Chapitre 3 : Un Repos bien mérité (Rouis)

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L'entrée de Bourg-en-Clair était impressionnante, avec ses hauts murs de pierre et ses tours de garde qui s’élevaient vers le ciel. La route principale, pavée de dalles, menait à une grande porte en bois renforcée de fer. De chaque côté, des tours surveillaient les environs, ornées de créneaux et de meurtrières. Elles étaient occupées par des soldats en armure noire, tenant des arcs prêts à l'action. Des drapeaux verts avec un lion doré flottaient à leur sommet.

Devant l’ouverture, un groupe de soldats se tenait droit, leurs armures étincelaient sous le soleil. Le capitaine de la garde, identifiable par son insigne doré en forme de lion, supervisait la scène. Des gardes approchèrent les visiteurs, leur demandant leur identité et la raison de leur venue.

Après une fouille méthodique, les visiteurs furent autorisés à entrer dans la ville, franchissant la grande porte qui s’ouvrit dans un grincement. Derrière les murs, Bourg-en-Clair révélait un dédale de rues animées.

  • Il y a beaucoup de gardes, lâcha Ambre, étonnée.

Le déploiement de gardes était démesuré pour une bourgade de cette taille. Les soldats étaient omniprésents, patrouillant sans cesse dans les rues.

Rouis et Ambre se dirigèrent vers une auberge pour apaiser leur faim. L'enseigne en bois, suspendue par une chaîne rouillée, représentait un lit et une tasse. La porte d'entrée, en bois usé, grinça en s’ouvrant.

À l'intérieur, l'auberge était éclairée par quelques lanternes à huile et une cheminée où crépitait un feu de bois. Les tables et les bancs en bois étaient rudimentaires, et le sol était recouvert de nattes de paille. Le comptoir, fait de planches de bois brut, était orné de jarres en terre cuite contenant des herbes séchées et des épices locales.

L'aubergiste, un homme âgé portant un tablier, accueillit les voyageurs avec un large sourire. Bientôt, deux assiettes d’agneau accompagnées de pommes de terre furent servies. Affamée, Ambre s'abandonna à son repas avec voracité.

Après avoir mangé, ils se rendirent au marché pour acheter les provisions nécessaires à leur périple. Les étals étaient chargés de fruits frais, de légumes, de viandes séchées et de pains tout juste sortis du four.

Le marché s’étendait sur une centaine de mètres, animé par le brouhaha des marchands et des acheteurs. Les étals en bois, couverts de toiles colorées, formaient des rangées irrégulières créant des allées sinueuses. Des banderoles flottaient au-dessus des stands.

L'air était saturé de parfums : l'arôme des herbes et des épices, l’odeur des fruits mûrs, et le fumet des viandes grillées. Les marchands criaient leurs offres, vantant la qualité de leurs marchandises, tandis que le cliquetis des pièces de monnaie résonnait.

Un herboriste exposait des rangées de fioles et de jarres en céramique, parmi lesquelles on trouvait de la "Camomille de la Lune", de l'"Élixir de Vie", du "Baume du Soir", et de la "Poudre de Rêve". Des boîtes en bois abritaient des sachets de thés médicinaux et des mélanges d'herbes séchées. De petits mortiers et pilons en pierre étaient disponibles pour moudre les plantes sur place.

L'herboriste, une femme d'un certain âge, se tenait derrière le comptoir. Ses cheveux gris, tressés et parsemés de petites fleurs sauvages, encadraient un visage aux yeux verts. Elle portait une robe en lin vert foncé, avec une large ceinture de cuir ornée de poches contenant des ciseaux en argent, de petits couteaux et des sachets de graines.

Ensuite, ils passèrent devant le forgeron. Torse nu sous son tablier de cuir, il martelait une lame sur son enclume, faisant jaillir des étincelles à chaque coup. Ses étals présentaient une gamme d'armes et d'outils, allant des épées et des haches aux faucilles et marteaux, leurs lames brillaient sous la lumière.

