22 — Horizon

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Le 21 juillet 2349 TFC, Colonie 7 fêtait sa première année d’existence, ou ses quelque trente-trois ans selon la révolution de Proxima Centauri b autour de son étoile.

Il était difficile d’imaginer qu’ils vivaient sur les restes d’un ancien vaisseau spatial tant leur habitat s’était transformé en une ville fonctionnelle. Des véhicules disponibles en libre-service, aéromoto, aérovoitures, et appareils plus grands pour l’exploration, des infrastructures avec des écoles, des commerces, des entreprises qui se sont construites, ou encore de nombreuses installations de loisir. Le tout dans un cadre ouvert et aéré depuis que les analyses démontrèrent que l’atmosphère de la planète ne présentait aucun risque pour l’humain. Les habitants furent soulagés après avoir dû utiliser des scaphandres pendant deux mois pour les sorties. La faune locale s’était habituée à ce nouveau voisin qui prenait de la place, mais tentait de ne pas se montrer trop envahissant. Enfin, pour le moment.

Ce jour-là, la population était convoquée pour assister à une grande annonce et quelques festivités en l’honneur de ce premier anniversaire. La session était présidée par le commandant Hector Romero, qui avait endossé la responsabilité du suivi de Colonie 7 après le décès de l’amirale Membeley. Malgré son âge avancé, elle avait été restaurée pour pouvoir participer à la fondation de ce monde. Elle mourut de vieillesse quelques mois auparavant, avec d’autres doyens comme le professeur en astronomie Fareedi. Ce passionné de l’extrême aura étudié avec ses instruments le ciel de la planète jusqu’à son dernier souffle. Un projet d’observatoire portant son nom faisait partie des futures extensions de la ville.

Hector se présenta à la foule accompagnée de Claire, avec qui il vivait désormais ensemble. Ce n’était plus le couple avec l’ingénieure en propulsion spatiale et l’informaticien qui s’était découvert en même temps que se révéla le secret de leur existence. Il s’agissait de leurs versions originales, comme le reste des habitants, restaurées par le programme Colonie. Claire avait donc repris sa véritable carrière de journaliste et suivi la construction de cette ville. Ainsi que les nombreuses trouvailles réalisées par les explorateurs envoyés en mission. Elle avait fondé le Journal d’Horizon, le premier quotidien d’information de Proxima Centauri b. Elle se tenait aux côtés de son compagnon, le ventre arrondi par un petit être se développant à l’intérieur qui allait faire partie des premiers-nés sur Proxi b. Avec d’autres membres du haut commandement, ils s’installèrent à une table de conférence et leur image apparut en grand par un hologramme derrière eux.

— Mes chers amis, commença Hector, je suis heureux de vous accueillir pour célébrer notre première année ici, selon le temps terrestre.

Une salve d’applaudissements retentit dans l’agora.

— Comme vous le savez, nous avons accompli un exploit probablement unique pour notre espèce. Nous avons posé le pied sur une planète orbitant à côté d’une étoile différente de notre bon vieux Soleil. Avant toute chose, j’aimerais que nous rendions hommage aux personnes qui nous ont quittées depuis l’établissement de la ville.

L’image de l’amirale ainsi que d’autres individus défila lentement. La dernière se termina sur celle de l’avatar de la Planificatrice.

— Nous avons eu la récente confirmation que les systèmes de celle qui nous avait accompagnés durant tout ce voyage avaient fini par s’arrêter. Conformément aux droits fondamentaux de la Fédération des Nations Unies, en accord avec la révision 2299-64321 accordant le statut de personne physique aux intelligences artificielles conscientes, nous lui rendons le même hommage que nos homologues humains et son nom sera inscrit sur le monument érigé à leur mémoire.

De nouveaux applaudissements retentirent. L’actuelle Planificatrice hocha d’un signe de tête pour remercier le commandant pour cette attention à l’égard de son ancienne version.

— J’en profite pour passer un message à mes amis astronomes qui ont succédé au professeur Fareedi. Il va falloir trouver un vrai nom pour les lunes. J’aimerais ne pas avoir à encore les appeler Tic & Tac !

