Luke reconnut tout ceux présent, sauf un, celui qui l’avait menacé plus tôt dans la journée. La princesse se tenait à la gauche du roi, arborant une belle robe tandis que ses cheveux étaient noués en une longue queue de cheval. Son expression était neutre, mais l’amnésique sentit qu’elle ne se sentait pas très à l’aise. La femme glaciale qui l’accompagnait tout à l’heure, Frose, était aussi là, ainsi que le garde royal qu’Eddie avait affronté en duel.

Le dernier participant l’observait avec un petit sourire en coin, ses cheveux noirs, avec des mèches rouges, lui tombaient devant les yeux. Il portait chemise noire et rouge ainsi qu’une armure légère, un couteau pendait à sa ceinture.

Le roi lui était assis nonchalamment, comme la dernière fois que Luke l’avait vu. Les torches projetaient une fine lumière sur son visage, lui donnant l’air menaçant. Il se leva avant de prendre la parole.

— Ta venue ici est bien restée un secret ?

— Oui votre majesté, répondit Luke, les mots lui brulant la langue.

L’homme sans nom fit un pas vers lui.

— Agenouille toi devant le Roi-dragon.

— Force-moi.

Luke n’eut pas le temps de le voir se déplacer, qu’il se retrouva dans son dos, sa main se posa sur son épaule et une force surhumaine le força à ployer le genou.

— Calme-toi Dreis, ordonna le roi.

L’homme enleva sa main en soupirant, et Luke se redressa en portant la main à sa ceinture par réflexe, il avait cependant laissé son arme dans sa chambre.

— Qu’est-ce que vous me voulez ? lança l’amnésique en direction du souverain.

— Fais attention à comment tu par...

— Il suffit !

Dreiss sursauta, avant de se reculer. Il avait une expression effrayée comme un chien qu’on gronderait.

— Reprenons, dit le roi. Que prévois-tu de faire à présent Lugn... il se reprit rapidement. Luke ?

— Me rendre à Egen dès que possible, répondit l’amnésique en soutenant le regard de son interlocuteur.

— Pourquoi donc ?

— On m’a conseillé de m’y rendre, et j’ai appris par Éléonore que c’est là d’où je venais, la première fois que je me suis présenté ici.

— Tu espère y retrouver la mémoire ?

— J’aimerais bien oui.

Le roi hocha la tête, pensif, avant de descendre les marches menant à son trône pour se rapprocher de Luke. Une fois à son niveau, il posa une main ridée sur son épaule.

— Tu sais, personnellement je ne crois pas une seule seconde à ton histoire d’amnésie, mais je n’ai rien dis parce que ma fille me l’a demandé.

Sa main se crispa, serrant plus fortement l’amnésique.

— Cependant certains de mes hommes m’ont conseillé d’agir, et je prends l’avis de mes fidèles soldats très au sérieux.

Eliott sourit, et Luke comprit tout de suite de qui le roi parlait.

— Tu vois mon cher Luke, je pense que tu t’es servie de nous une première fois, pour apprendre tous les secrets de notre pays, pour les communiquer à tes alliés. Aujourd’hui, tu recommences en profitant de l’affection que ma fille te porte.

— Vous vous méprenez totalement votre majesté.

— Mais comme tu le vois je suis très clément, je suis prêt à te rendre ta place de général, et à organiser de nouveau le mariage avec ma fille.

— Père !

Il se retourna sans rien dire, mais ce fut suffisant pour que Éléonore-Amy fasse un pas de recul. Le message était clair, sa fille était la pour regarder, pas pour intervenir.

— Qu’en penses-tu ? reprit Vershter-Oz Herrscher. Ton homme de main à fait forte impression auprès de mon peuple aujourd’hui, vous vous intégreriez parfaitement dans mon armée.

— Ce n’est pas mon homme de main, mais mon ami, corrigea Luke. Et je ne peux malheureusement pas accepter votre offre, je dois retrouver la mémoire pour d’autres raisons.

— Enlève-lui son gant, ordonna le roi en désignant Dreiss.

L’amnésique le fit avant que l’homme n’ait le temps de se déplacer, et il montra la marque au roi.

— C’est ça que vous voulez voir ? Je sais que vous avez espionnés nos conversations.

— Votre majesté, intervint Eliott. C’est bien ce que je pense ?

— Oui, c’est bien ça, la marque de l’ennemi de notre pays.

— Comment ça ? interrogea Luke.

Vershter-Oz Herrscher fit un geste de la tête, et Dreiss apparut dans le dos de l’amnésique, lui attrapant les deux bras avant de les bloquer dans son dos, l’immobilisant.

— Je ne sais pas quel lien tu as avec les Daevas, déclara le roi. Mais je ne peux pas te laisser partir d’ici.

— Les Daevas ? répéta Luke en essayant de se débattre. Qu’est-ce que vous racontez ?

— Mes espions sont revenus, je sais que ce sont eux qui attaquent mon pays, et aujourd’hui j’ai la certitude que tu fais partie de leur secte.

— Vous dites n’importe quoi !

— Comment expliques-tu cette marque alors ?

— Je vous l’ai dit ! se mit à crier Luke. Je ne me souviens de rien !

— Et le moment où tu as contrôlé les monstres ? Pourquoi aurais-tu un lien avec les monstres que les Daevas ont créés ?

