Victoire eut l'impression de traverser un blizzard. Le froid lui picotait sa peau. Sa vision se brouilla mais elle ne lâcha pas la main de sa sœur.

Quand tout fut terminé, ils se trouvaient dans une grande plaine avec au loin une construction imposante. Cela s'apparentait à une tour mais le reste ne ressemblait à rien que ce que la cadette avait déjà vu auparavant.

- Qu'est-ce qu'on fait? chuchota Jaréa.

La cadette regarda la sphère au creux de sa main. Arsèce renversa son museau et poussa un rugissement tonitruant. Il y eut un écho.

- Pourquoi tu as fait ca? demanda l'ainée.

- On n'allait pas faire le tour de l'installation pour repérer un Giquareu. On aurait perdu un temps fou!

Un cri les interrompit:

- Rejoignez-nous dans le nid!

Le trio ne bougea plus. Finalement, Arsèce avança. Victoire vit qu'il essayait de contenir son impatience et sa peur de ce qu'il allait découvrir. Les deux sœurs n'eurent d'autre choix que de le suivre. Ils empruntèrent un long chemin qui les menait visiblement à ce nid. La cadette observa les alentours.

« Je crois que je ne pourrais plus jamais voir du gris! Après "la forêt de l'opacité", l'endroit où vivent les Giquareux. »

D'importants nuages sombres s'amoncellaient dans le ciel. Malgré cela, Victoire remarqua que toutes les couleurs étaient ternes. Il n'y avait aucune couleur vive et il n'y avait presque pas de signe de vie. À part quelques marques de griffes sur un arbre, un buisson piétiné, on aurait pu croire tout abandonné. La cadette porta alors son regard sur le fameux "nid". Il y avait bien une tour, très haute et très imposante. L'entrée était aussi grande que le portail d'Hédénia.

« Certains Giquareux doivent être presque deux fois plus grand qu'Arsèce! »

La tour était faite en pierre, sans élégance, comme si il avait du construire un abri éphémère pour se protéger. De quoi? Aucune idée. Il y avait plusieurs étages.

Le bâtiment à côté était de forme circulaire. Il semblait plus robuste que la tour, bien que moins grand. Seules quelques ouvertures étaient percés sur le mur.

Un énorme battement d'ailes l'interrompit dans sa réflexion. Le trio leva les yeux et ils virent le Giquareu. Il dépassait Arsèce de plusieurs têtes, avec une bien plus grande envergure. Ses écailles n'étaient pas non plus de la même couleur, au lieu d'être gris sombre, elles étaient d'un rouge sombre avec des reflets noirs et argentés.

Le Giquareu darda sa langue, comme si il goûtait l'air. Victoire remarqua une longue cicatrice qui courait le long de son poitrail.

« Il s'est battu. Et sauvagement. Mais la cicatrice a l'air ancienne, tous comme le propriétaire de cette marque... Combien de temps un Giquareu peut-il vivre? »

- Un nouveau..., susurra l'intéréssé. En compagnie de deux humaines, descendantes de Skonry... Voilà qui fort intéressant...

Arsèce cligna des yeux. Son congénère continua:

- Malheureusement, ils ne sont pas admis...

Le Giquareu tendit ses muscles, prêt à sauter sur les deux sœurs. Soudain, une forme le percuta.

- Je t'interdis de toucher aux personnes qui accompagne mon enfant! le menaca-t-elle.

- Fli! C'est moi qui commande!

- Non! Tu vas te laisser emporter par ta haîne! Je m'en occupe et je te fais un compte rendu après!

Les deux Giquareux se regardèrent un instant puis celui qu'ils avaient vu en premier soupira:

- Très bien, Fli. Tu as carte blanche.

Ladite Fli le relâcha et se tourna vers le trio.

- Excusez-moi pour cette entrée, un peu violente. Je m'appelle Fli et voici Pen, notre chef.

Victoire vit qu'Arsèce était obnubilé. Il demanda hésitant:

- Que... que vouliez-vous dire en disant: mon enfant?

La Giquareu lui sourit.

- Tu l'as compris. Je suis ta mère.

Jaréa étouffa une exclamation de stupeur. Victoire ouvrit de grands yeux. Arsèce ne savait plus quoi faire, aussi resta-t-il planté sur place. Fli s'avança vers lui et l'enveloppa de ses ailes couleur bleu marine et violette.

Les deux soeurs sourirent devant cette scène. La mère de leur ami semblait pourtant elle aussi pas très à l'aise. Elle recula puis dit d'un ton détaché:

- Venez! Je vous emmène voir le nid et vous pourrez tous me raconter!

Elle leur tourna le dos et le trio la suivit.

- Le nid se trouve à plusieurs kilomètres d'ici, leur indiqua-t-elle.

- Autant! S'exclama Jaréa. Il me semblait qu'il était beaucoup plus proche.

- C'est une illusion, lui expliqua Fli. Vous voulez marcher? Ou volez sur nos dos?

Victoire se transforma en Giquareu en réponse. Elle tendit son aile gauche à sa son ainée, qui grimpa sur son dos. Fli siffla de stupéfaction.

- Impressionant! D'après Pen, il fallait quleques secondes aux descendants de Skonry pour se transformer... Ce n'est pourtant pas ton cas.

La cadette battit de la queue en réponse puis s'élança dans les airs en battant des ailes. Les deux Gquareux la suivirent.

- Il nous faudra un moment. Dans quels genres d'aventures êtes-vous embarquées?

Les deux soeurs racontèrent tous : la naissance des jumeaux, Richard et Urien, la division du peuple d'Événia, la prophétie, l’apparition du mal, la disparition des créatures magiques, la disparition de leurs parents, le monde des humains, l'aventure qui les avait mené à délivrer les créatures magiques et à rencontrer Arsèce et aussi les autres peuples. Jusqu'à maintenant.

Elles venaient de terminer leur récit quand ils arrivèrent au nid. Il était tel que Victoire l'avait vu mais en deux fois plus grand.

Ils se posèrent en douceur à l'entrée. Arsèce prit la parole pour la première fois:

- Mère? Comment est-ce que je me suis retrouvé aux mains de l'ancien roi?

Fli s'interrompit puis se tourna vers son fils :

- Pour le comprendre, il faudra remonter toute l'histoire. Suivez-moi.

Elle les guida dans la tour. Ils montèrent une série de marche. Puis ils entrèrent devant une pièce vide où un trou avait été creusé au milieu du sol.

- L'histoire commence il y a exactement 921 ans. Quelques années avant que les Giquareux soient traqués.