Une vague d’hilarité provint de l’auditoire.

— Le haut commandement que je représente a également une annonce à vous faire. Les statuts de Colonie 7 positionnaient cette société sous le régime martial de la Flotte Spatiale Fédérale durant le voyage et pour son installation. Désormais, ce temps est révolu et elle doit devenir un véritable État membre de la Fédération. À ce titre, la Constitution temporaire entre en vigueur dès à présent. Celle-ci prévoit de mettre en place des élections parlementaires, puis présidentielles, afin qu’elle passe du régime martial à une démocratie. La chambre des représentants pourra amender l’actuelle Constitution pour l’entériner et la présenter à la Fédération comme candidate à l’intégration.

Le commandant Romero, ainsi que ses collègues du haut commandement, se levèrent et s’inclinèrent.

— Nous vous soumettons donc notre démission pour que cette nation puisse se prendre en main en autonomie et non plus en tant que colonie fédérale.

Une nouvelle salve d’applaudissements retentit dans toute l’agora, les dernières étapes du projet s’étaient mises en marche. Les membres de l’ex-commandement s’assirent de nouveau.

— Les officiers de la FSF resteront là pour aider et assister le nouveau Gouvernement. Quant à moi, je quitterai la Flotte Spatiale Fédérale pour me consacrer à d’autres occupations.

Hector regardait le ventre de sa compagne en annonçant cela. Voulant qu’elle puisse continuer de se dédier à sa carrière de journaliste, il avait décidé de partir pour élever leur enfant.

Claire prit ensuite la parole.

— Avant de ramener mon homme chez moi, il y a un dernier élément pour lequel nous avons besoin de vous. Vous avez reçu dans la convocation une question à laquelle, j’espère, tout le monde aura trouvé une proposition. Nous allons maintenant procéder au vote pour lister les plus populaires. Nous vous laissons dix minutes.

L’ensemble de la population se tourna vers son bracelet de communication et pianota dessus. Un graphique en temps réel sur l’écran holographique montrait le taux de participation qui atteignait les 97 %. Le score finit par stagner tandis que le décompte à sa droite affichait quatre minutes restantes.

— Et… terminé ! annonça Claire. Très bien, nous avons donc cinq propositions qui se sont démarquées. Vous allez maintenant pouvoir voter pour votre favorite.

Un nouvel scrutin fut envoyé sur les bracelets de chacun, avec un autre compte à rebours de dix minutes. Claire et Hector échangèrent quelques petits mots entre eux.

— Tu préfères lequel ? lui chuchota-t-il.

— J’aime bien celui-là.

— Moi aussi.

Le décompte arriva à zéro et le taux de participation atteignait presque 100 %.

— La population a donc fait son choix, nous sommes heureux de nous annoncer que Colonie 7 n’existe plus. Désormais, cette ville, notre capitale, s’appellera : Horizon.

Un tonnerre d’applaudissements résonna dans toute l’agora, accompagné de cris de joie.

Au loin, le groupe de bouritouskis observait ce vacarme. Ils trouvèrent leurs voisins bien bruyants.

Un message apparut sur l’écran holographique :

Pour la Fédération des Nations Unies.

Ici Proxima Centauri b.

Avons le plaisir de présenter demande officielle d’adhésion à la FNU.

Futur Président fera la prochaine communication.

De nouveaux applaudissements retentirent dans la salle.

— Message envoyé, confirma la Planificatrice. Nous devrions avoir la réponse d’ici huit jours.

La distance avec le système solaire rendait les transmissions très longues. Grâce à des milliers de relais installés durant son voyage, Colonie 7 avait pu créer un lien avec son monde d’origine. Néanmoins, malgré la technologie de propagation par distorsion, il fallait quatre jours au signal pour parcourir les quatre années-lumière séparant les deux systèmes. Et autant de temps pour revenir.

Le reste de la soirée se termina avec un bal organisé pour fêter la naissance d’un nouvel État démocratique. Claire et Hector rentrèrent chez eux pour qu’elle se repose, étant proche du terme de sa grossesse.

