines fines qui frémirent dans l’air avant de disparaître dans les murs. Kendrys resta immobile, attendant qu'il trouve les informations qu'elle cherchait.
Après ce qui sembla une éternité, il répondit enfin, d’une voix plus grave.
— J’ai quelqu'un qui pourrait vous fournir des informations.
— Qui ? insista-t-elle, ses yeux perçant les ténèbres qui entouraient le marchand.
Il hésita, ses racines frémissant légèrement.
— Je ne sais pas si je devrais…
Sans un mot, Kendrys posa trois autres pièces d'or sur le comptoir, mais l'homme hésitait toujours. Elle ajouta alors cinq pièces supplémentaires, son regard devint glacial.
Le marchand soupira, cédant enfin à l’offre irrésistible.
— Je vais le faire alors.
Ses doigts-racines se rétractèrent, redescendant avec un flacon en main. Il le tendit à Kendrys. Elle glissa la fiole dans sa poche. Puis, sans un regard en arrière, elle quitta le marché souterrain.
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