Le matérialisme.
Trinh Xuan Thuan pose clairement les données du problème.
Si mon « sosie » est constitué des mêmes particules que moi, si l’agencement de toutes les particules dans l’univers local double est exactement le même que dans notre univers observable, peut -on dire que ce double c’est moi, strictement identique à moi, avec les mêmes pensées que moi ?
Spontanément, nous répondrions : « oui », et cela sera mon point de vue.
Mais Trinh Xuan Thuan a le mérite de clairement énoncer le non-dit derrière ce consensus.
Ce « sosie » ne peut être moi que si nous acceptons la thèse (le préjugé?) matérialiste : il existe un lien nécessaire entre la disposition de mes particules dans mon corps, dans mon cerveau, dans l’univers et ma pensée.
Trinh Xuan Thuan a raison d’insister sur la nécessité d’accepter ou de refuser cet impensé.
Mais je ne le suis absolument pas dans la critique de ce matérialisme «réductionniste »(sic) !
Trinh Xuan Thuan a toutefois le mérite de bien préciser que son refus est bien plus religieux que strictement scientifique.
Il n’en demeure pas moins que son argumentation est particulièrement faible et discutable.
Nous reviendrons, dans le prochain chapitre, sur la question religieuse, nous nous contenterons pour le moment de défendre cette perspective matérialiste.
Il est étonnant de voir un scientifique, un spécialiste des sciences de la matière attaquer le matérialisme !
La physique est strictement matérialiste, la pratique scientifique est strictement matérialiste.
Un article scientifique perdrait tout crédit, si son rédacteur abandonnait les calculs, une stricte argumentation rationnelle, pour se lancer dans un credo spiritualiste ou une défense déplacée de ses intimes convictions religieuses !
En s’écartant du matérialisme intrinsèque de sa discipline, Trinh Xuan Thuan ruine tout le crédit que nous pourrions accorder à son raisonnement.
Est-il vraiment conscient de la contradiction interne de son argumentation ?
On peut en douter.
Tout cela me semble bien étrange, j’aimerais bien que l’on m’explique comment un double qui vit dans un univers strictement identique au mien, dont l’agencement des particules dans le cerveau est strictement identique au mien pourrait avoir une pensée différente de la mienne ?
Rien ne peut rationnellement justifier un tel miracle !
Si on reste d’un point de vue strictement scientifique, on ne peut qu’approuver Jean-Pierre Changeux : « l’homme n’a dès lors plus rien à faire de l’Esprit, il lui suffit d’être un homme neuronal ».
Pour ma part je n’ai pas outrecuidance d’affirmer que ma pensée peut miraculeusement se déconnecter de l’activité de mes neurones !
Nous arrivons même à un point critique où les scientifiques prétendent pouvoir « lire » nos pensées grâce à une imagerie médicale par IRM, cuplée à une Intelligence artificielle.
Cette perspective est terrifiante, mais elle permet de clore le débat : oui il y a un lien direct et nécessaire entre l’activité mesurable de nos neurones et notre pensée.
On peut s’en inquiéter, mais scientifiquement le matérialisme a triomphé.
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