Onze mois plus tard

Un jeune officier portant l’uniforme de la flotte fédérale montait les escaliers d’un complexe résidentiel. Il arriva sur le toit de celui-ci où se trouvait un parc avec un bébé dedans qui jouait avec tout un tas de babioles colorées, protégé par un parasol. À côté de lui, Hector était allongé sur un transat, profitant de cet après-midi radieux pour bronzer avec pour seul vêtement des lunettes de soleil et sa casquette couvrant son visage. La notion de pudeur imposée par de vieilles croyances du passé s’était amenuisée depuis belle lurette. Néanmoins, le lieutenant s’arrêta longuement. Il balaya du regard le corps nu de son ancien officier supérieur et apprécia la vue. Hector ronflait bruyamment avec une tablette étalée sur son ventre, la même qui lui avait servi de journal. Il s’était endormi en plein travail.

Les gloussements de la petite Rose attirèrent l’attention du jeune homme. En bon ami de ses parents, il la connaissait depuis sa naissance. L’officier s’accroupit devant le parc et la fillette vint à sa rencontre en souriant.

— Eh bien, tu as sacrément grandi, dis donc.

Il passa sa main à travers les barreaux et lui caressa la joue. Rose la saisit ensuite de ses doigts boudinés. Elle tira dessus, mais perdit l’équilibre, tombant sur son postérieur, ce qui déclencha une crise de pleurs. Il se hâta de prendre la petite dans ses bras pour la calmer.

— Allons, allons, c’est fini le bobo.

Quelques secondes après, il entendit Hector grogner et s’étirer.

— Tiens donc, ne serait-ce pas le lieutenant Hermann ?

— Désolé commandant, je ne voulais pas vous réveiller. Allez, va voir ton papa, répondit-il en déposant l’enfant dans les bras d’Hector.

Rose passa instantanément des pleurs à la rigolade.

— Quelle comédienne, commenta son père. Bon, Max, je ne suis plus ton chef, et encore moins dans la flotte fédérale. Tu peux me tutoyer, tu sais.

— Oui, pardon comm… Hector, c’est l’habitude.

— Aïe !

— Tu t’es fait mal ?

— Elle me tire les poils du torse !

Hector réinstalla sa fille dans le parc, sous la supervision d’un petit robot Nounou 5.2 qui auscultait en temps réel l’enfant pour s’assurer qu’il soit bien hydraté ou n’ait pas faim. Il attrapa ses vêtements et se rhabilla, ce qui déplut à Maxence.

— Tu penses que je n’ai pas remarqué que tu me reluquais ?

— Ah ! Euh ! Pardon ! Désolé, rougit-il.

— Je plaisante ! Sinon tu as l’air de savoir t’y prendre avec les gamins.

— Eh bien, avec mon compagnon nous réfléchissons justement à avoir un enfant nous aussi. On se sent prêt à sauter le pas, il nous reste à trouver la maman pour nous aider.

— Ah ! Vous pensez être prêts ? Quelle naïveté ! Vous allez en baver quoiqu’il advienne, crois-moi. Si tu estimes que la nounou robot va t’éviter de te réveiller cinq fois en pleine nuit, tu te fourres le doigt dans l’œil.

Maxence ricana nerveusement, puis remarqua la tablette.

— Tu travaillais sur quelque chose avant de t’endormir ?

— Oui, je voulais écrire un bouquin sur notre voyage pour que les jeunes comme Rose sachent ce qu’on a vécu. Avec « Madame la rédactrice en chef du journal d’Horizon » Claire qui sillonne tout le patelin pour couvrir chaque détail, je vais avoir de quoi faire.

— Oh, c’est un beau projet !

— Sinon, que me vaut le plaisir de ta visite ? demanda Hector en refermant sa chemise.

— Ah oui ! J’allais oublier. C’est à propos des communications avec le système solaire. En fait, le Président voudrait te demander conseil.

— Pour ?

— Ils n’ont jamais eu de réponse de leur part.

— Ah.

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