Chapitre 8.6 :
Tandis qu’ils descendaient les rugueux escaliers en pierre qui menaient jusqu’à la prison, Elise se tenait prête. Au moindre mouvement d’un des quatre soldats, elle n’hésiterait pas à lancer son sort. Son mana tourbillonnait en elle, prêt à être appelé. La jeune femme s’était entraînée longuement pour ce moment, des années à s’exercer en cachette pour réussir à utiliser son grimoire. Des années de mains brulées, de blessures qu’il fallait cacher pour que les soldats ne se doutent de rien.
Par Chance elle échappait au traitement des autres femmes, Filibert la protégeait. Ces hommes ne méritaient pas de vivre.
Elle en avait tués plusieurs d’ailleurs, elle avait accompli une partie de sa vengeance. Etrangement elle n’avait pas ressentit la satisfaction qu’elle attendait, juste une triste et violente réalisation, elle avait pris la vie d’un homme. A distance, sans même réellement le toucher, elle les avait brulé et tué.
C’était simple, trop simple.
Luke grimaça à côté d’elle, il tenait le katana de Lan’Ru avec sa main droite en laissant pendre sa main gauche blessée. Elle n’arrivait pas à imaginer la douleur causée par la blessure, elle l’avait rapidement cautérisé pour stopper le saignement, il avait réussis à ne pas crier pour ne pas dévoiler de faiblesses à leurs ennemis. Sa résistance à la douleur était hors du commun.
Sa main ne ressemblait plus à grand-chose à présent, il ne pourrait sûrement plus jamais s’en servir, voir il devrait l’amputer si la blessure s’infectait.
Leur opération se déroulait mieux que dans leurs espérances pour l’instant, ils étaient parvenus à rentrer dans la base ennemie et à faire tomber un des deux chefs. Pourtant Elise ne ressentait que de la culpabilité. Luke avait perdu sa main pour leur cause, lui qui ne savait même pas qui il était. De quel droit avait(elle osé demander qu’il risque sa vie pour eux ? Aucun.
Pourtant Luke avait accepté.
— Tu tiens le coup ? s’enquit-elle à voix basse pour que les soldats n’entendent pas.
— Pour l’instant, mais si j’arrêtes de bouger j’ai la sensation que je vais m’effondrer.
— J’étais sûre que tu savais te battre, mais jamais je n’aurais pensé que tu étais aussi fort. Ce Lan’Ru était un samouraï de Nijima, on dit que personne ne sort indemne d’un duel contre l’un d’entre eux.
Luke agita sa main blessée.
— Je n’oserais pas dire que je suis indemne. En plus, j’ai la sale l’impression qu’il m’a laissé gagner.
Elise n’était pas tout à fait d’accord, elle avait bien cru que Lan’Ru allait gagner. Il avait l’avantage, Luke était trop lent et exposé, il n’aurait jamais pu se défendre à temps.
C’est là qu’elle avait vu quelque chose d’étrange se produire, une lumière violette avait attiré son attention pendant un court instant. Une marque brillait sur la main droite de Luke. L’instant d’après le katana s’était abattu à une vitesse phénoménale, que Lan’Ru n’avait pu prévoir. Une fois son épée brisée le nijimien avait simplement sourit en attendant le coup final.
Son attitude demeurerait un mystère, tout comme les véritables raisons de sa présence auprès du général à la lance.
Elise se rendit compte qu’elle pensait depuis un peu trop longtemps, et voulu répondre à Luke mais ils étaient arrivés. La prison se trouvait là, devant eux, après l’escalier et un couloir peu éclairé.
Deux maigres torches accrochées aux murs émettaient une lumière bien insuffisante. Trois cellules avaient été installés, sécurisés par de lourds barreaux en acier. Quelque chose se déplaça, mais il était difficile de distinguer clairement les choses dans la pénombre.
— Elise ? gémit quelqu’un dans l’une des cellules. C’est vraiment toi ?
Sa gorge s’était serrée en entendant la voix. Elle attrapa la torche des mains d’un des soldats.
— Ouvrez-leur ! ordonna-t-elle avec autorité. Et donnez-moi les clés avant de vous mettre dans les cellules !
Les quatre hommes n’avaient plus leurs armes, mais l’un d’entre eux esquissa un geste en direction de la jeune femme. Elise le vit, mais Luke s’interposa en levant le katana bleu azur de Lan’Ru. Cette simple vision calma tout de suite le garde.
— Dépêchez-vous.
Ils ouvrirent les cellules, laissant sortir les villageois qui y étaient enfermés. L’un d’entre eux, une femme à peine plus vieille qu’Elise nommé Anais, se jeta à son cou en pleurant. Leurs cellules étaient suffisamment spacieuses et une deuxième pièce servant surement de toilettes avaient été creusés derrière. Aucun des prisonniers n’avaient l’air blessés ou malade, leurs apparences ne montraient aucun signe de maltraitance.
Pourtant ils étaient bien retenus contre leur gré ici, même s’ils étaient bien traités Livink devait payer.
