{I}
Les barreaux de métal semblaient être une barrière infranchissable entre moi et le monde extérieur. Les murs gris m'enfermaient. Des murs gris anthracites, des murs reflétant mon malheur. Des murs dépitant qui me faisaient ressentir tout mon mal. Ils avaient pourtant plus soufferts que moi, ils étaient rayés de toute part, par les prisonniers précédents, devenus fous à cause de cette prison.
Adossé à l'un d'eux, j'écoutais le bruit de l'océan taper contre l'édifice. Un édifice de regrets, de malheur, d'injustice. L'édifice de mes regrets.
Je repensait à tout, dans la plus profonde des concentrations. Je repensait au collège, jusqu'à ces dernières semaines. Je voyais ma vie défiler par éclats.
Le jugement...Le procès...L'enfermement...Elle...Je lui devais tout.
Elle avait détruit mon monde, et elle le savait. C'était ce qu'elle voulait depuis le début. .
Je me rendais compte lentement, maintenant que j'étais seul. Seul face à mes erreurs, seul face à tout. Dans la plus totale des solitude.
C'était à cette soirée où je n'aurais jamais dû être que je l'avais rencontrée. Nedjma... Cette femme si trompeuse que j'apercevais maintenant au beau milieu de mes rêves, cette femme dont le bateau chavirait maintenant si loin du mien.
Les lumières s'éteignirent d'un coup. Elles se rallumèrent, quelques seconde plus tard, au fond de la salle, laissant apparaître une grande femme, vêtue d'un robe orientale jaune-orangée, brodée de fil d'or, comme celles que l'on porte lors des mariages, majestueuses.
Yasmine, à côté de moi, avait relevé le regard, intriguée, et fixait cette femme, dont l'apparition était des plus mystérieuses. Yasmine ne s'était jamais intéressée à la beauté, et voilà que je voyais au fond de ses prunelles, une lueur d'admiration pour le physique de cette femme à l'aura imprenable.
La traîne de la robe, longue, glissait au rythme de ses pas, volant à la même cadence que ses cheveux d'auburn et de miel, mis en valeur par sa robe. Elle portait un grand chapeau, jaune et orange lui aussi, qui ne gâchait en rien la magnificence de sa tenue, ne laissant apparaître que le bout de son nez légèrement courbé, séduisant, se mariant parfaitement avec ses lèvres roses comme des amaryllis, pulpeuses.
Moi, à côté de ma sœur, collé à elle depuis le début de la soirée, je la regardais aussi. Elle marchait droitement, la tête haute, d'un pas élégant. Qui était-elle et d'où venait-elle ? J'n'en savait rien, et même si j'avais envie d'avoir réponse à ces questions, je me forçais à détourner le regard? Qu'est-ce qu'une telle femme, au centre de l'attention, allait-elle m'apporter, à moi? N'avait-elle pas déjà quelqu'un ? Moi j'étais discret, simple, elle majestueuse, imposante. Elle n'était certainement pas pour moi.
Elle avait continué d'avancer, s'était éloignée du fond de la salle, pour s'approcher du comptoir où j'étais adossé. Elle s'assit sur un pouf, et l'homme qui gérait les boissons la servit, à moitié entrain de la dévorer du regard.
Depuis son arrivée, le temps s'était comme arrêté. Ce ne fut que lorsqu'elle porta son verre à ses lèvres que la soirée reprit.
Moi et Yasmine étions restés à notre place, là où nous devrions. Au moins, on savait se tenir. Ce n'était pas moi qui avait choisi de venir ici. C'était le manager qui m'avait forcé, me promettant que cette nuit serait torride et me permettrait de me faire connaître. J'avais beau m'y sentir mal à l'aise, je ne pouvais nier que j'aimais cet univers de gens riches et connus, vivant du sport, de leur grande passion.
Cette soirée aurait pu, aurait dû être mon ascension dans le monde sportif. Dans le monde du football. Moi, qui gamin perdait mes matches et en pleurait, j'aurais pu devenir un professionnel.
Si elle n'avait pas été là pour tout foirer.
A la place, cette soirée avait été mon ascension dans le monde de la criminalité. J'avais salit mon nom . Elle avait sali mon nom, plutôt. Le nom de Ben Salah.
Sofiane et Yasmine Ben Salah...Nous deux adossés au comptoir du bar, sur leur gardes, se méfiant de tout. C'était nous contre le monde, les liens du sang nous uniraient jusqu'à la mort.