D’où sort-il cette information ? Je n’ai jamais dit ça ?

Luke cessa de se débattre une seconde, pour regarder le roi droit dans les yeux, et ce dernier comprit qu’il avait donné une information en trop. Vershter-Oz Herrscher recommença vite à parler pour que personne dans la salle n’ait le temps de réagir.

— Tu ne veux toujours pas parler Lugné ? Tu simules encore ton amnésie ?

Le jeune homme allait répondre, quand il vit dans les yeux d’Éléonore qu’elle aussi commençait à douter de sa perte de souvenir.

Inutile d’essayer de les convaincre.

— Ou vous voulez en venir, hein ? cracha Luke. Vous vous trompez en ne me croyant pas, mais qu’est-ce que vous allez faire ? M’exécuter ?

— N’abuse pas de ma gentillesse, menaça le roi. Je vais te garder précieusement dans ma prison, le jour ou les Daevas seront là, tu feras une excellente monnaie d’échange.

Les mots du roi terminèrent de faire perdre patience à Luke, qui essaya de toute ses forces d’échapper à l’emprise de Dreiss. Il sentit la puissance de l’œil violet se répandre en lui, tandis que la marque se mit à émettre une lueur inquiétante. Mais le garde força davantage, si fort que l’amnésique eut l’impression qu’on lui brisait les bras.

C’est un monstre ce type ou quoi ?

— Laissez-moi l’amener dans les geôles, votre majesté, proposa Eliott en se courbant.

— Pas besoin, rejeta Vershter-Oz Herrscher. Dreiss va l’amener dans la prison du Roi-dragon, dont moi seul possède la clé. Toi va prévenir ses amis que Lugné a disparu.

Eliott acquiesça, en ayant l’air cependant très déçu par la nouvelle.

— Et je te conseille de rester calme, intima le roi en approchant son visage de celui de Luke, chuchotant pour que lui seul entende. Si tu ne veux pas qu’il arrive quelque chose à tes camarades, ils ne sont à l’abri nulle part ici.

Luke tenta de lui cracher au visage, mais Dreiss lui lança une droite si puissante, qu’il sentit sa tête de décrocher de son cou, et perdit connaissance pendant quelques minutes. Le temps d’être trainé dans les couloirs du château.

— Il a disparu ? s’exclama Elise.

— Il devait venir voir le roi, répondit calmement Eliott, le visage neutre. Mais il n’est jamais venu, s’il n’est pas ici, c’est peut-être qu’il a dû lui arriver quelque chose.

Eddie et les autres sortirent de leur chambre en entendant la jeune femme crier, pour découvrir le garde royal en train de lui parler.

— Qu’est-ce qu’il se passe ? Pourquoi l'enfant est là ? demanda Eddie en désignant le porteur de relique du menton.

— Luke est introuvable, expliqua Elise, l’air inquiète.

Sho’Ryu mit sa main sur Shiroi, le pouvoir de la lame blanche lui permit d’observer toutes les sources magiques sur plus d’une centaine de mètres. Le mana de Luke était introuvable.

— Il n’est plus dans le château, indiqua le nijimien.

— Nous allons réquisitionner des soldats pour partir à sa recherche, dit Eliott. Avez-vous une idée d’endroit ou il aurait pu se rendre ?

Des flammes crépitèrent, et en un instant Ignis était pointé vers le visage du garde royal.

— Vous n’êtes pas en train de nous la mettre à l’envers j’espère ? dit Eddie. Si j’apprends que vous avez fait quoi que ce soit à Luke, je repeins tout ce stupide château avec ton sang.

— Calme-toi Eddie, intima Sokann en posant sa main sur le manche de l’épée. Ce sont nos alliés, pas nos ennemis.

— Il a raison, ajouta Eliott. Nous allons le retrouver ensemble.

Tu seras le premier que je tuerais, Chafe.

Il les salua, et s’éloigna rapidement dans le couloir. Il croisa un soldat qui faisait son tour de garde, et lui hurla dessus de se dépêcher de mener les recherches, sachant pertinemment que personne ne pourrait trouver Luke.

Eliott se rendit dans ses quartiers, en colère car tout ne s’était pas passé comme prévu. L’amnésique était à présent hors d’atteinte, la prison de Roi-dragon n’étant accessible que par les membres de la famille royale. Le porteur de relique frappa du poing sur son bureau, jusqu'au bout cet idiot de roi lui mettrait des batôns dans les roues. Eliott avait eu un mal de chien à lui faire déclarer la guerre contre Astria, et encore plus de difficultés à lui faire accepter l'alliance avec les Daevas. A présent il maintenait les portes fermés pour empêcher ses alliés Daevas d'entrer dans la ville, mais le vieil homme ne savait pas qu'ils étaient tout de même parvenu à entrer dans la capitale.

Mais aujourd'hui tout était en route, et plus personne ne pouvait empêcher ce qui allait arriver à Drocia. A l'heure actuelle il ne devait plus rester un seul être vivant dans tout le pays, et les restes affaiblit de l'armée se trouvait à la capitale, rien ne pouvait s'opposer à eux.

Il remarqua quelque chose sur son lit, une lettre marquée d’un sceau, un œil violet. Il l’ouvrit et la lut rapidement, un grand sourire sur le visage.