Chapitre 8.5 :
Les yeux de Sho’Ryu allaient de rapport en rapport, lisant rapidement les conversations retranscrites ainsi que les échanges que les échanges d’argent. Presque tout était renseigné avec précisions, ce général Livink devait être quelqu’un d’extrêmement consciencieux.
Assez pour coder chacun de ses papiers, de sorte que personne ne puisse les lire sans connaître la méthode utilisée.
Mais pas assez pour prévoir que celui qui pénétrerait dans son bureau arracherait les tiroirs sans trop réfléchir, envoyant voler les documents dans toutes les directions certes, mais dévoilant la même manière le contenu des doubles fonds.
Sho’Ryu laissa tomber les comptes qu’il tenait et se leva de la chaise de Livink pour en chercher d’autres. Le nijimien ne connaissait pas trop Filencia, ni son mode de fonctionnement ni sa culture ne l’intéressait réellement de toute manière. Mais ce pays comptait de nombreux problèmes.
Plus d’une dizaine de seigneurs - et surement bien d’autres non renseignés dans les documents – conversaient régulièrement par lettres avec le général. Tous parlaient de leur grand projet commun, la chute du roi. A vrai dire cela n’importait pas plus au jeune homme, ils pouvaient bien décapiter leur roi sous ses yeux sans que cela ne change sa vie. Mais si cela devait se faire en sacrifiant des habitants innocents, il en était hors de question.
— Il en mets du temps, grommela-t-il en ramassant une autre liasse.
Il s’installa de nouveau devant le bureau et feuilleta rapidement. Encore un pot de vin à l’attention d’un certain Denis De Clève, désigné comme le capitaine de la garde de la région de Soreaune. Pas étonnant que personne ne vienne aider les pauvres villageois de Vitry, tout le monde était bel et bien au courant, mais aucun ne voulait leur venir en aide.
Ce pays est dégoulinant de corruption.
Il jeta négligemment la liasse qui tomba au milieu du tas sur le sol, mais quelque chose capta son attention. Un papier différent des autres s’était échappé, un symbole violet était apposé en bas à droite de la page. Sho’Ryu s’empressa de le récupérer. Impossible de décrypter quoi que ce soit cette fois-ci.
Il aurait caché un autre guide de décryptage ? Encore plus consciencieux que prévu.
Sho’Ryu avait pourtant l’impression que ce rapport était bien important que les autres. Le symbole en bas à droite de la feuille… Un œil représenté de manière simpliste recouvrant deux spirales qui s’entrecroisaient à plusieurs reprises… Il était sûr de l’avoir déjà vu une marque semblable quelque part.
Des hurlements le tirèrent de sa profonde réflexion.
Enfin le voilà.
Sho’Ryu plia la feuille pour la glisser dans une poche de sa veste et se réinstalla calmement dans le siège derrière le bureau. Il devait montrer qu’il n’avait pas peur de son adversaire.
Un grand choc retentit puis la porte traversa la pièce et passa juste au-dessus de sa tête, brisant la fenêtre derrière lui avant de terminer sa course dans la cour. Quelque chose d’autre lui fonça dessus et il vit une pointe de lance étinceler avant de s’abattre sur le bureau ainsi que sur la chaise. Par chance Sho’Ryu avait bondit sur le côté juste à temps.
L’armure rouge de l’homme resplendissait comme lorsqu’il l’avait vu tout à l’heure. Son expression elle, avait bien changé. Le triomphe et la confiance visible sur le visage du vieux général avait été remplacé par la colère.
Le général Livink se redressa en jouant avec sa lance, il la fit tourner autour de lui avant de se mettre en garde, prêt à attaquer. Son arme dégageait une aura presque aussi menaçante que son propriétaire et la pierre précieuse jaune sur son manche brillait.
La fameuse relique, Fulgur, la lance capable d’invoquer la foudre.
Sho’Ryu se demanda qui le lancier voulait impressionner avec son petit numéro, car lui ne l’était pas.
Encore un filencien prétentieux.
— Qui es-tu et pourquoi m’attaques-tu ? demanda Livink. Quel seigneur t’envoie ? Cruffort ?
Sho’Ryu avait vu ce nom dans les papiers.
— Je viens libérer le village de votre emprise.
— Le village ? s’étonna le général. Quel village ? La moitié de la région est sous notre contrôle. Cruffort le sait bien. Qui t’envoies ?
— Personne.
— Alors pourquoi avoir foutu le bordel dans mon bureau ? Qu’est-ce que tu cherchais ? Nijima n’a rien à voir avec mon projet, à part si tu es un proche du roi.
L’impatience de Livink se voyait dans son attitude, il semblait nerveux, prêt à frapper à tout moment. La conversation commençait aussi à ennuyer Sho’Ryu, mais il lui restait une question.
— Je n’ai que faire de vos raisons, dit le nijimien. Aucune révolte ne justifie de blesser des innocents, toi comme tous ceux qui t’ont aidé mérites d’être puni.
— Garde tes grands airs pour ton pays, l’étranger. Tu n’as aucune idée des raisons de notre lutte et pourquoi il est nécessaire de faire changer le pays. Si ce n’est pas nous qui nous en occupons, personne ne le fera ! Ce n’est pas par plaisir que j’ai besoin de ces gens, c’est….