...
Je me suis assis par terre, la tête dans les bras, comme un enfant qui pleurait dans une cour de récréation. Je pleurait de plus en plus fort, le souvenir de l'instant où elle m'avait adressé la parole revenant en force, m'ôtant toute résistance, toute joie de vivre. Le souvenir de ce moment où elle m'avait souri, de ces belles dents blanches, séduisante, attrayante. En juste quelques secondes, j'avais tout revécu. Les images défilait et les paroles se mélangeaient, se déformaient, formant des insultes. Je ne connaissais même pas ses raisons de l'avoir fait ceci. Et ça, ça me rageait encore plus que la prison.
Ici, j'étais privé de tout. On m'avait tout enlevé, j'étais juste haillonneux et sale. J'étais une fontaine de regret, une fontaine de sentiments. La tristesse, l'amour, le dépitation et la désolation se fondaient, mais tout restait dominé par la haine. Je ne savais plus où mes pensées allaient. N'allaient-elles pas vers un monde inconnu, dépressif et noir ?
Si seulement tout pouvait s'arrêter...
Les portes de ma cellule s'ouvrirent brusquement. Deux gardiens vinrent me saisir, moi, minable au sol.
-« T'es demandé au parloir. »
Ces seuls mots me firent peur. Au parloir ... Qui voudrait me voir ? Tout le monde m'haïssait, la tragédie m'avait frappé si vivement. Personne ne défendait l'idée que je puisse être innocent.
Mes paupières tombèrent sur mes yeux. J'étais évidé de toute force, j'avais même du mal à aligner un pied devant l'autre, c'étaient les gardes qui me soulevaient.
Arrivé devant la grande salle, où plusieurs détenus étaient alignés, parlant avec leurs proches, j'eut un gros coup de stress, qui m'épuisa plus encore. J'étais fatigué, mais je n'avais pas droit à un seul instant de répit.
Je fut installé au bout. J'ai fermé les yeux, soufflant, profitant d'un semblant de liberté. Un bruit de chaise crissant sur le sol se fit entendre, juste devant moi. J'ai ouvert les yeux, mais je n'aurais pas dû, cela aurait apaisé beaucoup de mes tourments.
Elle se tenait en face de moi, droit et fière. Elle me regardait, ironique, moqueuse. Elle me posa une question totalement fatale.
-« Alors, Sofiane. C'est bien ici ?»
Les larmes me sont montées aux yeux, j'étais dépité par le ton qu'elle avait pris. J'eut du mal à lui répondre.
-« Nedjma...T'es à la traîne. Vraiment. Imagine-tu seulement à quel point je suis enfermé dans mon malheur, franchement ?
-Mais Sofiane, je n'ai rien à m'imaginer, ce n'est pas mon dos. Je ne subit pas. »
Je l'ai taillée. Elle avait les mains posées contre la vitre, les ongles parée de faux. Un anneau brillait à son quatrième doigt, et j'ai louché dessus, ce qu'elle remarqua. Elle me regarda avec pitié, contemplant l'homme qu'elle avait détruit.
Elle avait comme pris une allumette et l'avait jetée sur ma vie, après avoir étalé quelques litres d'essence sur celle-ci. Elle avait décimé mon petit cœur sans état d'âme.
Elle sortit une cigarette de son sac à main, et l'alluma. C'était si élégant, la manière dont elle tenait sa clope entre ses doigts. Elle cracha une bouffée de fumée asphyxiante, chose interdite à l'intérieur, mais comme c'était elle, personne ne lui dit rien.
-"Alors, Sofiane, on parle? "
Elle ramena sa chaise vers moi, la tête penchée et la mine intéressée. D'un revers de la main, elle remonta son chapeau sur ses cheveux, laissant apparaître toute sa beauté éblouissante. Cette beauté éblouissante mais éphémère, qui ne tirait qu'un temps, incomparable à celle du cœur. Un beauté qui aveuglait le cœur des hommes, pas leurs yeux. Alors que la beauté du cœur, la beauté des femmes errant seules, douces, dans l'acceptation, aveuglait les yeux, mais séduisait l'âme. Je commençais à réfléchir à toutes ces choses.
Je voyais sur les lèvres de Nedjma les confidences que j'avais peur de savoir.
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