Le Giquareu darda sa langue puis regarda Victoire dans les yeux.

- Sœurette?

La plus jeune élue inspira profondement puis déclara:

- Ne lui faites pas de mal.

Toutes les créatures magiques se regardèrent entre elles. Uranus prit la parole:

- Cette créature nous retient prisonnières depuis des années et tu veux qu'on l'épargne?

- On a passé...

- Si j'avais déjà voulu la tuer, je l'aurai déjà fait, l'interrompit Arsèce. Maintenant que vous êtes libres et que vous allez protéger les élues, je ne fais plus le poids.

Les créatures magiques semblèrent suspicieuses.

- Comment peux-tu lui faire confiance? feula Uranus à l'intention de Victoire.

L'intéréssée allait répondre quand une voix retentit dans sa tête:

« Garde secret le marché que nous avons passé. Hors de question que ce chat nous mette des bâtons dans les roues. »

Elle cligna des yeux et regarda le Giquareu. Il lui jeta un regard entendu. Elle se mordit les lèvres:

« Même à ma sœur? »

« Oui. Pour le moment. »

Victoire soupira et remarqua alors que tous les regards étaient fixés sur elle. - Je n'ai pas confiance. Cette créature peut à tous moment se retourner contre nous, annonca une créature magique au pelage bleu nuit.

Jaréa vint à son secours:

- Nous n'avons pas le temps. Nous devons mener la révolte et profiter de la surprise.

- Une révolte? répéta Uranus, sceptique.

- Oui. Tous ceux qui veulent renverser notre oncle se trouvent non loin de la rive Est du lac Salsabys.

- Vous voulez vraiment diriger la révolte? reprit la créature magique au pelage bleu nuit. Sans vouloir vous offenser, je doute que vous y parveniez.

- Vous nous sous-estimez, répliqua l'ainée.

- Nous devons rejoindre les volontaires. Vous voulez vous joindre à nous? demanda Victoire.

Les créatures magiques se tournèrent vers Uranus.

- Je viens, confirma-t-il. J'ai une promesse à tenir envers Urien. Et il faudrait éviter que vous fassiez des bêtises.

Les deux sœurs sourirent.

- Je me joindrai aussi à vous, ajouta Arsèce. Cela me permettra d'esssayer de fonder une nouvelle air de paix avec les Giquareux.

Du coin de l'oeil, Victoire vit les muscles des créatures magiques se tendrent. Petit à petit, les congénères acceptèrent de participer à la révolte.

Soudain Jaréa fronça les sourcils:

- Pitoucha, Mystère, Horace et Arwyn n'étaient pas parvenus à pénétrer dans le tunnel. Tu crois qu'on parviendra tous à sortir? demanda-t-elle en se tournant vers sa cadette. Sans compter les plantes carnivores.

- J'en ai aucune idée, lui avoua-t-elle.

- Nous passerons par le tunnel secondaire, celui qu'emprunte le roi les rares fois où il vient, leur proposa le Giquareu.

Les deux sœurs se regardèrent puis l'ainée se tourna vers lui:

- Nous te suivons.

Arsèce sourit puis se dirigea vers le fond de la grotte. Là, il entreprit de déplacer certaines pierres. Petit à petit, l'entrée d'un tunnel apparut à la vue de tous.

Tout à coup, Victoire pensa au mur bleuté qui leur avait enlevé les pouvoirs.

- Le roi avait toujours ces pouvoirs quand il venait vous voir? demanda-t-elle au Giquareu.

Tous le monde la regarda avec de grand yeux surpris. Jaréa ne comprit pas immédiatement. Arsèce réfléchit :

- Oui.

L’ainée comprit:

- Ne me dit pas que tu veux affronter à nouveau les plantes carnivores.

- Bah... si c'est le seul moyen de récupérer nos pouvoirs, oui.

Jaréa soupira de lassitude.

- On ne pas prendre le risque, lui intima Victoire.

- Tu as malheureusement raison.

L'ainée se tourna vers Arsèce:

- Emmène les créatures magiques par ce tunnel. Avec ma soeur, nous empruntons l'autre.

- Pourquoi? voulut savoir Uranus.

Jaréa hésita. Victoire déclara :

- Nous avons quelque chose à récupérer.

- Dans ce cas, je vous accompagne.

« Par où est passé le roi lorsqu'il l'a emmené ici? Réussira-t-il à passer le mur? »

Elle garda ses pensées pour elle mais sa soeur semblait se poser les mêmes questions. Arsèce ne semblait pas très enchanté de devoir mener les créatures magiques sans les élues. Mais il n'était pas le seul.

Comment accepter le fait d'être guidé par son ennemi juré alors qu'il vous a gardé prisonnier pendant des années?

Jaréa remarqua la tension ambiante et les mit en garde:

- Nous devons d'abord mené la révolte! Ne vous battez pas!

Plusieurs créatures magiques lui jetèrent un regard mauvais. Le Giquareu se contenta d'enrouler sa queue en réponse. Puis il s'engagea dans le tunnel auparavant obstrué par des pierres. Victoire posa sa main sur son épaule en soutien. L'ainée sourit. Elles reprirent le chemin en sens inverse, suivies d'Uranus. Ils progressèrent en silence avant que la cadette n'interroge sa soeur:

- Comment as-tu délivré les créatures magiques? Je ne pense pas qu'elles pouvaient circuler à leur guise. Ca me parait invraisemblable.