— Que signifie cet œil que j’ai trouvé sur un de vos documents ? le coupa Sho’Ryu qui en avait assez entendu. Il n’était pas codé comme les autres.
Livink tiqua une fois de plus, un léger froncement de sourcil presque imperceptible, un aveu de faiblesse que Sho’Ryu ne manqua pas.
— Alors ? insista-t-il.
— Tu n’as pas envie de savoir qui ils sont, ton temps est compté de toute façon.
— Tout est dit alors.
Lentement, avec la plus grande des délicatesses dégaina son katana noir et se mit en position, Kuro serait largement suffisant, inutilise d’utiliser ses deux lames pour combattre un vieil homme. Livink sembla le remarquer et leva un sourcil interrogatif
— Tu vas répondre du mal que tu as causés, dit Sho’Ryu.
Sans répondre, le général s’élança le premier, sa lance tourbillonna entre ses mains avant de foncer vers les jambes du nijimien, S qui bloqua le coup sans difficultés. Pris par surprise par la force de l’attaque, il recula reculer d’un pas, le vieil homme était plus puissant que prévu.
Le jeune homme contre-attaque d’un rapide coup horizontal qui fut bloqué par le manche de la lance. Un second assaut puis un troisième ne laissèrent pas le temps à Livink de respirer.
J’ai l’avantage dans cet espace réduit
Livink dut céder de temps en plus de terrain, et en reculant il heurta son bureau et grimaça, l’épée de Sho’Ryu le toucha à l’l’épaule et trancha l’épaulette écarlate comme s’il s’agissait de beurre.
Le général rugit et fit de nouveau tourbillonner sa lance dont la lame se heurta au plafond avant de s’abattre sur Sho’Ryu, lui laissant amplement le temps d’esquiver. La longue arme n’apportait aucun avantage temps que le nijimien restait à courte portée.
Il empêchait le général de respirer, le duel tournait en sa faveur.
Livink lança une attaque en balançant sa lance droit devant lui et Sho’Ryu dévia au dernier moment, lui offrant une ouverture sur Livink.
Le général se baissa mais il ne put empêcher le katana sombre de lui mordre l’épaule une seconde fois, pénétrant sa chair cette fois.
Plus rapide que prévu.
Sho’Ryu allait repasser à l’assaut quand Livink brisa le silence du duel.
— Je dois avouer que tu te défends bien, mon mercenaire est nijimien lui aussi, vous êtes tous aussi fort dans votre pays ?
— Je n’ai que faire de tes paroles, un samourai qui s’abaisse au niveau de mercenaire ne mérite aucun respect.
— Vous êtes aussi énervants en tout cas.
Sho’Ryu ignora la provocation, parler de son compatriote ne changeait rien, il était sur sa liste de toute manière.
Livink poursuivit tout en caressant la gemme jaune incrusté sur le manche de son arme.
— C’est une belle arme que tu as là, je sens la puissance de ta relique à chaque échange de coups. Je dois reconnaitre que tu as l’avantage dans cette pièce, si l’on devait continuer ainsi la victoire serait tienne sans aucun doute.
— Si tu abandonnes tu n’auras pas à mourir, je ne suis pas animé par un quelconque désir de tuer, je cherche simplement à rétablir la justice.
Livink esquissa un sourire avant de pointer sa lancer vers lui, Sho’Ryu comprit tout de suite et se jeta sur le côté, trop tard cependant.
Le son du tonnerre emplit la pièce et des éclairs jaillirent de la pointe de la lance, ils traversèrent le mur le brisant de toutes parts dans un grondement terrifiant. Sho’Ryu ne vit rien mais quelque chose lui frappa la cheville droite. Une terrible douleur et une sensation de chaleur emplirent tout son corps en un instant. Le nijimien roula sur le sol avant de se remettre debout, il attrapa rapidement son second katana, dévoilant l’hypnotisante blancheur de Shiro.
— Tu te décides enfin à te donner à fond, se moqua Livink. Néanmoins je suis bon seigneur, je vois bien que je t’ai touché à la cheville, impossible que tu puisses te battre à mon niveau à présent. Abandonne, rejoins mon armée et tu auras la vie sauve. J’ai besoin d’homme comme toi pour mon grand projet.
Sho’Ryu n’avait pas réellement écouté la tirade de son adversaire, la douleur monopolisait toute son attention. Il avait pourtant fait le même constat, le simple fait de poser son pied au sol provoquait une douleur insoutenable, il n’osait pas même pas regarder son état.
Je dois en finir en un seul coup, ou mon arrogance aura eu raison de moi.
Sans rien dire il se prépara à bondir en avant, sa lame droite bloquerait le coup et la gauche lui trancherait la tête. Rien n’arrêterait sa charge, rien même si Livink déchainait de nouveau les puissants éclairs de sa relique
Le général laissa la déception transparaitre sur son visage.
— Quel dommage… il marqua une pause, puis reprit. Finissons-en maintenant.
Sho’Ryu allait sauter quand Livink pointa la lame entre eux deux avant de libérer la foudre. La tour trembla et le sol se déroba sous les pieds de Sho’Ryu.
Annotations