{II}
[ A CORRIGER ]
-"Plutôt que d'avoir cette lueur d'espoir inutile,tu devrais attendre la mort dans cette cellule,rien de bien ne t'arrivera plus jamais. "
Nedjma avait pris un ton grave, désespérant Sofiane. Dans cette prison océanique, c'était l'enfer. On noyait les cadavres des prisonniers décédés, la petite bête mangeait la grosse. Chaque prisonnier était traité comme un animal une bête féroce. Personne n'avait de valeur, on jouait avec la vie humaine, faisant osciller les âmes entre la vie et la mort, les esprits entre la saineté et la sénilité. Devrait-il donc réellement attendre la mort ici? La sortie ne lui était-elle pas assurée?
Le souvenir de sa mère qui lui caressait le front pour le réconforter à chacun des matches qu'il perdait, à chaque chose de bien qu'il faisait, sous ses yeux ébahis, le souvenir de sa sœur, toujours en jogging, à la garçonne, son style contrastant avec ses cheveux...Si à cet instant là, il avait pu les avoir auprès d'elle. Il aurait eu toute la force du monde.
Sofiane serra la mâchoire, retenant ses pleurs. Nedjma le regardait avec une satisfaction toute particulière, qui se lisait dans son regard mordoré. Un grand sourire sadique occupait son visage, un grand sourire destructeur. Elle haussait les sourcils de façon indicative, dans l'expectation d'un parole venant de Sofiane. Mais il avait les lèvres trop tremblantes pour en faire sortir un quelconque son.
Elle se pencha alors vers lui, commençant à lui parler tout bas, à tout lui dire, à tout lui expliquer. A tout lui faire réaliser, à faire remonter tous les souvenirs.
Tout ça pour finir par des phrases ,des phrases qui lui donnaient l'envie de se donner la mort.
-"Tu vois...Tu fais de moi la coupable, alors que tu es le seul fautif. Tu mérites. J'apprends pas à oublier, moi. Je pardonne pas, Sofiane. Assume. Assume tes actes, sinon ne les commet pas. Il n'y a que moi qui sache que tu es innocent. Ici, personne ne le sait, ne le saura jamais. "
C'était la goutte de trop. Elle l'avait piloté, avait pris les commandes de son esprit, l'amadouant, et, maintenant, riait de lui .Le secret et le désaccord flottaient entre eux, se ressentant puissamment.
-"Nedjma...Tu sais tout,tu sais très bien...Ne joue pas avec les mots,je t'en supplie. Chacune de tes phrases est à équivoxe, et mon espoir vacille à chacun de tes mots. Pourquoi...Pourquoi m'avoir fait ça, pourquoi m'avoir meurtri de la sorte ?
-Il y a bien des raisons à cela Sofiane, je viens de toutes te les dire, que veux-tu de plus ? Je te pensais plus intelligent. Mais chaque chose en son temps, peut-être un jour comprendras-tu complètement ? "
Elle s'est levée, dans un envol de tissu sombre,lui jetant ses derniers mots:
-"Que le ciel t'emportes,Sofiane. "
Elle s'est tournée,élégante et avait avancé d'un pas décidé. Ils ne se reverraient plus,Sofiane le savait.
Que le ciel t'emportes...
Cela signifait quoi exactement ? Lui souhaitait-elle la mort?
Nedjma était sa flamme,sa lumière dans le noir,sa source,son amour,et elle le laissait de la sorte. Ses confidences étaient terribles,quoi que Sofiane dise ou fasse,il avait tort. Il n'arrivait pas à laisser le passé au passé. Leur histoire se terminait là, sur une page noire,sur une page brûlée en bas,dont il en manquait la moitié. Ca n'aurait pas dû se finir comme ça. Ca ne pouvait pas se finir comme ça, sur des mots à l'interprétation juste impossible,sur des mots faisant planer le doute.