À côté, un stand de tissus offrait des étoffes variées, allant du lin simple aux soies délicates, empilées en rouleaux. Ambre s'arrêta pour admirer les étoffes, elle passa ses doigts sur la texture douce.

Un peu plus loin, l'odeur alléchante du pain frais et des pâtisseries attirait les gourmands. Une boulangère, le visage souriant et les joues rosies par la chaleur du four, proposait des échantillons de ses tartes aux fruits et de ses pains aromatisés aux herbes. À côté, un marchand de fromage exposait des meules odorantes aux croûtes variées, tandis que des chèvres attachées à des piquets broutaient à proximité. Les fromages étaient de toutes formes et tailles.

Des artisans locaux exposaient leurs créations : des bijoux en argent ciselés, des sculptures en bois, et des poteries aux motifs colorés. Un barde, assis sur un tonneau renversé, jouait une mélodie envoûtante sur sa lyre, attirant une foule captivée autour de lui. Pendant ce temps, des enfants débordant d'énergie couraient et s’amusaient entre les stands.

L'armurerie se dressait au bord du marché, ses murs de pierre renforcés par des poutres de chêne. Au-dessus de la porte principale, une enseigne en métal forgé représentait un bouclier orné de deux épées croisées. Le sol en dalles de pierre résonnait sous leurs pas.

À l'intérieur, des râteliers et des étagères débordaient d'armes variées : épées, haches, masses. Au centre de la pièce, des mannequins en bois exposaient des armures complètes : cuirasses d'acier, hauberts de mailles entrelacées, et casques à visière. L'air était imprégné de l'odeur métallique du fer et du cuir.

Derrière un comptoir en bois, se tenait le marchand, un petit homme aux doigts ornés de bagues. Ses cheveux noirs, striés de gris, étaient tirés en arrière.

Une épée légère, au tranchant étincelant et au manche de bois rustique, attira l’attention de Rouis. Après un peu de marchandage, il réussit à l’acquérir pour trois pièces d’argent. En plus de l’épée, il choisit une douzaine de couteaux de lancer et une ceinture de rangement, le tout pour sept pièces d’argent.

Les yeux d’Ambre brillaient d’excitation en observant les lames. Son sourire s’élargit tandis qu’elle s’approchait des étals, ses doigts effleurant les poignées. Lorsque Rouis lui tendit l'épée, elle la saisit maladroitement avant de la laisser tomber au sol, surprise par le poids de l'arme.

  • Marchand, apportez-moi des dagues, déclara Rouis.

Le vendeur revint avec trois dagues disposées sur un coussin de velours. Ambre les examina attentivement et prit celle du milieu : une petite lame aux reflets marbrés montée sur un manche en bois violet veiné. Ses doigts glissèrent sur la surface lisse du métal et du bois poli.

  • Je veux celle-là, déclara-t-elle d’une voix ferme.

Rouis s'approcha et choisit la première dague : une lame en acier léger mais robuste, montée sur un manche en cuir tressé. Il la leva pour la tester, satisfait de sa prise en main.

  • Celle-ci fera l'affaire, annonça-t-il.
  • Je veux l'autre ! insista-t-elle avec impatience.

Rouis en haussa les épaules.

Le marchand revint avec un fourreau en cuir souple et robuste. D'un brun foncé presque noir, il était orné de motifs gravés à la main. Le cuir avait une brillance naturelle, rehaussée par des fils d'or incrustés le long des bords. La boucle de fermeture en argent ciselé arborait des motifs floraux. L'intérieur du fourreau était doublé de velours, protégeant la lame des rayures et des chocs.

  • Elle coûte 6 pièces d’or, déclara-t-il.

Ambre, sans une once d'hésitation, sortit les pièces de sa bourse et les remit au marchand. Celui-ci se frotta les mains. Elle avait payé beaucoup trop cher, mais Rouis s’en moquait. Ils quittèrent l’armurerie.

