7 — Pense-bête

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Ils arrivèrent d’un pas pressé au quartier résidentiel du niveau 7, devant la porte de la cabine d’Hector. L’homme hésita longuement avant de présenter son bracelet qui allait la déverrouiller. Aussi loin qu’il pouvait se souvenir, il n’avait jamais invité Claire chez lui.

— Je… fais pas attention au bordel… steuplait.

— Allons, j’imagine bien comment doit être un appart de garçon ! J’ai un petit frère, après tout.

La porte coulissa et révéla l’appartement d’Hector. Des posters de films des années 2000, de groupes de musique, du matériel informatique antique qui occupait le sol, et des vêtements sales qu’il s’empressa de ramasser pour les jeter dans le dépôt prévu à cet effet. Hector se rua ensuite sur son bureau pour y récupérer la brosse à dents qui traînait dessus et la ranger dans la salle de bain.

Oh merde, elle va croire que je suis un porc… déplora intérieurement l’homme.

Il adressa un regard inquiet sur l’évier couvert de ses poils de barbe qu’il avait tondue ce matin-là. Il jeta un œil à son propre reflet dans le miroir, sa panique interne se manifestait sur son visage. Son cœur battait la chamade. Lorsqu’il en sortit, il remarqua que Claire avait trouvé sa tablette qu’il avait négligemment laissée sur son bureau.

— C’est bien celle-là qui te sert de journal ?

Hector écarquilla ses yeux et se rua pour arracher des mains de son amie l’objet incriminé.

— Oui !

— Allons, je ne vais pas le lire. Tu sembles tout paniqué. Tu n’écris quand même pas des choses méchantes dedans ?

— Non, bien sûr que non ! C’est juste… très personnel… tu vois…

Son visage ne parvenait pas à retrouver sa couleur normale. Claire se rendit compte qu’elle n’avait jamais vu Hector dans un tel état.

— Tu le fais depuis combien de temps, Hector ? Moi depuis mes études, ça fait environ vingt ans.

— Un peu moins… j’ai eu envie de faire pareil quand tu nous en as parlé. Peut-être une cinq ou six ans.

— Combien as-tu d’entrées dedans ?

Hector alluma l’appareil et consulta l’index.

— Euh. Deux cents ? Mais il m’en manque ! Ce truc pourri m’a perdu mon journal, merde ! s’énerva-t-il.

— Calme-toi, Hector. Regarde maintenant les dates.

Il parcourut d’un geste le contenu.

— Mais…

— Toi aussi ça tourne en boucle sur janvier 2308 ?

Hector hocha de la tête pour confirmer. Son visage avait viré du pourpre au blanc, accentuant le contraste avec ses cheveux et sa barbe rousse, ainsi que les éphélides qui décoraient ses pommettes.

— Il se passe quoi enfin ? demanda Hector la voix cassée.

— Je ne sais pas, mais au moins, ça me démontre que je ne suis pas en train de devenir cinglée.

— Tu en as discuté à la Planificatrice ?

— Non. Au vu des circonstances, je ne peux avoir foi que dans mes amis les plus proches. Donc toi et peut-être Sabrina. Je ne lui en ai pas encore parlé.

Le visage d’Hector s’illumina à l’écoute de cette marque de confiance et sa primauté.

— Hector, essaye de te laisser des indices pour te rappeler le matin de relire ton journal. Indique dedans de toujours garder un aide-mémoire. C’est ce que j’ai fait pour ne pas oublier.

— Ah, euh, d’accord. Mais tu aurais omis quoi ?

— Tu vois ce que je vous ai demandé ce matin à propos du ciel ?

— Oui.

— Et quand j’étais intriguée par le gars de la section recyclage d’eau à la cantine ?

— Euh… je sais plus.

— Patrick Romard.

— Peut-être.

— Il s’est suicidé le 1er janvier. Une femme l’avait signalé pendant la soirée du Nouvel An. On l’a suivie, Sabrina était avec nous, et on a découvert son corps. Il s’était pendu.

Hector écarquilla les yeux, il n’avait aucune idée de ce dont Claire lui parlait.

— Tu ne t’en rappelles pas, je suppose.

— Y a jamais eu de suicide ici, je m’en souviendrais quand même !

— Maintenant, tu comprends pourquoi il faut que tu te mettes un pense-bête pour lire ton journal chaque matin. Quelque chose nous fait oublier ce genre d’événement. Peut-être qu’il y en a eu d’autres depuis. Et le fait que Romard soit revenu d’entre les morts m’intrigue. À ma connaissance, la résurrection, ça n’existe pas.

Hector s’assit sur son lit et fixa le sol. Sa tablette lui glissa des mains sans qu’il ne réagisse. L’écran s’éteignit avant que Claire n’eût le temps de voir ce qu’il allait afficher.

— La vache… s’exclama-t-il d’un ton monocorde.

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