Mais le début était la fin,quelque part au fond de lui,Sofiane le savait. C'était un aller sans retour depuis le début. Depuis le tout début, la terre n'était pas fertile, rien n'aurait pu fleurir entre eux. Et pourtant Sofiane s'était laissé charmer,Sofiane s'était laissé faire et l'avait aimé.
Elle l'avait détruit, elle l'avait ravagé. Elle lui faisait part de ses raisons une fois le calvaire fini, emprisonné entre quatre mur.
Les gardes saisirent Sofiane, un Sofiane mou, un Sofiane sans force, un Sofiane brisé.
Un homme détruit.
Une vie brûlée, un cœur brisé. Un cœur brisé en mille morceau, et donc chaque morceau s'attachait à quelque chose de différent, en attendant de trouver une colle assez forte pour rassembler chaque morceau, une colle qui réunira tout ce que chaque morceau avait aimé.
Cette colle existait-elle réellement ? C'était tout ce que Sofiane voulait, il voulait que l'on recolle les morceaux. Il voulait retrouver la vie d'avant, retrouver sa famille, retrouver le stade, où les gens l'acclamaient à chaque but, proclamant qu'il serait un des meilleurs attaquants de la nouvelle génération, qu'un contrat s'élevant à des millions lui serait donné. Des paroles lointaines, que Sofiane entendait dans son sommeil, dans ses songes, devenus plus doux que sa vie. Une réalité devenue rêve. Tout pouvait basculer à cause d'une seule personne, lorsque qu'on ne savait pas s'entourer.
Il fut jeté sur le sol, soulevant un nuage de poussière noire, l'étouffant. Il retrouva la tristesse de ses murs gris, la tristesse de son isolement, de sa solitude qui le poussait à revoir toute sa vie, à remonter jusqu'au collège.
-"Sofiane il t'aime pas, arrête de rêver, t'es grave moche,regarde-toi! "
Sofiane regarda successivement son pote ,puis la fille assise sur le banc, un livre sous les yeux. Sous des yeux pleins de larmes, des yeux remplis de tristesse, de cette tristesse qui l'accompagnait chaque jour, de cette tristesse qu'elle avait en guise d'ami. Elle portait les cheveux longs, lâchés, bruns presque noir à la racine et aux pointes, noisette. Dans la cour, tout le monde passait devant elle, se moquant et émettant des petits rires malsains et discriminants. On l'isolait du monde, on lui faisait subir de façon inutile.
On passait sur elle le manque de confiance qu'on ressentait.
Sofiane participait à tout ça. Il avait lancé tout ça, même. Cette fille, si elle l'avait pu, ce serait mise à genoux devant lui, son cœur au creux des mains. Elle l'aimait éperdument malgré ce qu'il lui faisait.
Elle pensait qu'il valait mieux des insultes plutôt que rien...Au moins, il lui prêtait attention, c'était déjà ça.
-"Pouah, c'est vrai, elle est bien moche. "
Sofiane se retourna, la jeune fille mouillant son livre de larmes. Elle lisait les mille et unes nuits, qui devenaient les milles et une larmes. Chaque jour, elle tapait sa crise aux surveillants, elle refusait de rentrer dans le collège, elle refusait de passer la grille, la boule au ventre, pleurant toutes les larmes de son corps. Chaque jour on lui parlait de Sofiane. Chaque jour on lui faisait revivre le mal.
Et lui, il se contentait de rire à la sortie, de la pousser à la cantine, lui faisant renverser son plateau plein de nourriture, lui tapant l'affiche.
Il riait, il riait, il ne pouvait plus s'arrêter. Il devenait accro aux larmes de Ritedj, à ses beaux yeux verts larmoyants, ces beaux yeux verts rougis par les larmes...
Ces beaux yeux verts qu'il avait abîmés,auxquels il avait enlevé toute lueur.
Ces beaux yeux verts qui lui valaient maintenant la prison...
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