Ambre, visiblement ravie de sa nouvelle acquisition, jouait avec sa dague. Elle effectuait des mouvements circulaires exagérés, ses gestes manquant de coordination et de précision, rendaient ses tentatives de figures martiales ridicules. Ses bras se mouvaient avec trop d'élan, envoyant la dague tourbillonner maladroitement dans l'air, et ses pieds ne suivaient pas un schéma défini, la faisant tourner et trébucher légèrement sur les pavés.

  • Ce n’est pas le bon vieux Rouis, frérot ? lança une voix rocailleuse.

Rouis se retourna pour faire face à un petit homme costaud au visage dur, ses yeux pétillants d’une lueur malicieuse. Ses cheveux noirs en bataille et sa barbe hirsute lui donnaient une allure de voyou. Il arborait un sourire large, presque provocateur. Sa tenue était usée : une chemise en toile épaisse, décolorée, et un gilet en cuir sombre, éraflé et patiné, orné de nombreuses poches. Son pantalon brun en toile était renforcé aux genoux, et il portait des bottes en cuir couvertes de boue séchée. Autour de son cou pendait un collier de chaînes en fer avec un pendentif en forme de croix.

À ses côtés se tenait un homme beaucoup plus imposant. Grand et musclé, il avait des épaules larges et un visage marqué par une cicatrice traversant son sourcil. Ses yeux d’un bleu perçant scrutaient Rouis avec intensité. Il portait une armure légère en cuir noir, renforcée par des plaques métalliques aux épaules et au torse. Son pantalons, également en cuir, étaient renforcés aux cuisses et aux genoux, et une large ceinture autour de sa taille était ornée d’une boucle en métal.

  • Je ne vous connais pas, répliqua Rouis.
  • Nous, on te connaît bien, du con, et tu n’es pas le bienvenu ici, ajouta le plus petit des deux, un sourire cruel dévoilant ses dents aiguisées.
  • Je ne reste pas, répondit Rouis.

Le petit costaud s’avança brusquement, décochant un coup que Rouis para facilement. Rouis riposta avec deux coups de poing rapides. Mais le grand homme, resté en retrait, n’était pas inactif. Armé d’un tuyau de fer, il frappa vers le visage de Rouis.

Rouis para le coup avec son bras, mais le choc brutal fit vibrer son os et il vacilla. Un coup supplémentaire, cette fois-ci dans le ventre, le projeta au sol.

Ambre hurlait à côté. Les coups pleuvaient, impitoyables, les poings des assaillants martelaient le visage de Rouis. Dans un ultime effort, Rouis tenta de saisir son épée, ses mains tremblantes sous l’effet de la douleur, mais son corps restait cloué au sol.

Un sifflement strident déchira l’atmosphère, se faisant entendre au-dessus du fracas de la bagarre.

  • Les gardes ne doivent pas m’attraper, gronda la voix rocailleuse.

Les coups s’interrompirent enfin, laissant place au silence. Rouis, étendu sur le sol, percevait la voix d’Ambre, mais ses mots étaient lointains et indistincts, comme à travers une brume épaisse.

Une fatigue immense s’empara de lui ; il voulait tellement dormir.

  • Les gardes… Ambre… pas… attraper , parvint-il à articuler entre deux respirations saccadées.

Il gisait sur le sol, tandis que les deux hommes qui les avaient agressés s'enfuyaient à toutes jambes, leurs silhouettes se fondant dans l’ombre des ruelles. Ambre, paniquée, tenta désespérément de soulever le corps de Rouis, mais il était trop lourd.

Un vieil homme sortit de sa maison, alerté par le bruit. Ambre se précipita vers lui, en pleurs.

  • Aidez-moi, s’il vous plaît, implora-t-elle.

Le vieil homme la regarda avec suspicion, hésitant un instant.

  • Deux hommes nous ont agressés, réussit-elle à articuler malgré sa voix cassée.

