Chapitre XXIII
Dès que Victoire posa un pied hors du portail, plusieurs animaux vinrent la voir et s'inclinèrent devant elle. Elle lâcha la main de Lulu.
- Relevez-vous, s'il vous plaît! dit-elle, gênée.
Elle remarqua alors des tentes. Devant l'une d'elles se trouvaient Ralio et son fils. L'elfe adulte la vit et vint vers elle. Aussitôt, les animaux s'écartèrent mais ils restèrent à proximité pour la protéger.
- Enchanté de vous revoir, Votre Altesse, la salua-t-il.
Une exclamation parcourut les volontaires. Victoire se retourna et apercut les créatures magiques.
« Ils se sont finalement décidés à traverser le portail. »
Soudain Arsèce franchit la porte et tous le monde se tut. Certains tentèrent alors de fuir. Mais la plupart étaient trop terrifiés pour tenter quoi que se soit.
Parmi les volontaires, Victoire apercut des animaux, mais aussi: des elfes, des fées, des licornes, des griffons, des centaures, des faunes, des sphinx, des petits dragons, des lutins, des gnomes, des nains, des blaireaux-marin... Mais elle ne remarqua aucun pégase.
Un centaure se jeta sur le Giquareu. Ce dernier rugit lorsque l'épée s'enfonca dans une de ses pattes avant.
- Stop! hurla Jaréa. C'est un ami.
Beaucoup sursautèrent. Victoire ajouta:
- Il ne m'a pas tué alors qu'il aurait eu le temps de le faire. Je lui fais con-fiance.
- C'est lui qui nous a mené ici, grâce au portail, conclut l'ainée.
Bien peu acceptèrent le fait qu'un Giquareu puisse participer à la révolte. Et être en plus en ami. Le comble. Pourtant aucun osa faire une remarque devant le regard de Jaréa.
Le centaure qui avait attaqué Arsèce se tourna vers les deux élues. Il s'agenouilla puis planta son épée devant lui:
- Je vous jure fidélité, Vos Altesses. Si le Giquareu est votre allié alors il est aussi le mien.
Il s'adressa ensuite à Arsèce:
- Je m'excuse de vous avoir pris pour un ennemi.
Le Giquareu resta silencieux un moment:
- Si vous trouver un moyen de me soigner, je vous pardonnerai volontiers.
- J'ai entendu dire que les licornes soignaient par leur magie. Si l'une d'entre elle veut bien vous guérir, je vais vous mener vers les tentes où elles se trouvent.
Aussitôt dit, ils s'y rendirent. Ralio apostropha les deux soeurs:
- Venez! Je vais vous expliquer le fonctionnement du camp et le matériel utilisé. Après, il faudra que vous choisissez la stratégie.
Elles acquiesèrent. Elles le suivirent parmi tous le camp. Elles découvrirent qu'il était divisé en deux parties: celles des animaux et des autres peuples. Ce n'était qu'une question de logique: les animaux et les peuples n'avaient pas le même langage. Ils ne se comprenaient pas encore ensemble. Certains pourtant faisaient déjà des efforts. Victoire se souvint d'avoir perdu son pouvoir.
« Comment pourrais-je me faire comprendre?
Elle avoua ses craintes à Jaréa et Ralio. L'elfe réfléchit.
- C'est étrange que lorsque tu te sois interposé entre le Giquareu et le centaure, tous le monde se soit arrêtés. Après ils semblaient tous avoir compris ce que vous avez dit.
« Il a raison. »
Aussitôt, Victoire se transforma en créatures magiques. À sa grande surprise, cela fonctionna. Jaréa sourit mais elle perdit vite son sourire. La cadette reprit sa forme humaine et s'inquiéta:
- Qu'est-ce qu'il y a?
- Rien rien.
Elle n'insista pas. Elles continuèrent leur visite. Une queue se formait devant une tente. Ralio entra dedans sans prendre compte des vociférations de certains. À l'intérieur se trouvait un nain. Il était plus grand que Lulu et avait une carrure imposante. Sa peau était d’un gris-brun.
Il forgeait des armures à chaque volontaire.
« Impressionant! »
Il maniait avec dextérité son marteau. Ralio les conduisit ensuite dans une tente:
- Les "dirigeants" de la révolte. Ils vous expliqueront la stratégie.
Il les laissa passer et les deux soeurs se retrouvèrent devant un centaure, un elfe, un gnome, un griffon et un panthère noir.
- Enchanté, les salua cette dernière.
Le centqure les salua d'un hochement de tête avant de déclarer:
- Ne perdons pas le temps avec des discussions inutiles. Nous nous sommes mis d’accord sur la stratégie. Nous attaquerons le palais demain matin et oendant ce temps une équipe libère les prisonniers. Le but est de détrôner le roi. Des remarques ?
