Chapitre VII
Quelle ne fut pas la surprise du roi des nains quand il les vit réapparaitre!
Victoire n'oublierait pas la tête qu'il fit. Mais pour le moment, elle avait un traître à attraper. Elle le vit au côté du roi. Son sang ne fit qu'un tour. Celui-ci, comprenant qu'il n'avait que très peu de chances de s'en sortir vivant, pâli et chercha des yeux une sortie. Jaréa lui sourit:
- La porte se trouve derrière moi.
- À qui parlez-vous? demanda le roi.
- À celui qui siège à votre gauche, Votre Majesté. C'est celui qui nous a... tendu une embuscade, avec d'autres nains que je n'ai pas eu le temps de voir.
Tous les nains étouffèrent une exclamation. Le concerné se jeta devant les genoux du roi:
- Votre Majesté! Je vous en supplie... je peux tout vous dire!
- T'en prendre aux reines d'Événia! Quel culot!
- Vous appelez ca des reines? Des filles gâtées, voici ce qu'elles sont.
- Vous aggravez votre cas, commenta Jaréa.
Victoire prit alors la parole:
- Jetez-le en prison.
Tous furent surpris.
- Votre Altesse, nous le jugerons selon la loi des nains et pas autrement, lui dit le roi.
- Dans ce cas, laissez-le vivant jusqu'au retour de nos parents.
- Vos parents? Mais ils sont décédés!
- Non. Ils ont disparu. C'est différent. J'aimerais que ce soit mon père qui le juge pour tentative...
- De meurtre, compléta l'ainée. Pourriez-vous nous accorder cette faveur, Votre Majesté?
- Et bien... c'est d'accord. Mais comment pouvez-vous être aussi sûres de vous?
Jaréa se tourna vers Victoire.
- C'est une devin qui nous la dit, lui apprit la cadette.
- Et vous la croyez comme ça? s'étonna le roi.
- Non. Même Arsèce nous l'a dit.
- Et vous le croyez comme ça?
- J'ai confiance en lui.
- Et comment comptez-vous les trouver?
- Chaque chose en son temps, le coupa Jaréa. Sachez cependant que ce traître nous a aidé d'une manière indirecte.
Tous les nains furent surpris. Surtout le traître.
- Maintenant, si vous le permettez, continua l'ainée. Nous aimerions récupérer nos affaires et prendre congé.
- Fait, approuva le roi.
- Je vous remercie.
*****
D'un accord commun, ils avaient décidé de ne pas rentrer à Événia mais de voler directement jusque les Gorges de Topase. Victoire s'assoupit. Jaréa lui avait soigné ses côtes sans trop de mal.
Arsèce ne s'arrêta pas une seule fois, ne serait ce que pour boire ou se reposer. Aussi, quant ils atteignirent leur destination, il était exténué. Il se posa lourdement sur le sol et se coucha.
- Tu nous as beaucoup aidé, merci, lui dit Jaréa. Nous continuerons seules. Tu nous rejoindras quand tu seras reposé.
Le Giquareu voulut les suivre mais s'écroula au bout de quelques pas.
- Très bien. Mais faîtes attention à vous.
Avec seulement un sac sur le dos, elles s'engagèrent dans le chemin. Tout autour d'elles se dressaient d'énormes falaises de... topase. D'où son nom. Mais il y avait d'autres minerais, ce qui donnait une allure assez inhabituel au paysage. Il n'y avait aucun signe de vie autour d'elles.
Lorsque la nuit tomba, les deux soeurs sortirent une simple couette pour dormir. Elles avalèrent un morceau de pain et burent. La température resta la même qu'au cours de la journée.
Victoire fut réveillée par un souffle chaud au creux de son cou. Elle ouvrit les yeux et vit un museau fin de la couleur du sable. Ses oreilles étaient démesurées par rapport à sa taille.
- Qui es-tu? voulut-elle savoir.
- Un intrépide. J'ai toujours voulu savoir ce qu'il y avait derrière les Gorges de Topase.
- Et tu as décidé d'aller voir.
- Exactement.
Ils discutèrent le temps que Jaréa se réveille. Victoire apprit le mode de vie des fennecs. Quand à l'intrépide, il apprit les coutumes des humains de l'autre monde. Tout à coup, une ombre les survola. Aussitôt, il s'aplatit sur le sol.
- Ce n'est rien. C'est un ami, le rassura la cadette.
Arsèce descendit et atterrit en douceur. Jaréa se réveilla et le salua d'un baîllement.
- S'lut, dit-elle.
- Bonjour, bien dormi? s'informa-t-il.
- Plus ou moins.
- Vous avez parcouru un bout de chemin. Nous ne devrions plus être très loin du centre.
Victoire se tourna vers le fennec mais il avait déjà filé. Il avait laissé des traces sur son passage.
- Montez! leur dit Arsèce.
- Je ne pense pas que se soit une bonne idée, avoua Victoire.
- Et pourquoi? s'enquit Jaréa.
- Si j'ai bien suivi mon raisonnement, ce qu'on trouvera sera une sphère qui nous emmènera là où les Giquareux se sont cachés.
- Qu'est-ce que j'ignore? demanda Arsèce.
- J'ai eu une vision.
Elle le lui raconta.
- Et donc, si nous volons, on passera sans la voir. La sphère ne vole pas que je sache.
Jaréa et le Giquareu restèrent silencieux.
- Tu es sûre que c'est bien la sphère que nous trouverons? On ne peut rien affirmer! lui fit remarquer sa soeur.
- Certes, mais si c'est le cas, il y a des chances pour qu'on ne la voie pas.
- Très bien, les coupa Arsèce. On continuera à pied.
Ils marchèrent donc. Le soleil était au zénith quand Jaréa trébucha sur un caillou. Victoire la rattrapa in extremis.
- Ca va?
- Ne t'en fais pas soeurette, la rassura-t-elle. Victoire?
La cadette ne l'écoutait plus. Elle fixait le caillou sur lequel sa soeur avait trébuché. Rond, avec des reflets changeants.
« La sphère! »
- Mais qu'est-ce qui t'arrive! s'écria Jaréa. Pourquoi tu fixes ce caillou? Il n'a rien d'exceptionnel!
- Tu ne la vois pas? La sphère?
- Ce n'est pas une sphère mais un vulgaire caillou.
- Je confirme, certifia Arsèce.
- Ce n'est pas un caillou! C'est la sphère!
- Explique-moi pourquoi est-ce que tu vois autre chose que nous deux, exigea sa soeur.
- J'en ai aucune idée. Bon, écoutez-moi. Donnez-moi vos mains et vous verrez par vous même, répondit-elle. Si je me trompe pas, nous serons transportés...
- Dans le lieu où se cachent les Giquareux, la coupa Arsèce.
Ils restèrent silencieux, prenant conscience que les instants à venir seraient importants et décisifs.
Le Giquareu déclara:
- On y va.
Ils formèrent une chaîne. Après quoi, Victoire posa les doigts de sa main libre sur la sphère. Juste avant d'être emportée, elle remarqua que celle-ci était chaude.
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