Elle désigna Rouis d'un geste tremblant, ses mains secouées par des spasmes. Il suivit son regard et, voyant l’état de Rouis, se décida enfin. Ensemble, ils soulevèrent Rouis, le portant tant bien que mal vers la maison.

  • Par ici, murmura le vieil homme en guidant Ambre.

Chaque pas durait une éternité, les gémissements étouffés de Rouis se mêlant aux sanglots d’Ambre. Les pieds de Rouis traînaient sur le sol.

La porte était basse et étroite ; Ambre dut se courber pour passer. Faite de planches de bois clouées ensemble et renforcée par des bandes de fer, elle arborait une poignée en fer forgé ternie. Les charnières, également en fer, grinçaient à l’ouverture. Ils franchirent le seuil et déposèrent Rouis sur une paillasse dans une petite pièce. Le vieil homme se redressa, essuyant son front ridé.

Le salon était modeste, avec des murs en pierre brute et un sol en terre battue recouvert de tapis de paille. Une cheminée, où brûlait un feu crépitant, occupait un coin. De simples meubles en bois — une table basse, quelques chaises et un coffre — meublaient la pièce. Des herbes séchées pendaient du plafond, et une faible lueur émanait d'une lanterne à huile suspendue. L'air était imprégné d'une odeur de fumée et de plantes médicinales.

  • Je vais chercher de l'eau et des bandages, déclara-t-il.

Ambre avait les yeux fixés sur Rouis, dont le visage pâle était couvert de sang. Elle serra sa main, des larmes coulant sur ses joues.

Le vieil homme revint avec une bassine d'eau et une trousse de secours usée. Il se pencha sur Rouis, tandis qu'Ambre, debout, regardait anxieusement.

Il imbiba un chiffon propre d'eau claire et commença à nettoyer les plaies, essuyant délicatement le sang et la saleté. Les contusions violacées et les coupures profondes étaient maintenant visibles. Rouis gémit.

  • Ça va piquer un peu, murmura le vieil homme avant d'appliquer un antiseptique sur les plaies.

*****

La chambre, encombrée de bibelots, était tapissée de papier peint à motifs floraux jaunis.

Tu es si faible gronda une voix grave.

Rouis se réveilla en sursaut, la douleur irradiant chaque centimètre de son corps. Le plancher en bois craquait sous ses pas.

Les murs étaient décorés de cadres anciens avec des paysages. Le mobilier était un mélange éclectique de pièces antiques. Un grand lit à baldaquin trônait au centre de la pièce, ses lourds rideaux de velours rouge étaient défraîchis.

Autour du lit, des bibelots jonchaient le sol. Des livres à la reliure craquelée étaient empilés de manière anarchique, certains ouverts à des pages marquées par des signets colorés.

Dans un coin de la pièce, des étagères débordaient de curiosités : des statuettes en porcelaine, des vases, des globes terrestres miniatures et des boîtes à musique. Un secrétaire en bois de noyer était installé près de la fenêtre, avec une chaise assortie recouverte d'un coussin en velours, invitant à s'asseoir pour lire ou écrire. Sur le bureau, des plumes, un encrier et des carnets à couverture de cuir étaient soigneusement disposés.

Le t-shirt de Rouis était déchiré en deux, laissant entrevoir des dizaines d'ecchymoses. Son bras enveloppé dans un bandage, il se leva péniblement, chaque mouvement réveillant une douleur. Progressant avec lenteur, il s'efforça d'ignorer la souffrance. Pas à pas, il avança vers la porte et descendit lentement un escalier raide, ses mains moites s'accrochaient à la rambarde en bois rugueux. Chaque pas résonnait dans le silence de la maison.

En bas, un vieil homme était assis dans un canapé. Ses cheveux longs et gris encadraient son visage ovale, il arborait une grande barbe et une moustache grises. Rouis se mit sur ses gardes, tous ses sens en alerte.

  • C’est moi qui t’ai soigné, déclara Luc.

Rouis, encore étourdi, leva les yeux vers lui, ses pensées brouillées.

