Chapitre XIX
Cela faisait huit jours qu'ils marchaient. Victoire essuya la sueur de son front avec son bras et regarda ce qu'il lui restait encore à monter pour arriver au plateau. Arwyn et Jaréa marchaient devant, inséparables depuis leur départ. Mystère suivait, talonné par Horace, qui malgré son âge avancé, avait encore beaucoup de vigueur. Pitoucha était devant elle, étant donné qu'elle était la dernière de la file. La chienne se retourna vers elle et lui lécha la main.
- Viens Victoire! On fait une pause dans une demi-heure à peu près, selon Mystère. Pourquoi c'est lui qui décide, d'ailleurs?
La jeune élue sourit et la suivit avec un regain d'énergie. Elles marchèrent côte à côte en silence pendant quelques minutes.
« C'est rare que Pitoucha ne dise rien aussi longtemps. »
Bien évidemment, la chienne rompit le silence à ce moment-là:
- Tu pense que la mère castor s'en sort?
- Je n'en sais rien.
- En même temps, comment veux-tu qu'elle le sache? l'apostropha Horace.
Pitoucha rattrapa le cerf en quelques bonds et Victoire n'écouta pas ce qu'elle lui dit pour se replonger dans ses souvenirs.
***
Ils s'étaient avancés vers les castors. Victoire les avait remerciés. le plus jeune castor avait demandé:
- Vous êtes sûrs qu'on ne peut pas vous accompagner?
Les deux soeurs s'étaient regardées mais c'est leur mère qui lui avait répondu.
- On a une autre mission mais toute aussi importante.
Tout le monde s'étaient regardés.
- Quelle mission? avait finalement demandé Horace.
- Chercher des volontaires pour la révolte!!! avait-elle clamé.
- Une révolte. Rien que ca.
La mère castor avait jeté un regard à Jaréa.
- Bien sûr. Bien peu savent que vous êtes là. Beaucoup aimerait bien faire quelque chose, mais ils n'osent pas. Vous êtes ce qui va les pousser à agir. De plus, il faut profiter du fait que le roi ne soit pas là. Pour renverser le pouvoir, il vous faut l'appui du peuple.
- On a jamais dit qu'on voulait renverser le pouvoir, s'exclamait-elle. Qui dirigera Événia pendant ce temps-là?
Tous les animaux regardèrent les deux élues en réponse.
- Mais c'est notre père qui est censé diriger Événia! Pas nous! s’écria Victoire.
- Pardon de vous dire a comme ça, mais... vous ne savez même pas si vos parents sont vivants, lui avait dit la mère castor. On n'a jamais vu deux rois ou reines en même temps à Événia. C'est toujours l'ainé qui dirige un le royaume et vous... vous pourrez chercher vos parents.
Il y avait eu un gros blanc. Tous le monde comprit le sous-entendu.
« Si ils sont vivants. »
Elle avait retenu un sanglot et avait regardé sa soeur. Jaréa avait déclaré:
- D'accord. Cherchez des volontaires mais soyez discrets. Et tant qu'on n'aura pas délivré les créatures magiques, vous ne ferez rien.
- Très bien, avait répondu la mère castor.
Arwyn chuchota quelque chose à l'oreille de Jaréa.
- Pourquoi?
- Ce n'est pas très très éloigné de la capitale et une fois les créatures magiques délivrées, pour rejoindre les volontaires, ça ne sera pas très long.
- Bien vu. Regroupez les volontaires non loin de la rive Est du lac Salsabys.
Victoire avait vu qu'Arwyn hésitait de rajouter quelque chose. Mais avant d'avoir pu le questionner les castors étaient déjà partis. Et lorsqu'elle lui avait posé la question, il n'avait pas voulu répondre.
- Ca va sœurette?
***
Victoire cligna des yeux. Elle était à nouveau en train de marcher. Sa soeur la regardait.
- Ca va. Ne t'en fait pas pour moi.
- Victoire?
L'intéréssée releva la tête et vit Arwyn.
- Qu'est ce qu'il y a?
- Rien. Je voulais juste répondre à ta question.
La plus jeune élue attendit la suite.
- C'est une période... je n'aime pas parler du village. Ca me met hors de moi tout...
Victoire comprit :
- Tu pensais pouvoir recruter des volontaires à Carnia?
- Oui.
- Mais tu n'as pas osé le dire à haute voix, conclut Jaréa. Pourquoi?
- Parce que... Si c'est un animal qui y va... Primo: personne ne l'aurait compris. Deuxio: personne ne l'aurait cru si ils avaient pu le comprendre. Et puis... je ne sais pas si certains oseront... être des volontaires.
Les deux soeurs froncèrent les sourcils. L'adolescent continua:
- Depuis mon enfance, on m'a dit que es animaux étaient méchants parce qu'ils mangeaient des humains et qu'il fallait donc rester entre les murailles fortifiées de Carnia. C'était pour notre bien! J'y ai cru, quand j'étais petit. Mais j'avais un tempérament plutôt aventurier. Je n'aime pas rester fixe à un endroit. Et très vite, je me suis retrouvé en dehors du village. Carnia est un village morne. Il n'y apas beaucoup d'arbres, de verdures. Ma première sortie ma émerveillé mais je me suis fait attraper. Et on m'a puni. Tout le monde a commencé à me détester. Et c'est surtout là que j'ai compris qu'on nous laissait pas la moindre liberté. J'ai appris à lire et à compter, comme tous les autres enfants. Mais je n'ai pas un niveau extraordinaire! À l'âge de dix ans, on m'a envoyé aux champs pour travailler toute la journée. Là, on nous disait que grâce nous, le village pourrait manger à sa faim. Mais bizzarement, je mangeais très rarement à sa faim. J'ai vite commencé à en parler à ma grande soeur mais dès que j'en ai parlé, elle m'a dit que je ne devais plus parler de ca à quiconque. Parce que c'était trop dangeureux! Je devais être le seul à continuer à désobéir. Tous le monde autour de moi s'était soumi.
Il s'interrompit.
- C'est pour ca que je n'ai rien dit. Parce que je ne sais pas si quelqu'un osera accepter le fait qu'on lui a menti depuis notre enfance et venir pour faire parti des volontaires.
Vicoire resta silencieuse.
- Je suis désolée, lui dit Jaréa. Merci de nous l'avoir raconté.
Elle lui prit la main. Arwyn ne répondit rien mais il serra la main plus fort
- Vous venez! leur cria Pitoucha en venant vers eux. On a trouvé quelque chose d'intéressant.
Victoire pressa le pas et atteignit le plateau.
Annotations