Le griffon prit la parole :
- Quand aura lieu l’attaque ?
- Dans deux jours, si les élues ne voient pas d’inconvénients.
Ils discutèrent et mirent en place les différents groupes.
Le soir, le centaure les emmèna dans leur tente. Victoire s'effondra sur son matelas, exténuée. Lorsqu'elle releva les yeux, elle vit Jaréa debout perdue dans ses pensées.
- Que ce qui ne va pas? lui demanda-t-elle.
- Rien, rien...
- Oh que si!
L'ainée soupira:
- C'est que Arwyn...
- Te manque? compléta la cadette.
- Un peu. Mais je m'en veux de lui avoir forcé la main...
Victoire la prit dans ses bras.
- Va dormir, lui dit finalement Jaréa. Nous avons une journée chargée demain.
- J'irai dormir seulement quand tu le feras.
- D'accord.
*****
Lorsque Victoire se réveilla, le soleil se levait à peine. Elle se changea discrètement et sortit. L'air frais du matin la fit frissonner. Tous le monde semblait encore dormir. Une forme bleue en haut d'une colline attira son attention. Elle reconnut Uranus. Aussitôt, elle se transforma en oiseau et le rejoignit.
Elle se posa et reprit sa forme humaine. Uranus sursauta:
- Tu ne m'avais pas dit que vous aviez perdu vos pouvoirs avec ta sœur?
- Si, mais on les a récupérés.
Victoire vit alors le panorama qu'offrait la colline. On distinguait au loin la plus haute tour du palais. Elle sentit une curieuse odeur. Instinctivement, elle la reconnut: c'était celle de la peur. La cadette se tourna vers Uranus.
- Pourquoi as-tu peur?
- Ce n'est pas une bonne idée de vous emmener au palais pour faire une révolte.
- Tu n'as pas vraiment répondu à ma question, lui fit-elle remarquer.
- Je n'ai pas envie de vous perdre.
- Qui te dit que nous allons mourir demain?
- Parce que vous êtes trop jeune pour vous battre.
- Et?
- Personne ne vous a appris.
- Mais si Jaréa et moi n'allons pas à la révolte, quel opinion les gens auront de nous?
Uranus grimaça.
- Je n'en sais rien, déclara-t-il finalement.
- Ca ne m’aide pas vraiment. Mais si on ne détrône pas Richard, qu’adviendra-t-il d’Événia.
Elle repensa alors aux phrases écrites sur le livre quand elle et Arwyn cherchait Jaréa pour la délivrer.
- « Dans le monde d’Événia, tous ont une place particulière et importante. Cette équilibre garantit la paix et l’harmonie à Événia. Il suffit qu’il soit brisé pour qu’Événia ne soit plus que l’ombre de soi. Et il s’est brisé. La destruction deviendra inévitable au bout d’un certain temps. » murmura-t-elle.
- Pardon ? Qu’est-ce que c’est que ces phrases ? demanda Uranus.
- Je n’en sais rien.
- J’ai une petite idée sur leurs significations, déclara alors une voix derrière eux.
Victoire se tourna vers Arsèce.
- Laquelle ?
- La première phrase : « Dans le monde d’Événia, tous ont une place particulière et importante » est très claire. « Cette équilibre garantit la paix et l’harmonie à Événia. ». L’équilibre désigne la place de chacun à Événia. Nous sommes d’accord ?
Uranus et la jeune fille acquiesèrent.
- La suite se devine aisément, annonça Arsèce. « Il suffit qu’il soit brisé pour qu’Événia ne soit plus que l’ombre de soi. Et il s’est brisé. La destruction deviendra inévitable au bout d’un certain temps. ». Cet équilibre s’est brisé avec la disparition des Giquareux et la séparation entre les peuples, les animaux et les humains.
Uranus et Victoire se regardèrent. La créature magique dit :
- Si ton interprétation est juste, il faudrait... libérer les Giquareux et leur redonner la place qu’il avai et recréer des liens entre les peuples.
La jeune fille repensa à ce que Ralio leur avait appris. Toutefois, elle ne dit rien. Finalement, Victoire descendit de la colline et regarda si sa soeur était déjà réveillée. C'était le cas.
- Bien dormi?
- C'est la premire fois depuis plus d'une semaine que je n'ai pas dormi sur un matelas, lui rappela Jaréa. C'est un luxe.
- Je vois.
Elles sortirent. Soudain l'ainée se figea. Victoire vit alors Arwyn en pleine discussion avec Ralio. La cadette vint voir l'adolescent:
- Arwyn!