  • Qu’est-ce qu’il m’est arrivé ? demanda-t-il.
  • Deux hommes t’ont agressé, répondit Luc.

Rouis se remémorait les coups, la douleur vive du métal contre sa peau. Il serra les dents, ses mains encore engourdies.

Sans cette satanée barre de fer, je les aurais battus, maugréa-t-il.

  • Où est la jeune fille ? demanda Rouis en cherchant Ambre du regard.
  • Elle est partie faire des courses, répondit Luc.

Le vieil homme se leva de son fauteuil et lui offrit un bol de soupe fumante. Une fragrance d'oignon emplissait la pièce. Rouis porta le bol à ses lèvres.

  • Tu veux une tranche de pain ? proposa Luc.
  • Non merci.
  • Comme tu veux, répondit Luc en haussant les épaules.

D’un geste assuré, il découpa deux larges tranches de pain qu’il garnit généreusement de fromage. Le ventre de Rouis laissa échapper un gargouillement, trahissant son appétit malgré ses paroles.

  • Tu es sûr ? demanda-t-il avec un sourire en coin.
  • Je veux bien.

Luc coupa alors deux autres tranches de pain et y ajouta deux morceaux de fromage sur chacune d’elles. Rouis trempa le pain dans la soupe, les souvenirs des mixtures aux herbes que préparait sa mère lui revenant en mémoire. Cependant, les siennes étaient souvent mauvaises, surtout celle aux orties.

  • C’est bon, murmura-t-il entre deux bouchées

Un sourire fugace éclaira son visage.

  • Content que ça te plaise. Ma femme avait l’habitude de préparer cette soupe.

Le silence retomba dans la pièce, ponctué seulement par le bruit des cuillères contre les bols et le crépitement du feu dans la cheminée.

  • Qu’est-ce que tu fais dans cette ville ? demanda Luc.
  • J’escorte Ambre à la capitale.

Rouis planta un croc dans son pain au fromage.

  • Y a-t-il un lien avec l’agression que tu as subie ?
  • Aucun, c’est un pur hasard.

Luc garda le silence pendant plusieurs minutes. Pendant ce temps, Rouis dévora le repas, encore affamé. Luc lui resservit un bol de soupe et deux morceaux de pain. Rouis les engloutit avidement, son ventre se remplissaient peu à peu, mais la faim persistait, insatiable.

Le vieil homme semblait soudainement très âgé, son visage marqué de rides profondes, et sa silhouette, si fragile.

  • Je vais aller faire une sieste. Tu peux rester ici ou te balader dehors.

Il désigna du doigt une chaise avant de monter à l'étage. Dessus reposait une paire de clés, attachées ensemble par un anneau en fer forgé. À côté des clés, des vêtements simples étaient pliés : une chemise en lin, d'un blanc cassé et légèrement usée, et un pantalon en toile brune, solide et pratique pour les voyages. Une ceinture en cuir, avec une boucle de métal poli, complétait l’ensemble.

Le silence retomba. Rouis se dirigea vers la cuisine, ses pensées encore en désordre après les événements récents.

Les murs étaient recouverts de papier peint à motifs floraux, leurs coins légèrement décollés dévoilaient des couches de peinture violettes. Le plafond, bas et jauni, était décoré de poutres en bois sombre. Le sol était fait de larges planches de bois ; certaines planches grinçaient sous les pas.

Au centre de la pièce se trouvait une petite table en formica, entourée de chaises dépareillées. La table était couverte d'une nappe en toile cirée, ornée de motifs fruitiers, et d’une petite lampe à huile. Les armoires de la cuisine, en bois massif peint en blanc écaillé, révélaient des étagères remplies de vaisselle.

Au fond de la cuisine, une porte en bois massif menait vers le jardin. Elle était parsemée de traces de griffes. Lorsqu'elle s'ouvrit, elle dévoila un petit jardin bien entretenu, avec un potager à l’arrière, où les légumes et les herbes prospéraient dans l'ombre des arbres environnants. Des rangées de carottes, de tomates, et de fines herbes étaient alignées.