— On va tous vous sortir d’ici, rassura Elise en repoussant doucement la jeune femme. Il ne manque personne ?
— On est tous là, dit un homme bourru en sortant d’une autre cellule. Que se passe-t-il ? Livink est partis ?
— Non, répondit Elise. Nous sommes passés à l’attaque. Un de nos alliés s’occupe de lui en ce moment, dès que vous serez en sécurité nous le rejoindrons.
— Vous avez osés vous en prendre à lui ? hoqueta une autre femme. Vous avez perdu l’esprit ? Nous nous sommes sacrifiés pour vous et vous venez tout gâcher ?
— Je… tenta Elise.
— J’ai mon fils au village, il doit avoir dix ans aujourd’hui, j’ai fait tout ça pour lui, pas pour qu’il se fasse tuer à cause de votre égoïsme ! Tu veux jouer la grande sauveuse ? demanda-t-elle en s’approchant d’Elise. Alors que sans le maire pour te protéger tu aurais finis comme nous ! Lan’Ru et Livink vont nous…
— Lan’Ru est mort, coupa Luke en verrouillant la cellule dans laquelle il avait enfermé les quatre soldats. Quand a Livink notre allié s’en occupe, il n’y a plus aucun ris…
Un grondement terrible retentit à la surface suivit d’un fracas qui fit trembler le tunnel souterrain. De la dizaine de prisonniers seuls deux ne se recroquevillèrent pas de peur. Une telle réaction ne s’improvisait pas, ses anciens amis avaient bien subis des violences de la part de Livink même si rien ne se voyait physiquement.
Ce fils de pute va payer.
— On ne devrait pas rester là, dépêchons-nous ! dit Elise avec fermeté pour rassurer les villageois.
— Attendez ! hurla l’un des soldats en passant une main à travers les barreaux. Vous allez pas nous laisser ici quand même !
Elise lui jeta à peine un regard.
— Nous reviendrons après, priez pour que tout ne s’effondre pas d’ici là.
Le groupe se mit en route et remonta rapidement dans le réfectoire jonché de débris de table. La villageoise qui s’était énervé contre Elise cracha sur le cadavre de Lan’Ru tout en l’insultant.
Luke, aidé par deux des anciens prisonniers, enleva les meubles qui bloquaient la porte.
— Ou sont les chevaux ? demanda Elise au barbu.
— L’écurie est accessible en sortant par l’arrière du bâtiment, tu ne viens pas avec nous ?
— On a encore des choses à régler, affirma Elise. Allez-y discrètement et fuyez vite.
Elle leur expliqua ou le reste du village s’était caché, et ils acquiescèrent avant de leur souhaiter bonne chance. La liberté leur tendait enfin les bras, ils ne pouvaient pas la laisser filer.
Luke ouvrit la porte tout en se tenant prêt à se faire attaquer, mais personne ne vint. Dans la cour, les soldats qui ne s’occupaient pas d’éteindre le feu des grandes portes fixaient le sommet de la tour de l’avant-poste.
L’un d’entre deux, un vieux soldat portant une lourde armure, les aperçus du coin de l’œil. D’un sifflement il fit signe à tous de s’approcher.
— Prépare toi Elise, souffla Luke.
— Vous avez tués Lan’Ru ? demanda le vétéran en s’approchant prudemment.
— Reste loin ! cria l’amnésique.
Elise avait reprit son grimoire et était prêt à lancer un sort à tout moment, mais plus d’une vingtaine d’hommes s’approchaient d’eux. Jamais ils ne pourraient résister longtemps, mais sans faire diversion les gardes se rendraient compte de la fuite des prisonniers, il fallait les occuper le temps qu’ils soient en sécurité.
— Calmez-vous, tempéra le soldat. Si vous tués Lan’Ru on n’est pas de taille, aucun d’entre nous n’a envie d’y passer, pas vrai ?
Il jeta un œil à ses compagnons et la plupart acquiescèrent. Même avec leur plus grand nombre ils ne s’en sortiraient pas sans perte, personne ne voulait faire partie des victimes.
— Vous vous rendez ? dit Luke d’un air surpris.
Si facilement ?
La jeune femme ne baissa pas sa garde pour autant. Un nouveau grondement retentit en provenance de la tour et une partie du mur de ce qui devait être le deuxième étage explosa dans une gerbe d’éclairs. Elise espéra que Sho’Ryu n’était pas touché.
— Pas vraiment, reprit le vieux soldat avec un grand sourire. Nous attendons juste les ordres du général.
Sale enfoiré.
Le tonnerre déchira l’air une fois de plus et toute une partie du bâtiment s’effondra sur le sol. Plusieurs éclairs traversèrent la cour en frappant au hasard, et l’un d’entre eux manqua de peu de foudroyer un des soldats.
Une forme fut propulsée dans les airs et commença à chuter vers eux.
Elise reconnu tout de suite de qui il s’agissait.
Sho’Ryu s’écrasa au milieu de la cour dans un nuage de poussière.
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