L'intéréssé sourit:
- Content de te voir.
Ils se serrèrent affectuesement. L'adolescent se tourna ensuite vers Jaréa. Elle fit une grimace mais s'avança à son tour. Ils se regardèrent, aussi gênés l'un que l'autre. L'ainée finit par rompre le silence:
- Comment s'est passé ta...
- Ne t'en fais pas. Je me suis trompé sur beaucoup de choses en réalité. Je ne suis plus en colère conte toi. Et... je tiens à m'excuser pour mon comportement.
Jaréa fixa le sol.
- Je suis désolée de t'avoir proposé cette mission. C'était... odieux de ma part.
- Peut-être. Mais grâce à toi, j'ai appris pas mal de choses importantes dont je vous parlerai après. Et puis, contrairement à ce que je pensais, il y avait des volontaires.
- Combien à peu près?
- Une vingtaine.
- On va discuter dans ma tente, lui proposa-t-elle. Victoire, va voir s'il te plaît les humains et trouve un moyen de les installer.
- D'accord, acquiesa la cadette.
- Ils se trouvent au bord du camp. Vers le lac, lui précisa Arwyn.
Victoire se dirigea dans la direction. Mais avant d'être parvenu à destination, elle vit Perce-Neige, Ninie et les autres animaux de la ferme de Pierre et Nathalie.
- Qu'est-ce que vous faites là?
- On est venu vous dire bonjour, lui répondit la jument à la robe grise.
Victoire s'approcha d'eux. Aussitôt, Ninie réclama quelques gratouilles. La cadette éclata de rire et le fit. La cadette vit alors certains animaux les regarder avec des yeux étonnés. Uranus vint vers elle et lui expliqua:
- Personne ne fait ça à Événia. Certes, il n'y a pas beaucoup d'humains mais il faudra éviter que vous gardiez les vieilles habitudes de la ferme.
- Il recommence avec ses ordres, se plaignit Pitoucha.
Victoire ne l'avait pas vu arriver.
- Viens, lui dit la chienne. Pendant qu'Uranus fait la morale, on va voir les humains qui viennent d'arriver de Carnia.
La cadette vit la créature magique lever les yeux au ciel. Elle suivit la chienne. Elles sortirent du camp et Victoire les vit.
Essentiellement composé d'hommes mais aussi de femmes et quelques enfants, le groupe était assis, visiblement épuisé par leurs longues heures de marche.
« Comment ont-ils fait pour venir aussi vite jusqu'ici. Des centaines de kilomètres séparent pourtant Carnia du lac Salsabys. »
Elles s'immobilisèrent et écoutèrent la conversation:
- Comment être sûr qu'on ne va pas être massacré? Que ce n'est pas un piège? demanda un homme.
- Nous ne sommes sûr de rien, lui répondit un autre homme barbu.
- Pourquoi sommes-nous là alors?
- Parce que nous voulons un avenir meilleur, répliqua une femme.
Pitoucha, qui avait vécu depuis sa naissance auprès des humains, comprit leur inquiétude. Elle s'approcha:
- Les animaux ne sont pas des mangeurs d'hommes! Encore moins dans Événia.
Tous les humains sursautèrent et reculèrent d'effroi.
« Comment réussiront-ils à participer à la révolte si les animaux leur font peur? »
Victoire vit alors un petit garcon qui n'avait pas reculer. Il était âgé d'une dizaine d'année, voir moins. Les femmes avaient aggripé leur enfants mais aucune ne vint pour prendre le petit garcon afin de le faire reculer. La chienne l'observa et constata que la peur l'empêchait de bouger. Il se mit à pleurer et se cacha les yeux. Attristée, Pitoucha vint vers ui. Tous le monde retint son souffle. Le garcon était parlysé, comme si il espèrait qu'elle ne le voit pas. La chienne le flaira puis lui lécha la joue. Surpris, il ne réagit pas. Elle lui lécha l'autre joue. Il éclata de rire.
Victoire sourit.
« Pitoucha a le don de calmer les gens. »
Le petit garcon tendit une main hésitanteet la chienne le laissa caresser son cou. Tous les adultes de Carnia se regardèrent.
- Vous ne me croyez toujours pas? leur demanda la chienne.
Victoire lui sourit. Elle dit à l’intention des humains :
- Ne vous en faîtes pas. Ici, personne ne mange personne. Ni les animaux, ni les autres peuples. Et si vous ne me croyez pas, voux feriez bien de me suivre pour avoir votre propre avis.
Elle tourna les talons et repartit vers le camp. Pitoucha la suivit et la jeune fille remarqua que le petit garçon se cramponnait à son dos. Les humains la suivirent finalement et elle leur fit visiter le camp.
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