Une petite allée pavée serpentait à travers le jardin, menant à un banc en bois.

S'habiller avec un bras cassé fut difficile, mais il parvint à le faire malgré la douleur.

Il sortit dehors et frissonna. Le froid mordant enveloppait la ville de son manteau de givre, des flocons de neige tombaient doucement. Les toits des maisons, les branches des arbres, et les rues pavées étaient recouverts d'une couche épaisse de neige. Les habitants, emmitouflés dans des manteaux épais, des écharpes douillettes, et des bonnets chauds, se hâtaient dans les rues, laissant derrière eux des empreintes profondes dans la neige fraîchement tombée. Leurs souffles créaient des nuages de vapeur dans l'air glacé.

On pouvait entendre le tintement lointain des cloches d'une église. Les vitrines des magasins étaient éclairées. Les enfants, vêtus de leurs tenues colorées, jouaient, lançant des boules de neige et construisaient des bonshommes de neige.

Rouis marchait lentement, chaque pas résonnaient de manière étouffée dans la neige.

Il se dirigea vers un café pour trouver refuge. Le sol était recouvert de carrelage en damier noir et blanc, impeccablement nettoyé, tandis que des tapis persans ajoutaient une chaleur supplémentaire. Les murs étaient tapissés de papier peint à motifs géométriques, éclairés par des appliques murales en laiton. Le comptoir du café, fait de bois sombre et de marbre poli, s’étendait sur toute la longueur de la pièce. Derrière, une machine à café exhalait l'arôme de grains fraîchement moulus. Des serveurs, vêtus d'uniformes en soie verte, s’affairaient derrière le comptoir.

Des étagères en bois sombre, ornées de pots de céramique remplis de thé et de café en vrac, occupaient un coin de la pièce. Des boîtes à biscuits en verre transparent, contenant des gâteaux et des friandises, invitaient les clients à une pause gourmande. La musique d’ambiance flottait à peine dans l’air. Le murmure des conversations était ponctué par le bruit des cuillères remuant le sucre et le froissement des pages tournées.

Rouis s'installa à une table près de la fenêtre, où il pouvait observer les passants emmitouflés. La vitre était légèrement embuée. Il se perdit un moment dans la contemplation des flocons de neige qui tourbillonnaient. Le serveur s'approcha, un sourire professionnel sur les lèvres.

— Vous désirez quelque chose ? demanda-t-il poliment.

— Juste un peu de chaleur, répondit-il.

Le serveur partit le menton haut.

Tu es si faible, lança une voix avec mépris.

— Qui a dit ça ? demanda Rouis en scrutant les alentours.

Les clients le dévisageaient, murmurant entre eux.

Tu es si faible, gronda à nouveau la voix, cette fois plus clairement dans son esprit.

Rouis bondit de son siège, cherchant la source de cette insulte. Le serveur revint en fronçant les sourcils.

— Calmez-vous, Monsieur, ordonna-t-il.

Dans un élan de colère, Rouis donna un coup dans le ventre du serveur. Celui-ci s’effondra sur le sol, sous les regards médusés des clients. Les murmures cessèrent.

Soudainement conscient des regards qui pesaient sur lui, Rouis se dirigea vers la sortie en hâte. Il marcha rapidement dans les rues. Son cœur battait la chamade et son souffle était court alors qu'il retournait à la maison du vieil homme.

Ambre découpait des carottes penchée sur la table. En entendant la porte s’ouvrir, elle abandonna son couteau et se précipita vers Rouis, les bras grands ouverts.

  • Rouis ! Tu es enfin réveillé ! s'exclama-t-elle, son visage illuminé alors qu’elle l’enlaçait.
  • Tu es plus gentille que d’habitude, lança-t-il en riant, un sourire fatigué sur les lèvres.