- Elles étaient bien emprisonnées par des menottes autour des pattes arrières.

- Comment as-tu réussit à les libérer?

- Il y avait une lance qui était posé par terre. C'est grâce à elle que j'ai pu ouvrir les menottes.

- Comment ca "posé par terre"? s'étonna Victoire.

- Je n'en sais rien. Elle était à côté des premières créatures magiques que j'ai vu. Comme si elle m'attendait.

Uranus fronca les sourcils. Alors qu'il allait dire quelque chose, une plante carnivore faillit l'attraper.

- Courez!

Les deux soeurs obéirent. Elles arrivèrent à la sortie du tunnel sans encombre. Le soleil se couchait. Elles s'arrêtèrent éblouies. Pendant que leurs yeux s'accoutumaient à la lumière, elles restèrent à l'intérieur du tunnel. Victoire haleta:

- Pourquoi le mur bleuté a-t-il disparu? Ca veut dire que... qu'on a perdu nos pouvoirs?

Cela faisait pas si longtemps qu'elle savait se transformer et pourtant elle eut l'impression d'avoir perdu deux membres, voire plus. Des pas retentirent derrière elle. Uranus apparut, à bout de souffle. Honteuse, Victoire dit:

- On n'aurait pas du te laisser. C'est indigne de nous...

- Je préfère vous savoir vivantes et en sécurité. Et puis, vous avez encore du mal à vous transformer.

Les deux soeurs firent une grimace.

- Qu'est-ce qu'il y a?

- Il semblerait que nous ayons perdu nos pouvoirs, lui avoua Jaréa.

La créature magique les regarda. Puis il soupira:

- Dites moi que ce n'est pas vrai.

- Ben... si.

- Je te l'avais bien dit Uranus, déclara la créature magique bleu nuit. Que tu avais perdu ton temps en essayant d'élever les filles de Sir Urien. Elles ne lui arrivent pas à la cheville.

Uranus détourna la tête. Victoire contint la colère qui montait en elle.

« Comment ose-t-il dire ca? Il ne me connait pas et ignore ce que j'ai vécu »

Soudain elle sut que ces parents étaient vivants et qu'ils étaient auprès d'elle. Pas physiquement, bien sûr.

« Ne te laisse pas abattre. Ignore-le. Tu es digne d'être ma fille. Jaréa aussi.»

Victoire sourit. Jaréa fut surprise puis fit de même. La cadette sortit hors du tunnel et siffla. Aussitôt, Pitoucha vint vers elle.

- Vous êtes vivantes! Et vous avez accompli la prophétie!!! Je savais que vous réussiriez! s'exclama la chienne.

Uranus jeta un drôle de regard à Pitoucha.

- Même le grincheux! ajouta-t-elle.

Les deux soeurs éclatèrent de rire.

- À ce que je vois, tu n'as toujours pas appris les bonnes manières, la houspilla-t-il.

Victoire vit alors une petite créature les observer.

- Pitoucha? Qui est-ce?

- Un nouvel ami à moi! lui répondit la chienne. C'est Lulu! Un lutin qui avait entendu parler de la révolte et qui nous a pistés jusqu'ici! J'ai bavardé avec lui en attendant que vous sortiez du tunnel.

Lulu prit son chapeau entre ses mains puis s'avanca vers les élues:

- C'est un honneur pour moi de vous rencontrer, dit-il d'une voix aigue.

Les créatures magiques ouvrirent de grand yeux.

- L'honneur serait d'autant plus important si vous acceptiez que je vous ouvre la voie, continua-t-il.

Les deux soeurs se regardèrent.

- Inutile. Je nous emmènerai vers le camp de la révolte grâce à un portail, les coupa Arsèce.

Lulu se figea de terreur en voyant le Giquareu. Pitoucha sursauta.

- Il ne faut pas avoir peur, les rassura Victoire.

- C'est-C'est.... un-un-un... Gi-gi-giqua-qua-qua-reu, bégaya le lutin.

Arsèce battit de la queue et des ailes en mécontentement. Victoire remarqua alors qu'il avait les yeux fermés.

- Qu'est-ce qu'il y a avec tes yeux?

- Je ne supporte pas la lumière, lui répondit-il. Nous devons nous dépécher de rejoindre le camp.

Il tendit les poignets. Une porte surgit de nul part. Une grande porte qui pouvait laisser passer le Giquareu sans problème. La porte s'ouvrit et la cadette vit un camp se dresser non loin d'un immense lac. Jaréa franchit la porte sans hésitation. Pitoucha bondit à sa suite. Lulu regardait toujours le Giquareu en tremblant de peur. Victoire lui tendit une main. Le lutin la fixa avec surprise puis prit la main. La jeune élue remarqua alors qu'il ne lui arrivait qu'au genoux.

« Quelle drôle de créature! »

Ensemble, ils franchirent la porte. Ils se retrouvèrent instantanément dans le camp des volontaires.