Ambre se détacha, ses joues prenant une teinte rosée sous la gêne. Elle détourna les yeux, embarrassée.

  • Je pensais que tu allais mourir, murmura-t-elle.
  • Heureusement que Luc t’a sauvé. Il t’a recousu le bras et t’a soigné, répondit-elle.

Rouis se massa le menton, l'air pensif.

Quand j’aurai retrouvé ma bourse, je lui donnerai dix pièces d’or, songea-t-il.

Il se tourna vers Ambre.

  • Il va falloir reprendre la route bientôt.
  • Tu n’es pas encore rétabli. Ton bras est toujours cassé ! protesta-t-elle.

Rouis balaya ses objections d’un geste de la main.

  • On n’a pas beaucoup de temps. On est déjà en retard.

Ambre soupira et retourna découper les légumes.

  • Combien de temps ai-je dormi ?
  • Trois semaines, répondit-elle.
  • Merde, merde, merde ! Ce n’est pas possible ! répliqua-t-il, les poings serrés.

Ambre haussa les épaules.

  • Ce n’est pas grave ! lança-t-elle, puis retourna à ses légumes.

À ce moment-là, Luc entra dans la pièce, les mains encore couvertes de farine. Il le salua avec un sourire et alla aider Ambre au fourneau.

Rouis se laissa tomber sur une chaise, abattu. Il se passa la main sur le visage, réfléchissant à leur retard. Cela compliquait sérieusement leurs plans.

Rouis se leva.

— Qu’est-ce qu’a la porte ? demanda-t-il.

— Des loups l'ont défoncée et mangé toutes les réserves, soupira Luc.

Rouis fronça les sourcils, perplexe.

— Ça ne ressemble pas au comportement des loups.

Luc s'arrêta brusquement de découper les légumes, fixant Rouis.

— Ça m’a autant surpris que toi. J’ai entendu un bruit sourd, je suis descendu, et là, plus de nourriture et la porte complètement détruite. Ils sont même revenus plusieurs fois.

La soirée se déroula tranquillement. Après le souper, Ambre et Luc allèrent se coucher, laissant Rouis seul.

Il installa une chaise près de la porte, ses muscles tendus et son esprit en alerte. Armé d'une dague, il se prépara à passer la nuit. Il regarda autour de lui, vérifiant chaque recoin de la pièce, s'assurant que tout était en ordre. Les flocons de neige continuaient de tomber dehors.

S’il se passait quelque chose cette nuit, il serait prêt à le gérer. Il avait l'intention de rembourser sa dette envers Luc.

Rouis se réveilla en sursaut. Ambre se penchait au-dessus de lui, le visage crispé.

— Tu n’as rien entendu ? s’exclama-t-elle.

Rouis jeta un coup d'œil autour de lui et constata que les réserves étaient une fois de plus vides. La nourriture, soigneusement stockée la veille, avait de nouveau disparu sans laisser de traces.

— Je n’ai rien entendu, murmura-t-il, hagard.

Ambre et Rouis examinèrent la porte ensemble. Cette fois, il n'y avait aucun signe d'effraction ni de griffures. La porte était intacte.

— Si tu avais faim, tu aurais pu simplement le dire… soupira Ambre, les sourcils froncés.

— Je n’ai rien mangé, répéta Rouis, sa voix pleine de frustration.

Elle le fixa avec méfiance, ses yeux perçants accentuant son irritation.

— Quel goujat ! Tu as mangé toute la nourriture ! répliqua-t-elle, sa voix montait dans les aigus.

Rouis serra les poings, sa patience s’effritait.

— Je te dis que ce n'est pas moi !

— Alors qui ? lança Ambre, les yeux flamboyants de colère.

À ce moment-là, Luc descendit en pyjama, attiré par les éclats de voix.

— Qu'est-ce qui se passe ici ? demanda-t-il, les yeux plissés de fatigue.

Ambre se tourna vers lui, désignant Rouis d'un geste accusateur.

— La nourriture a encore disparu, et Rouis prétend qu'il n'a rien entendu !

Luc fronça les sourcils, son regard passant tour à tour sur les deux jeunes gens.

— Calmez-vous. Ce n’est pas en nous accusant les uns les autres que nous allons résoudre ce problème.

Rouis se massa les tempes, essayant de calmer son esprit agité. Il prit une profonde inspiration.

— Je ne comprends pas ce qui s'est passé. Je n'ai rien vu ni entendu, déclara-t-il.

Ambre croisa les bras, visiblement encore sceptique.

Luc, avec un soupir, se dirigea vers la porte pour l'examiner de plus près. Après quelques instants, il se tourna vers Rouis et Ambre.

— Peut-être qu'il y a un passage ou une cachette que nous n’avons pas encore découverte. Je vais vérifier la maison.

Luc tendit à Rouis quelques pièces de bronze.

— Tu feras les courses pour ce midi.

Rouis ramassa les pièces tandis qu’Ambre, en colère, monta dans sa chambre sans un mot.

— Ça va lui passer, déclara Luc d'une voix douce en regardant Ambre partir. Il donna une autre pièce à Rouis.

— Si tu veux boire une bière.

— Merci.

Luc se dirigea vers la cuisine et se mit à préparer une omelette au lard. L'odeur succulente de la cuisson envahit la pièce. Ambre ne descendit pas pour le déjeuner.

— Elle était très inquiète pour toi, déclara Luc en versant de l'eau dans des verres.

— Ça m’étonnerait, répondit Rouis.

— Je t’assure, insista-t-il. Elle a veillé sur toi toutes les nuits, changeant tes draps et prenant soin de toi.

Rouis resta silencieux un moment, le regard perdu dans ses pensées.

— Je ne savais pas, murmura-t-il.

Ils continuèrent de manger en silence pendant quelques minutes.

— Tu veux une bière ? proposa Luc.

— Avec plaisir, répondit Rouis.

Luc se leva et revint avec deux bières fraîches. Ils trinquèrent en silence.

*****

Rouis fit rapidement les courses et se dirigea vers une taverne. Il s’installa avec une chope de bière fraîche à la main. Les murs de la taverne étaient tapissés de souvenirs hétéroclites : des chapeaux de feutre ornés de plumes, des lanternes en cuivre patinées, et des instruments de musique tels que des luths et des flûtes en bois.

Il choisit une table dans un coin et s’assit, laissant son esprit vagabonder vers sa ville natale. En prenant une longue gorgée de bière, il se perdait dans ses pensées.

Des chandeliers en fer forgé, décorés de bougies à moitié consumées, éclairaient la pièce. Une vieille carte du royaume, jaunie et déchirée par endroits, ornait un mur. Rouis trouva sa ville d’origine sur cette carte, et ses pensées se perdirent dans les souvenirs de ce lieu familier.

Il se demandait comment tout avait évolué en son absence, ce que ses amis étaient devenus. Peut-être qu’avec la fortune qu’il amasserait, il pourrait retrouver son amie d’enfance. Elle avait sans doute changé depuis leur dernière rencontre. Est-ce qu’elle le reconnaîtrait ?

À travers la grande vitre de la taverne, Rouis observait les passants. Leurs visages étaient marqués par l’anxiété quotidienne. Les gens se hâtaient, emmitouflés dans leurs manteaux épais, leurs pas crissant sur le pavé.

Une vague de tristesse l’envahit alors qu’il réalisait combien les choses avaient changé. Tout ici lui était étranger, chaque rue et chaque visage. Les bruits familiers de son enfance lui manquaient.

Il se demandait si sa ville d’origine, aussi familière qu’elle ait pu être, serait encore reconnaissable lorsqu’il y retournerait, et s’il retrouverait un semblant de la vie qu’il avait autrefois connue.

Avec un soupir, il prit une autre gorgée de bière, essayant de noyer ses inquiétudes dans l’amertume du breuvage.

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